En France, la moitié des concours de mini-miss sont organisés dans le Nord Pas-de-Calais. Les parents des candidates, comme les organisateurs, ont du mal à comprendre l'interdiction votée cette semaine par le Sénat, même s'ils reconnaissent certaines dérives...
Kelly, 12 ans, ne compte plus les écharpes punaisées sur les murs "rose bonbon" de sa chambre. Ce sont ses trophées, ceux remportés lors des nombreux concours de mini-miss auxquels elle a participé depuis sa plus tendre enfance. Une véritable passion pour cette jeune Lilloise. " J'aime bien être belle, les robes. J'aime me choisir mes tenues et avoir une chambre de princesse remplie de couronnes et d'écharpes".
Mais ces concours ne sont plus vraiment en odeur de sainteté aujourd'hui. Cette semaine, lors de l'examen du texte de loi sur l'égalité hommes/femmes, le Sénat a adopté un amendement déposé par l'ancienne ministre Chantal Jouanno (UDI) visant à interdire les concours de beauté pour les mineurs de moins de 16 ans . Cet amendement prévoit même une peine de 2 ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros pour les personnes qui ne respecteraient pas cette interdiction et continueraient d'organiser ce type de compétition. Si l'Assemblée Nationale valide à son tour le texte, c'en sera fini des mini-miss. Pour Jennifer, la maman de Kelly, elle-même ex-Miss Picardie 1998, c'est l'incompréhension. " Ma fille ne met pas des tenues où on voit la moitié de ses fesses", se défend-elle. " On met des tenues de son âge".
Les mini-miss sont très populaires dans le Nord Pas-de-Calais, région qui concentre à elle seule la moitié des concours organisés en France . " J’entends souvent que les petites filles se prennent pour des adultes, c’est faux !", s'insurge dans La Voix du Nord Isabelle Capitaine, organisatrice des compétitions de mini-miss à Blendecques, près de Saint-Omer, où elle a proscrit le maquillage et le port des talons hauts pour les fillettes de moins de 12 ans. " On a interdit le maquillage des petites, les vêtements provocants", explique de son côté Francis Courcol, qui organise, avec son épouse Béatrice, des concours à Hersin-Coupigny, près de Béthune. Il reconnaît toutefois certaines dérives. " On a du recadrer des mamans aussi, parfois, qui trichaient pour gonfler la poitrine des petites", a-t-il admis dans La Voix du Nord. "J e sais que beaucoup sont allées voir ailleurs où le règlement était moins strict... L’an dernier, quand j’ai vu comment certains se comportaient, qui faisaient enchaîner deux jours de défilé sur un week-end à leur petite, je me suis dit qu’ils en voulaient trop et que ça n’était pas bon. Et j’ai pensé qu’un jour ou l’autre, ce serait interdit".
" En février, on envisageait de faire un grand concours pour célébrer les cinq ans de notre association, mais là je ne sais pas où on va s’il faut juste faire concourir les plus de seize ans.", se lamente Maurice Ghomari, organisateur du concours de mini-miss de Leforest (près de Douai), le plus renommé de la région. " Il faut bien se rendre compte que le concours des mini-miss attirait entre 80 et 100 participantes de tous âges. Se priver de ça, c’est aussi se poser la question sur notre finalité qui est de faire des dons à l’hôpital".
Vers une interdiction également en Belgique ?
Certains organisateurs envisageraient du coup de délocaliser leurs concours en Belgique, mais outre-Quiévrain, on ne l'entend pas vraiment de cette oreille. Wallons et Flamands semblent pour une fois d'accord pour interdire eux aussi sur leur sol les compétitions de mini-miss. " Je vais aussi envisager cette mesure-là, parce qu’il me semble qu’il y a une question de dignité", a déclaré sur RTL-TVI Jean-Marc Nollet, ministre de l’Enfance à la Fédération Wallonie-Bruxelles. " Faire défiler des enfants de 4, 5 ou 6 ans, je crois qu’il y a une chose pour chaque âge, et en l’occurrence, on met les fillettes dans des situations qui ne sont pas celles des situations normales pour les fillettes de cet âge-là".
" Il s'agit de mettre tout en oeuvre pour empêcher la sexualisation précoce des petites filles", estime de son côté Joëlle Milquet, la ministre fédérale à l'Egalité des Chances. " Cette hyper sexualisation donne une image de la femme, de la fille et de la fillette limitée à un objet dont on peut user et abuser".