Un collectif anti-mafia voit le jour ce mercredi à Ajaccio. Trente personnalités, issues des milieux de l'art, associatif, politique ou économique, se mobilisent pour provoquer une réaction populaire à ce qu'ils dénoncent comme une "emprise mafieuse d'une intensité jamais atteinte". 

Ils ont choisi de ne pas rester inerte devant la situation dans laquelle est plongée la Corse. Assassinats, incendies criminels, armes et violences diverses, le climat est pesant depuis quelques mois.

Un collectif anti-mafia nouvellement créé se rassemble ce mercredi 25 septembre à Ajaccio pour tenter de réveiller les consciences à l'égard de "la mafioisation de la société".

Leur devise ;

Innò à a Maffia !
Iè à a vita ! 

Léo Battesti (président de la ligue corse d'échecs, ancien militant du FLNC) et Vincent Carlotti (ancien maire d'Aleria) sont les instigateurs de ce mouvement. Ils ont été rejoints par une trentaine de personnalités parmi lesquelles des artistes, écrivains, comme le prix Goncourt Jérôme Ferrari, avocats, universitaires, militants associatifs, chefs d'entreprises ou politiques.

Pour ce mouvement citoyen, "il est temps de le dire haut et fort, sans se réfugier dans l'ambiguïté ou le déni". Il invite la population à une prise de conscience "des menaces qui compromettent gravement les intérêts collectifs de notre société, et singulièrement, ceux de notre jeunesse". Celles du crime organisé.
 
Pour eux, cette bataille contre la recrudescence de la violence sur l'île, "c’est aussi une bataille contre nous-même, continuer de se taire n’est pas responsable", annonce Jean Paul Poletti, chanteur signataire de l'appel anti-mafia. 
 

Appel à l'éveil citoyen 

Selon le collectif qui voit le jour ce mercredi, "l'emprise mafieuse est d'une intensité jamais atteinte dans l'histoire de la Corse". Une chose est sûre, la situation est préoccupante. Et c'est un euphémisme.
 

Cette année, 7 assassinats ont été recensés en Corse. À cela s'ajoutent les pressions, rackets, menaces contre des élus, incendies criminels, qui se multiplient sur les secteurs du tourisme et de l'immobilier, un enjeu majeur pour le grand banditisme insulaire. 

Mais, si nul ne peut ignorer la gravité de la situation, il règne chez une majorité d'insulaires une sorte de renoncement. Comme si la dérive mafieuse était constitutive de la société corse. 
 
"Il faut isoler culturellement ceux qui, par leurs méthodes barbares, détruisent impitoyablement les formidables potentiels de notre territoire, abonde le collectif. C'est la condition sine qua non d'une libération de l'emprise mafieuse".

Invitée de notre journal ce mercredi, Marie-France Giovannangeli, directrice générale des Leroy Merlin de Corse signataire de l'appel, se désole de la situation des entrepreneurs aujourd'hui en Corse. 

Des personnes sont amenées à renoncer à des projet d’entreprises à cause d’une situation qui pourrait devenir compliquée à cause du crime organisé. Des engins de construction sont visés, des restaurants, des bars, des exploitations agricoles, quel est le secteur qui ne posera pas de problème ? Un entrepreneur qui veut s’installer aujourd’hui se posera forcément la question.

 
Le collectif évoque des propositions, comme l'inclusion dans le code pénal du délit d'association mafieuse, des règles plus strictes d'accès aux marchés publics, le renouvellement de la classe politique, des magistrats indépendants comme dans l'anti-mafia italienne, ou la possibilité pour les témoins et les jurés d'être protégés dans les affaires concernant la mafia.

Débat à l'Assemblée de Corse 

Il demande également aux responsables politiques insulaires de s'engager dans "ce combat vital". Et cela, "sans ambiguïté". La précision a du poids au vu des voeux pieux, et creux, publiés à tour de bras sur les réseaux sociaux par les politiques de l'île.
  
"Comment évoquer un réel développement économique alors que les menaces, les pressions, les extorsions de fonds s'exercent de manière désormais systémique sur ceux qui entreprennent, dès lors qu'ils contrarient certains prédateurs ?" interroge le communiqué, qui réclame une "session extraordinaire consacrée à cette dérive mafieuse" à l'assemblée de Corse. 

Une demande qui pourrait être entendue plus vite que prévue. Gilles Simeoni a proposé la tenue d'une session extraordinaire consacrée aux violences et aux phénomènes mafieux qui, selon ses propos "meurtrissent l'île".

Invité du Corsica Sera, il reconnaît que la classe politique doit faire des efforts.

Les élus doivent prendre leurs responsabilités. Certains ont des porosités critiquables avec ces milieux, y compris chez les nationalistes.

 
Cette session pourrait se tenir lors de la session de rentrée, jeudi 26 et vendredi 27 septembre. Elle se veut "ouverte à la société civile". afin de mobiliser les Corses partageant ces positions, mais restés jusque-là silencieux.

Le rôle de l'Etat en question

Dernier volet du réquisitoire du collectif, le rôle de l'Etat. 

"Il est impératif que l'Etat reconnaisse cette emprise mafieuse sur la Corse et se donne les outils pour la combattre. Il n'est pas acceptable que le ministre de l'Intérieur, qui est en possession de toutes les informations sur la situation que nous dénonçons, reste silencieux et ne trouve pas un moment pour se rendre en Corse pour s'informer et demander au Premier ministre des prendre les mesures qui s'imposent."
 
Pour le procureur général, Franck Rastoul, il n'y a pas faillite de l'Etat ni de la justice. Mais, il le reconnaît, subsistent de nombreuses frustrations.

Dire c’est une faillite de l’action de l’Etat ou de la justice, ce n’est pas le cas, mais dire que les résultats sont remarquables, ce n’est pas juste non plus. La vérité, c’est qu’il y a une mobilisation totale, des résultats, bien que nous souhaiterions en avoir plus. On continue à tout faire pour pouvoir élucider ces faits. Parfois, faute de preuves, faute de collaboration dans les enquêtes de la part des témoins par exemple, il y a des enquêtes où nous pouvons avoir de la frustration. 

"On ne peut pas toujours faire de l'Etat le bouc emissaire", a ajouté la préfète, Josiane Chevalier. 

L'Etat a sans doute sa part de responsabilité. Mais cela dit, il est parfois difficile de faire appliquer des décisions. Je l'ai vu cet été, avec le domaine public maritime. Il faut résister, parce que dès que l'Etat veut faire appliquer le droit, il subit des pressions, je le dis clairement, de toutes natures. 

Nul doute que cette initiative permettra de mettre des mots sur une situation qui semble de plus en plus inquiétante.

Reste à savoir si cela suffira à faire réagir pour que, enfin, dans le domaine de la criminalité organisée, des choses changent en Corse.
 
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