Ce mardi, le tribunal de commerce de Bobigny a mis en délibéré sa décision concernant la vente de La Provence à l'armateur CMA CGM. Le juge-commissaire se prononcera le 22 juin sur l'avenir du groupe de presse auquel appartient le quotidien Corse-Matin.
La Provence sera-t-elle vendue à l'armateur CMA CGM ?
Il faudra attendre le 22 juin pour répondre à cette question et savoir si le juge-commissaire autorisera ou non la cession du groupe de presse auquel appartient Corse-Matin au poids lourd du transport maritime mondial installé à Marseille. Ainsi en a décidé mardi 7 juin le tribunal de commerce de Bobigny qui a mis sa décision en délibéré.
"La procureure a mis en avant le fait qu'il fallait prendre une décision dans l'intérêt de l'entreprise", a indiqué une source proche du dossier à l'AFP.
L'audience, qui s'est déroulée ce mardi après-midi à huis clos et a duré une heure trente, a réuni les liquidateurs des actifs de feu Bernard Tapie (dont le groupe est actionnaire majoritaire de La Provence) et de ses créanciers.
D'autres procédures
Composé de 850 employés - dont 200 travaillent pour Corse-Matin -, le Groupe La Provence - redevenu actionnaire unique du quotidien insulaire fin novembre 2021 - est détenu à 89% par le Groupe Bernard Tapie (GBT), en liquidation judiciaire depuis 2020. Les 11% restants appartiennent à la holding NJJ de Xavier Niel dont l'offre de reprise "autour de 20 millions d'euros" a été écartée par les liquidateurs.
L'offre de CMA CGM, à hauteur de 81 millions d'euros, avait en effet été la seule retenue par les liquidateurs, car "mieux-disante" selon eux.
Le 9 mai dernier, le conseil d'administration du groupe La Provence avait approuvé l'offre de reprise de l'armateur CMA CGM et de son PDG Rodolphe Saadé. Et ce malgré les votes contre de NJJ qui, en sa qualité d'actionnaire minoritaire, pouvait s'opposer à l'entrée au capital de l'armateur.
Mais les votes de NJJ ont été invalidés par le président du conseil d'administration et PDG de La Provence, Jean-Christophe Serfati, qui a considéré que la holding manifestait un évident conflit d'intérêts.
Dénonçant un "passage en force", NJJ a lancé une procédure en référé pour demander la suspension de la décision du conseil d'administration, recours qui doit être jugé ce jeudi 9 juin. Quant à l'examen sur le fond pour demander la nullité de cette décision, il aura lieu le 29 juin.
"Situation financière critique"
Du côté de La Provence et de son PDG Jean-Christophe Serfati, eu égard à la "situation financière critique du groupe", on juge sa vente plus urgente que jamais, comme ils l'ont exposé aux salariés lors d'un comité social et économique extraordinaire jeudi dernier.
"Si la vente n'est pas actée, les procédures vont nous amener jusqu'en fin d'année, voire début d'année prochaine et je n'aurai pas la trésorerie nécessaire pour tenir", a déclaré M. Serfati à l'AFP, confirmant qu'il serait alors obligé de solliciter le placement du groupe en procédure de sauvegarde, puis en redressement judiciaire, "la pire des solutions", selon lui. Ce qui pourrait arriver le 22 juin si le juge-commissaire décide de bloquer la cession du groupe de presse.
Deux tendances chez les syndicats
Chez les syndicats, deux tendances se dégagent. Les élus et représentants syndicaux majoritaires appellent à ce que cette cession à CMA CGM se fasse. Pour eux, "seuls les investissements et la mise en oeuvre du projet de relance" peuvent permettre d'éviter la procédure de sauvegarde s'ils interviennent rapidement.
"On ne veut pas que la vente soit bloquée parce que ce serait la mort du journal", a expliqué à l'AFP Sophie Manelli, élue du Syndicat national des journalistes (SNJ) de La Provence, qui fait partie de l'intersyndicale La Provence-Corse Matin.
De son côté, CMA CGM a indiqué dans un communiqué être "prêt à mettre en place son projet de redressement dès la cession des titres prononcée".
Chez les syndicats minoritaires, on pense en revanche que le tableau financier de La Provence a été sciemment noirci "afin de précipiter la vente".
Dans un communiqué commun, la CFDT, la CFE-CGC, Filpac CGT et FO Livre "s'interrogent sur l'intérêt d'une vente rapide, qui pourrait être remise en cause dans quelques mois" étant donné les recours déposés par NJJ. Ils précisent que la holding de Xavier Niel, également propriétaire de Nice-Matin, s'est engagée à soutenir financièrement le groupe si nécessaire.
Ce mardi en fin de journée, certains salariés de Corse-Matin se disaient "soulagés que l'audience ait pu avoir lieu aujourd'hui à Bobigny, sans préjuger de la décision que rendra le tribunal dans deux semaines".