Mardi 15 février, les offres de reprise du groupe "La Provence", dont fait partie Corse Matin, ont été dévoilées au tribunal de commerce de Bobigny. L'armateur CMA-CGM enchérit à hauteur de 81 millions d'euros, Xavier Niel, déjà actionnaire du groupe, en offre 20 millions.
Les deux potentiels repreneurs du groupe "La Provence", dont fait partie Corse Matin, ont abattu leurs cartes. Mardi, Rodolphe Saadé, à la tête de la société de transports maritimes CMA-CGM, et Xavier Niel, fondateur de Free Telecom, déjà actionnaire de La Provence à hauteur de 11 %, actionnaire du Monde et propriétaire de Nice-Matin via sa holding NJJ, ont dévoilé leur offre au tribunal de commerce de Bobigny.
Ces propositions visent le rachat des 89 % des parts du groupe de presse jusqu'alors contrôlés par Bernard Tapie, homme d'affaires décédé en octobre dernier. Ainsi, l'armateur met sur la table 81 millions d'euros, et son concurrent 20 millions. "L'offre de Xavier Niel ne nous étonne pas. Il a toujours dit qu'il s'alignerait sur la valeur du groupe évaluée par deux expertises", explique Julia Sanguinetti, déléguée syndicale FO à Corse Matin.
Impasse sur le volet social
Les deux hommes étaient déjà candidats à la reprise de "La Provence" lors d'un premier appel d'offres clôt fin novembre, mais dont les plis n'ont jamais été ouverts. Aussi, un second appel d'offres a été lancé le 1er février par les co-liquidateurs judiciaires des entreprises de Bernard Tapie. Mais entre les deux procédures, le cahier des charges évolue et fait l'impasse du volet social, retenant seulement le prix de rachat comme élément principal de choix entre Saadé et Niel.
Or, le risque d'un plan social est ce qui inquiète particulièrement les 850 salariés du groupe de presse. Ainsi, formée en intersyndicale, une partie des employés ont déposé une offre d'un montant symbolique d'un euro. "Cela nous a permis d'assister à l'ouverture des plis, le maintien des emplois est primordial. Dans l'île, 200 personnes travaillent pour Corse Matin. Les deux tiers de ces emplois concernent l'administration ou encore la distribution et ne sont pas requalifiables au vu du marché de l'emploi en Corse", continue Julia Sanguinetti.
D'un côté, Rodolphe Saadé s'engage au "maintien des tous les emplois", au "maintien de l'imprimerie à Marseille", "ainsi qu'à l'indépendance vis-à-vis de la rédaction avec une gouvernance qui ne dépend pas de la CMA-CGM", indique-t-il à l'AFP. De l'autre, la holding NJJ entend garantir "l'indépendance éditoriale de chacun des titres, à l'égard de tous les pouvoirs, économiques ou politiques, locaux et nationaux". Elle s'engage dans le même temps "à garder les titres pour une durée de 10 ans minimum". Si Xavier Niel ne parle pas de plan social, il évoque un "plan filière et des départs volontaires."
Dans un communiqué, en date du 18 février, les organisations syndicales des six entreprises de "La Provence" indiquent être "clairement et ouvertement plus favorables" à l'offre de Rodolphe Saadé.
Clause d'agrément
Pour l'heure, le juge commissaire dans ce dossier n'a pas tranché. Lorsqu'il le fera, la proposition retenue sera présentée devant le conseil d'administration du groupe "La Provence". "Et ça s'annonce compliqué", commente la déléguée syndicale FO de Corse Matin.
Car grâce à ses 11 % au sein de l'entreprise, Xavier Niel dispose de deux sièges. Deux sièges et une clause d'agrément inscrite dans les statuts du groupe de presse. Conclue avec Bernard Tapie, elle stipule que l'arrivée de tout nouvel actionnaire doit être validée par l'unanimité des membres du conseil d'administration. Un organe décisionnel où siège également Stéphane Tapie, fils de l'homme d'affaires, qui a d'ores et déjà annoncé soutenir l'offre de son co-actionnaire.
Si le 11 janvier dernier, le tribunal de commerce de Marseille a suspendu cette clause estimant "qu'elle fait obstacle au processus de réalisation des actifs de la liquidation judiciaire" et qu'elle constitue "un trouble manifestement illicite", explique un article de Médiapart, le fondateur de Free Telecom a immédiatement fait appel de cette décision. Le jugement de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est attendu le 28 mars prochain.
Des procédures juridiques à répétition qui laissent craindre aux représentants syndicaux encore de longs mois d'attente quant à l'avenir de leur entreprise respective (le groupe "La Provence" en compte six). La procédure de liquidation a débuté en avril 2020.