Lundi 9 mai, le conseil d'administration du groupe La Provence a approuvé l'offre de reprise de l'armateur CMA-CGM mais moyennant l'invalidation des votes de NJJ, la holding de Xavier Niel, qui a aussitôt dénoncé un "passage en force".
Le feuilleton judiciaire risque de continuer. Lundi 9 mai, le conseil d'administration du groupe La Provence a approuvé l'offre de reprise de l'armateur CMA-CGM, Jean-Christophe Serfati.
Cette étape, annoncée comme décisive, dans le dossier opposant le géant mondial du transport maritime et la holding du fondateur de Free (NJJ), a immédiatement été contestée par cette dernière, via sa filiale Avenir Développement. La décision du conseil d'administration doit dorénavant être validée par le Tribunal de Commerce de Bobigny.
Cette offre de reprise des 89% de parts de Groupe Bernard Tapie (GBT), en liquidation judiciaire depuis 2020, dans La Provence, avait été la seule retenue par les liquidateurs, car mieux disante: CMA CGM avait mis 81 millions d'euros sur la table, contre "autour de" 20 millions pour NJJ.
Le projet de l'armateur a donc bien été agréé à l'unanimité des votes exprimés, soit deux sur cinq. Néanmoins, sur les cinq administrateurs, seuls quatre ont voté lundi, dont les deux représentants de GBT qui ont validé l'offre de CMA CGM: le PDG de La Provence, Jean-Christophe Serfati, et la secrétaire générale du groupe, Virginie Layani.
Le troisième représentant de GBT, Stéphane Tapie, fils aîné de l'homme d'affaires décédé en octobre, n'a pas pu voter. Il avait donné son pouvoir à un administrateur d'Avenir Développement, ce qui est "statutairement impossible", a expliqué une source proche du dossier.
Risque de liquidation
Restaient les deux administrateurs d'Avenir Développement, filiale de NJJ, qui détient les 11% restants de La Provence mais dont l'offre de reprise avait été écartée. Ces derniers, en vertu d'un droit d'agrément (droit de veto) classique dans les entreprises de presse, pouvaient, par un seul vote d'opposition, contrer l'entrée au capital de CMA CGM.
Ce qu'ils n'ont pas manqué de faire, en dépit de l'avertissement donné par le président du conseil d'administration, M. Serfati, qui les avait invités à "s'abstenir" ou à "voter" l'agrément. Considérant que ces votes d'opposition "manifestaient le conflit d'intérêts" d'Avenir Développement, M. Serfati les a donc jugés non recevables, en se référant à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 7 avril.
La cour avait en effet considéré qu'il existait de "manière incontestable" un "conflit d'intérêts" pour Avenir Développement, à la fois candidat au rachat de La Provence et détenteur d'un droit de veto contre tout nouvel entrant. Ce dernier avait été initialement suspendu par le tribunal de commerce de Marseille, en janvier.
Mais il avait ensuite été rétabli par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui avait alors estimé qu'un éventuel conflit d'intérêts ne s'était pas encore matérialisé. "Ce choix [de Jean-Christophe Serfati ndlr.], contraire à la fois au droit et à la réalité des débats, s'assimile à un passage en force qui ne fait que redoubler nos craintes pour la suite. Nous le contestons donc formellement", a réagi NJJ dans un communiqué, laissant entendre qu'elle étudiait d'éventuelles poursuites judiciaires.
De son côté, l'armateur CMA CGM, basé à Marseille, s'est félicité que son projet ait "obtenu ce jour l'agrément du conseil d'administration du groupe La Provence", ce qui "met fin à une attente longue et difficile pour les salariés, dont les représentants souhaitaient" cette issue.
Expectative
Lundi soir, c'était pourtant l'expectative, de nouveau, qui semblait dominer chez les représentants syndicaux des 850 salariés du groupe, éditeur des deux titres phares du Sud-Est, les quotidiens La Provence et Corse Matin. "Nous attendons de voir ce que va faire NJJ", car "nous espérons toujours connaître les deux offres" de reprise, a réagi Marie-Cécile Bérenger, représentante CFDT, regrettant qu'"une fois de plus, (on soit) toujours dans un processus où on évince une des deux offres, celle portée par un groupe de presse".
"Nous craignons que cela s'enlise et que l'on finisse en redressement judiciaire ou en liquidation", s'est inquiétée de son côté Sophie Manelli, élue du Syndicat national des journalistes (SNJ), estimant difficile de se projeter "tant qu'on ne sait pas la tournure judiciaire" que la suite va prendre.