Principal adversaire de Gilles Simeoni, Laurent Marcangeli conduit pour la première fois une liste pour l'élection territoriale. Contrairement à son rival, le maire d’Ajaccio n’a pas baigné dans la politique en famille et a tracé son chemin « dans une forme d’adversité ».

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« Je ne suis pas d’accord avec l’homme politique, ni avec ses amis de droite, mais en tout état de cause, Laurent Marcangeli s’est préparé pour la bataille des territoriales et il est prêt pour y aller. » La citation n’émane pas d’un soutien du maire d’Ajaccio mais d’Etienne Bastelica, conseiller municipal dans l’opposition et 23ème sur la liste « Campà megliu in Corsica » de Michel Stefani.

La phrase de l’élu communiste en dit long sur celui qui a pris le leadership de la droite insulaire et qui conduit la liste « Un soffiu novu » pour l’échéance électorale des 20 et 27 juin prochains. Une élection où Laurent Marcangeli devrait être - sauf grande surprise - l’adversaire de Gilles Simeoni (et des nationalistes peut-être unis ?) au second tour de ces Régionales.

Crédité de 23% d’intention de vote dans notre récent sondage - à 2 points de Gilles Simeoni -, ce passionné de cinéma préfère cependant la réalité à la fiction. Surtout quand il s’agit de politique : « vous savez, les sondages ne m’ont jamais donné gagnant. Il y a des exemples sur les municipales d’Ajaccio qui sont assez spectaculaires, nous a-t-il confié face caméra en milieu de semaine avant d’ajouter : ceci étant dit, ce sondage révèle quelque chose que je savais, c’est que je suis la seule alternative à Gilles Simeoni. »

1995, le déclic

Municipales, cantonales, législatives… À 40 ans, Laurent Marcangeli a déjà livré pas mal de batailles électorales. Souvent dans le costume du challengeur, il est parvenu plus d’une fois à déjouer les enquêtes d’opinion qui le donnaient perdant. Pour sa première participation aux Territoriales en tant que tête de liste, il va devoir jongler entre sa casquette de maire et celle de postulant à la présidence de l’exécutif insulaire. Un équilibre pas toujours évident à trouver. Contrairement à certains de ses adversaires qui pointent son « ajaccianisme », lui ne veut pas voir en son écharpe tricolore un quelconque handicap : « pour moi, ce n’est pas un carcan. Je suis ce que je suis. Je suis un enfant d’Ajaccio mais je connais la Corse. J’ai été député pendant 5 ans de territoires très ruraux. Les gens savent que je connais les enjeux. »

C’est d’ailleurs dans le Cruzzini, à Rezza, village de son père, qu’il avait officiellement annoncé sa candidature aux régionales en mars dernier. « Comme beaucoup de Corses, je suis attaché à mes racines rurales », assène-t-il. « Comme par hasard, il s’est souvenu qu’il avait un village », persiflent certains de ses détracteurs.

J’ai adhéré au RPR alors que je n’avais que 16 ans.

Laurent Marcangeli

Ce n’est ni au village, ni en famille que Laurent Marcangeli s’est pris de passion pour la politique. Fils d’un père « qui ne s’y intéressait pas trop » et d’une mère « syndicaliste au STC », l’adolescent qu’il est alors est captivé par la campagne présidentielle de 1995. « À l’adolescence, on se cherche toujours un peu, avoue-t-il sur un ton posé. Un soir, devant la télé, Jacques Chirac était invité sur France 3. Le côté un peu trahi, expérimenté mais donné perdant, ça m’avait parlé. J’ai adhéré au bonhomme puis dans la foulée au RPR alors que je n’avais que 16 ans. »

En rentrant du collège…

Cette prise de conscience politique est aussi née de débats passionnés avec une amie de gauche sur le chemin entre le collège et la maison. « À 15 ans, elle était déjà très concernée par la chose politique alors que Laurent pas du tout, se souvient l’avocat Paul Sollacaro, meilleur ami du maire d’Ajaccio et témoin direct de ces discussions quotidiennes entre les deux collégiens. Comme elle avait pas mal de références, il avait du mal à lui apporter le contradictoire. Ça le vexait un peu. Il en est alors venu à s’intéresser à Jacques Chirac, à Lionel Jospin, et à la campagne présidentielle. Comme son choix s’était porté presque instinctivement sur Jacques Chirac, il a lu tout ce qu’il pouvait sur le RPR, le Gaullisme. Au fur et à mesure, il lui apporté une vraie contradiction, argumentée. C’est de là qu’est née sa passion pour la politique. » 

Le maire d’Ajaccio confirme : « Comme mon amie en question était plus expérimentée que moi et comme je suis quelqu’un d’assez têtu, je me suis mis à lire beaucoup. Du coup, après, elle n’arrivait plus trop à me « coincer ». C’était gentil, c’est réciproque. Et puis j’ai gagné, car elle était pour Jospin et moi pour Chirac. »

Une ascension fulgurante

Entré en politique en 2000 sur une liste d’union conduite par Marc Marcangeli, il réalise son premier fait d’armes en 2008, à la suite d’une défaite : au sortir des élections municipales d’Ajaccio, il a 27 ans lorsqu’il devient conseiller municipal dans l’opposition à une époque où la droite ajaccienne est affaiblie. « Ce premier mandat m’a vraiment permis de me positionner dans une institution et de m’y faire un nom. J’y ai ferraillé contre un maire qui était très fort politiquement. »

Après la défaite, les victoires arrivent très rapidement. D’abord celle aux Cantonales de 2011, puis celle des Législatives de 2012 où il bat Simon Renucci, son rival à qui il prendra aussi la mairie d’Ajaccio en 2014 puis en 2015 lors d’une élection partielle restée dans les mémoires. L’an passé, il sera de nouveau réélu dans un fauteuil, au premier tour (!).

