Le 18 août 1948, une tempête d’une rare violence s’abattait sur la Cité impériale et sa région, causant la mort d'une personne. Semblable à celui du 18 août dernier, cet impressionnant phénomène météo a marqué les esprits d’une famille de pêcheurs ajacciens.
L’image de l’arcus, ce gigantesque nuage au-dessus des Sanguinaires annonciateur de la tempête meurtrière du 18 août dernier, est encore dans toutes les mémoires. Tout comme les stigmates laissés par ces terribles intempéries qui ont notamment balayé la façade occidentale de l’île il y a près de trois semaines.
À Ajaccio, ce phénomène météorologique hors norme en rappelle un précédent, vieux de plus de 70 ans. Lui aussi très violent et meurtrier, il s’était également déroulé… un 18 août (!). C’était en 1948.
Ce jour-là, la région ajaccienne est frappée par "un cyclone d’une violence inouïe" dixit la presse insulaire de l’époque.
"Son arrivée fut foudroyante, le vent en rafales soufflait avec furie, relate le Patriote de Bastia dans son édition du 20 août 1948. Les tentes des cafés et les chaises étaient emportées comme de simples fétus de paille, les tuiles et les platras comme des feuilles. Les arbres gémissaient et se tordaient sous les bourrasques. Les cultures furent endommagées en grande partie, les arbres fruitiers déracinés."
Un pêcheur perd la vie
Dans le golfe d’Ajaccio et au large, la situation est là aussi chaotique. "La mer était terrible dans sa colère déchaînée. Elle semblait se venger de son calme des jours précédents", écrit le Patriote de Bastia tout en indiquant que plusieurs embarcations de pêcheurs ont sombré. Parmi elles, celle du père de Xavier d’Orazio :
"son bateau avait coulé au large de Capo di Feno, raconte ce dernier qui n’était pas né à l’époque. Mon père, qui s'en est sorti, était accompagné de son homme d’équipage qui a malheureusement perdu la vie ce jour-là."
Âgé de 50 ans, Ange Paoni sera l’unique victime de cette tempête qui avait marqué les esprits. "Les anciens en parlaient souvent, ça les avait vraiment impressionnés, souligne Xavier d’Orazio. Les amarres des bateaux avaient même cassé. C’était très, très violent. C’était un cyclone."
Jamais en mer un 18 août…
Chez les d’Orazio, cette tempête laissera des traces indélébiles. Depuis ce funeste jour de 1948, la famille de pêcheurs ne sort plus en mer chaque 18 août.
"Quand mon père Pierrot était encore en vie, lui et moi n’allions jamais pêcher ce jour-là, explique Xavier d'Orazio, actuel premier prud’homme des pêcheurs d’Ajaccio. Quand j’ai pris sa suite sur le bateau, j’ai continué à en faire de même."
Aujourd'hui âgé de 65 ans, Xavier d'Orazio a toujours respecté à la lettre la règle instaurée par son père. Sauf le 18 août dernier, quand la tempête frappe l'île.
"Quelle honte et quelle coïncidence incroyable, lâche-t-il avec une pointe de regret dans la voix. Pris par la routine, les jours et le travail qui s’enchaînent, j’ai pour la première fois oublié cette date qui est pourtant ancrée dans ma tête depuis que je suis gamin."
Le souvenir dans la peau
Le jeudi 18 août, alors que les éléments se déchainent, Xavier reçoit un coup de téléphone de sa sœur ainée qui lui demande où il se trouve. "Je lui réponds que je viens de rentrer à quai et là, je me suis fait engueuler. Elle m’a dit : "tu sais quel jour on est ?" Dire que depuis l’âge de 14 ans, je ne sortais jamais le 18 août..."
Alors dans le golfe, Xavier d’Orazio n’a cette fois pas reposé ses filets. "D’habitude, je démaille et je recale, et là, je ne l’ai pas fait. Je ne sais pas pourquoi mais quand j’ai vu le gros nuage au-dessus des Sanguinaires, j’ai dû le sentir. Je suis rentré au port à tempu à tempu."
74 ans en arrière, le 18 août 1948, son père n’avait pu en faire de même. Cependant, il avait eu la vie sauve.
Afin de ne jamais oublier cette date et de rendre hommage à son marin disparu en mer, Pierrot d’Orazio s’était fait tatouer son bateau sur l'épaule. "En-dessous, précise Xavier, il avait fait écrire "en souvenir du 18 août""...