Face au Sénat, le Premier ministre a annoncé stopper le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement aux communautés de communes, qui devait intervenir au plus tard en 2026. Une décision dont se félicite l'association des maires de France et les élus ruraux, à l'inverse des intercommunalités.
Pour le sénateur Paulu Santu Parigi, c'est là "une reconnaissance juste du pouvoir des maires une victoire pour la démocratie locale". Les communes pourront conserver leurs compétences de gestion de l'eau et de l'assainissement, qu'elles auraient normalement dû transférer de manière obligatoire aux communautés de communes en 2026.
La nouvelle a été confirmée hier, mercredi, par le Premier ministre : "Il n'y aura plus de transferts de compétences obligatoires en 2026", a-t-il affirmé devant le Sénat, suscitant des applaudissements nourris lors de la séance des questions au gouvernement. Pour cause : cet assouplissement est l'une des demandes historiques du Sénat, chambre des territoires, qui tente de le voir aboutir depuis plusieurs années, relayant les demandes des maires.
"Le risque d'une augmentation de la facture pour les usagers, l'affaiblissement du lien entre le maire et ses administrés, la nécessité de maintenir une fine connaissance des réseaux existants sont autant d'arguments qui plaident en faveur d'une gestion différenciée des compétences eau et assainissement", estimait encore à la fin du printemps un rapport de la chambre haute.
"Une mesure de liberté et d'efficacité" pour l'AMF, du "mépris" pour les intercommunalités
L'Association des maires de France (AMF) a salué "une mesure de liberté et d'efficacité". "Pour que le service de l'eau soit efficace et de qualité, les communes et leur intercommunalité doivent pouvoir (...) déterminer librement du transfert ou non de cette compétence en fonction des réalités locales".
L’AMF salue la décision du Premier ministre de revenir sur le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement, une mesure de liberté et d’efficacité.
— AMF | Association des maires de France (@l_amf) October 9, 2024
Il a annoncé ce jour au Sénat revenir sur le transfert obligatoire de la compétence eau et assainissement des… pic.twitter.com/xOg2soD8hy
Le président d'Intercommunalités de France, Sébastien Martin, a de son côté déploré cette décision lors d'un point presse : "j'ai rarement vu un tel niveau de mépris à l'encontre des intercommunalités", a-t-il réagi, rappelant que Michel Barnier avait promis une grande conférence nationale sur l'eau dans son discours de politique générale.
Environ 540 des 1.254 intercommunalités ont pris la compétence eau et assainissement, selon des chiffres communiqués en mars. "Je crois à la liberté des communes, bien évidemment, mais face au mur des investissements, la solidarité des communes entre elles qui s'exprime à travers le fait intercommunal est sans doute une réponse plus efficace", a ajouté Sébastien Martin, donnant rendez-vous à l'Assemblée nationale.
"Une excellente nouvelle" selon des élus corses
En plus du sénateur de Haute-Corse, plusieurs élus insulaires ont réagi à l'annonce du Premier ministre. "En Corse, la quasi-totalité des maires de l'intérieur y était opposée, a rappelé le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni. L'annonce du renoncement à cette disposition est une excellente nouvelle. Reste à obtenir la loi qui le confirmera".
"En s’engageant à proposer de rendre facultatif le transfert de la compétence eau et assainissement des communes vers les communautés de communes, qui était acté au 1er janvier 2026, Michel Barnier écarte la menace d’une envolée des prix de ce service en milieu rural", s'est félicité le député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, François-Xavier Ceccoli. "Une décision qui, je le sais, était très attendue par les élus du bloc communal", a-t-il poursuivi.
"Michel Barnier semble s'engager pour revenir à un transfert facultatif de l'eau et l'assainissement des communes vers les EPCI : c'est le seul chemin pour éviter une dépossession de la gestion de l'eau au profit de logiques financières, pour empêcher une hausse démesurée du prix", a de son côté estimé le président du comité de massif de Corse, Jean-Félix Acquaviva.
Assouplissement du transfert de compétences
Le Sénat doit débattre, ce jeudi 17 octobre, d'une proposition de loi centriste visant précisément à assouplir ce transfert de compétences. Un véhicule législatif sur lequel le gouvernement pourrait donc s'appuyer pour faire adopter sa mesure.
Alors que le gouvernement prévoit dans son budget pour 2025 de demander aux collectivités 5 milliards d'euros d'économies, Michel Barnier a aussi promis que le gouvernement "protégerait les collectivités les plus fragiles" et permettrait "de reverser des sommes qui pourraient être retenues ou prélevées aux collectivités quand la situation sera redressée".
Le projet de budget "préserve aussi les dépenses d'investissement" qui sont pourtant "les plus dynamiques", a-t-il assuré. Le gouvernement demande cet effort aux collectivités "dans un esprit non pas d'accusation" ou "d'indifférence" mais "de partenariat", alors que leurs dépenses "ont beaucoup augmenté depuis quelques années", a justifié Michel Barnier.
Le président de l'AMF, David Lisnard, a regretté mercredi que l'État demandait aux collectivités d'assumer ses "propres turpitudes" budgétaires. "Je n'appelle pas ça des économies (...) C'est du rafistolage d'un système qui est à bout de souffle. (...) Ce qu'il faut, c'est changer le périmètre de l'intervention publique", a-t-il déclaré en énumérant plusieurs transferts récents de compétences de l'État aux communes et intercommunalités.