À l’Assemblée nationale, où il devient député de la première circonscription de Corse-du-Sud à 31 ans, l’avocat de formation noue des contacts et crée des liens avec des personnalités, dont Edouard Philippe. Malgré le poids des ors de la République, ce n’est pas au palais Bourbon qu’il canalise sa fougue. « Bizarrement, c’est plus le mandat de maire et la présidence de l’intercommunalité d’un côté, ainsi que la paternité de l’autre qui m’ont fait évoluer. Je me suis calmé car je suis quelqu’un d’assez fougueux. Je suis passionné.»  

Une fougue, mais aussi une franchise et une certaine agressivité qui lui ont été parfois reprochées, avec quelques envolées lyriques restées célèbres. Comme lorsqu’il citait Édouard Herriot pour répondre à Nathalie Ruggeri (sa deuxième adjointe à l’époque) dans une interview donnée à Corse-Matin en novembre 2019 : "La politique, ça doit sentir la merde, comme l'andouillette, mais pas trop."

Plus récemment, fin février, c’est avec un regard noir qu’il avait adressé un « vous n’êtes pas le centre du monde » à Marie-Antoinette Santoni-Brunelli, son soutien à qui il avait ensuite retiré ses délégations à la Communauté d’agglomération du pays d’ajaccien (Capa). L’accrochage verbal concernait les nouvelles modalités du statut de résident mis en place par Air Corsica.

La peur de déranger

« Au niveau de son caractère, il sait où il veut aller et il met tout en œuvre pour y arriver, confie Etienne Bastelica. On a dit de lui qu’il était brutal et cassant, ça peut plaire ou déplaire mais en tout état de cause, il sait où il va. Il mène sa barque. Et au niveau du travail en conseil municipal, l’opposition s’exprime. Le débat démocratique a toujours lieu. »

Autre image qui colle parfois à la peau de ce passionné de football, celle d’un homme un peu froid. « Il est en fait très chaleureux, avec beaucoup de coeur nuance son ami Paul Sollacaro. Ça peut paraître étonnant, mais il y a chez lui une forme de réserve, peut-être même un peu de timidité. Cela peut être perçu à tort comme une forme de froideur et de rigidité. Il est très pudique. C’est un affectueux et un affectif. C’est dommage car je trouve qu’il n’est pas vu comme il est réellement. »

« En campagne, il aime aller vers les gens et serrer des mains mais il a souvent peur de les déranger quand ils sont au café ou au restaurant », ajoute Yoann Habani, compagnon de route depuis les années 2000 et directeur de cabinet de la Capa.

« Gestuelle chiraquienne »

Derrière cette timidité se dissimule un fort caractère. « Il ne se laisse pas faire, poursuit Yoann Habani. Il a une ligne directrice. C’est un homme de droite, qui a des convictions, des fondamentaux et des bases solides. Il n’est pas héritier. Il n’est pas d’une famille avec un père, un oncle ou un grand-père qui était en politique. »

Une situation qui l’a en quelque sorte forcé à se faire sa place. « J’ai toujours été dans une forme d’adversité, reconnaît Laurent Marcangeli. Parfois, j’ai été trop dur. Nous sommes aussi dans une région où les caractères sont trempés. D’ailleurs, mes adversaires ne sont pas en reste quand il s’agit d’être dans une forme de fougue. Après, je crois qu’assez rapidement, les gens ont reconnu chez moi une certaine forme de capacité. »

Jeune, on le surnommait "le maire"

Paul Sollacaro, son meilleur ami

« Avec le temps, il a aussi su canaliser une certaine nervosité, note Paul Sollacaro. Mais une nervosité un peu « chiraquienne », qui rappelle celle de Chirac dans la gestuelle. Notamment en situation de stress, comme avant un débat ou un discours devant un public. Je trouve qu’il a su dompter cet aspect-là pour en faire un avantage, une force. »

Du côté des observateurs de la politique insulaire, beaucoup lui reconnaissent une certaine aisance à la tribune. Sans doute sa formation d’avocat, mais aussi sa passion « encyclopédique » pour l’Histoire et sa capacité à retenir les dates et les événements. « Je ne suis pas diagnostiqué mais je suis un peu hypermnésique », concède l’intéressé. « Laurent peut vous citer le ministre de tel gouvernement à telle date, souligne, admiratif, Paul Sollacaro. Il a énormément lu. Il est vraiment passionné de politique. En fait, c’est un homme politique passionné de politique. Jeune, on le surnommait "le maire" ». Reste à savoir si on l’appellera bientôt « président »…

 

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