L'idée, encourager et défendre la littérature corse sous toutes ses formes, sans barrières ni interdits. Utah, La vertu des paysans et Da Parighji sin'à tè, les trois premiers ouvrages, sont déjà sortis.
"Etre au cœur de l'attention, ça va être bizarre pour moi. Je n'ai pas franchement l'habitude !" Nicolas Rey en sourit, mais un peu d'appréhension affleure malgré tout derrière l'excitation.
Cet après-midi, à la librairie Grand sud de Porto-Vecchio, le trentenaire aux traits juvéniles signera Utah, son recueil de nouvelles, de 15 heures à 19 heures. Le livre vient de sortir, et une rencontre avec le public, c'est une grande première pour lui.
Il y a quinze jours à peine, Nicolas Rey voyait son nom s'étaler sur la couverture d'un ouvrage, pour la première fois. Jusqu'ici, il avait été publié une seule fois, au sein de l'anthologie Tonu è Timpesta.
Il se rappelle encore de l'émotion quand il a découvert Utah, terminé. "Je l'ai trouvé magnifique, la couverture est belle, et je me suis rendu compte du travail qui avait été fait par Òmara. Et puis après je l'ai ouvert, et tous les défauts m'ont sauté aux yeux". L'auteur éclate de rire. "Lire ses textes, dans un vrai livre, ça aussi ça fait bizarre".
Prendre les choses au sérieux
Òmara , c'est la maison d'édition créée et gérée par Marc Biancarelli et Jérôme Luciani . Elle a vu le jour en ce début d'année 2022. Et les deux hommes ont voulu frapper fort. Le même jour que Utah , deux autres ouvrages sont apparus sur les étals des libraires de Corse. La vertu des paysans de Jean-François Rosecchi, et Da Parighji sin'à tè de Philippa Santoni, en éditions bilingues. "C'était une manière d'annoncer qu'on existait, et en même temps, de prouver qu'on prenait les choses au sérieux", reconnaît Marc Biancarelli.
L'auteur de Murtoriu, au fil des années, a vu éclore, puis s'affirmer, le talent de ses poulains. Et il ne tarit pas d'éloges. "Nicolas est issu des ateliers littéraires que j'anime à Porto-Vecchio. Il a un imaginaire génial. Ses nouvelles, ce sont des petits films qui te transportent loin. Et ce n'est que le début. Il sera une des grandes révélations des années à venir. Rosecchi, je pense que c'est un auteur majeur, stylistiquement, en Corse. C'est très houellebecquien, son roman. Il porte un regard caustique sur la Corse des années 90, et plus largement sur le monde occidental. Et pour couronner le tout, c'est désopilant. Il me fait rire à chaque page. Et Philippa Santoni, quand elle nous a proposé son roman, on n'a pas hésité une seconde. Raconter une histoire d'amour entre deux femmes, en Corse, ça fait déjà de son livre un OVNI, dans le coin. Mais en plus, le faire comme elle le fait... Parfois, il y a des accents, dans l'écriture, qui me rappellent Les carnets du sous-sol, de Dostoïevski..."
Nouvelle génération
Sans surprise, Marc Biancarelli ne fait pas dans la demi-mesure. Mais ce sont cet enthousiasme, cette énergie, cette foi dans la littérature corse qui sont les moteurs d' Òmara. La maison d'édition est l'aboutissement d'années de combats, à travers des blogs, des concours d'écriture, des ateliers, et plus récemment la revue Literatura.
Le but, encourager la nouvelle génération à éclore, dans son sillage, et celui de Jérôme Ferrari. "En parallèle de mon écriture, j'ai toujours eu à cœur de mettre en avant les gens qui ont la même passion que moi. Il y a vraiment de la qualité, chez nous. Et les gens ont des difficultés à se faire lire, à se faire publier". Alors Biancarelli et Luciani ont décidé de prendre les choses en main. 10 ans après le Goncourt attribué au Sermon sur la chute de Rome .
On l'a fait, ce chemin, en tant qu'écrivains. C'est notre tour de faciliter ce trajet aux autres.
Marc Biancarelli
Quand on demande pourquoi, entre temps, l'attribution du prix littéraire français le plus prestigieux à un écrivain corse n'a pas servi de détonateur, Marc Biancarelli balaie notre étonnement d'un revers de main. "Les maisons d'édition insulaires ont lâché l'affaire, au contraire. Elles se sont concentrées sur d'autres genres que la littérature. De notre côté, on pensait qu'il était nécessaire qu'une vraie maison d'édition s'y consacre. Pour faire émerger de jeunes talents, et leur témoigner le respect qui leur est dû".
Pour les voir, peut-être voler sous d'autres cieux, succès aidant, de l'autre côté de la méditerranée ? "Nous, on l'a fait, ce chemin, en tant qu'écrivains. C'est notre tour de faciliter ce trajet aux autres".
800 exemplaires
Òmara prévoit de publier entre six et huit livres par an, confie Marc Biancarelli. "3 pendant la rentrée littéraire de janvier, et 3 durant celle de septembre. On se calque sur la temporalité traditionnelle de l'édition française. Et peut-être un ou deux de plus durant l'année".
Les trois prévus pour septembre sont déjà prêts, ou en cours d'écriture. Et le duo éditorial n'a aucune crainte quant à la suite. "Si un jour, on n'a pas de bon livre à publier, on ne publiera pas. Il faut une certaine exigence, si on veut être cohérents avec notre discours. Mais on aura de quoi, aucun doute".
On ne touche pas un radis.
Marc Biancarelli
Òmara a pu voir le jour grâce à l'aide de la CDC, le soutien d'une banque, et un apport personnel. La maison ambitionne de vendre 800 exemplaires de chaque titre. Pas pour dégager des bénéfices, dans un premier temps, mais pour "pérenniser la boîte". "Bien entendu, on ne touche pas un radis, nous !", précise Marc Biancarelli avec son franc-parler habituel. Mais si un jour, on peut en vivre... En attendant, peu importe qu'on soit payés ou pas. Il faut qu'on fasse ça sérieusement, en professionnels".
Au vu de la qualité de la première livraison, il n'y a guère de doutes là-dessus.
Dédicaces :
- Le samedi 29 janvier à 15h à la librairie Grand Sud à Porto-Vecchio : Nicolas Rey, Jean-François Rosecchi et Philippa Santoni
- Le 12 février à 15h à la librairie A Piuma Lesta à Bastia : Philippa Santoni
- Le 15 février à 17h à la Clairière, à Porto-Vecchio : Nicolas Rey
- Le 19 février à 17h à la librairie Alma à Bastia : Jean-François Rosecchi et Nicolas Rey.