Mardi 1er avril, ce sera la fin de la trêve hivernale. Dès 6h du matin, les huissiers pourront procéder à l'expulsion des locataires qui ne paient pas leur loyer. Nous avons rencontré Kevin, un jeune habitant d'Houdain (Pas-de-Calais), désormais en sursis. Et il n'est malheureusement pas le seul...
Dès le mardi 1er avril, Kevin Caron, 22 ans, s'attend à voir les huissiers frapper à la porte de son domicile, à Houdain, dans le Pas-de-Calais. Depuis plus d'un an, le jeune homme n'a plus les moyens de payer son loyer et doit 8000 euros à son propriétaire. Une somme dont il peut difficilement s'acquitter, lui qui n'a pas de revenu et survit grâce à des bons alimentaires fournis par le CCAS d'Houdain. "Je travaillais pour la mairie en tant qu'animateur scolaire", nous a-t-il expliqué. "A la perte de ce contrat aidé, je n'avais plus rien derrière. Je n'ai pas de permis de conduire, et sans permis, pas de travail. C'est un cercle vicieux."
Kevin sait depuis le mois d'octobre qu'il risque d'être expulsé de son logement à l'issue de la trêve hivernale. Le studio de 17 m2, qu'il occupe avec son frère et un copain, est pourtant insalubre. Aménagé dans un ancien garage, il n'est pas ventilé et n'est pas relié au tout-à-l'égoût. Les sanitaires refluent en permanence, les canalisations fuient et les murs sont tachés de moisissures. Cela n'empêche pas le propriétaire, installé en région parisienne, de lui réclamer tous les mois 350 euros, charges comprises.
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Une mécanique infernale
Des situations comme celles de Kevin ne sont malheureusement pas rares dans le Nord Pas-de-Calais. Selon Yannick Lemaire, qui travaille pour Droit au Logement (DAL) dans l'ex-bassin minier, 23 locataires au total seraient sous le coup d'une expulsion sur la seule ville d'Houdain. "Je reçois des messages tous les jours sur mon téléphone", s'inquiète-t-il. "Les gens sont au bout du rouleau, certains menacent même de se suicider".Philippe Deltombe, président du comité régional de l'association, décrit une mécanique infernale. "Le chômage augmente, les gens se retrouvent au RSA, mais le montant du RSA est inférieur aux montants des loyers, qui, eux, ne cessent d'augmenter".
Selon le DAL, la nouvelle loi Alur - second volet de la loi Duflot sur le logement - publiée le 26 mars au Journal Officiel, va donner aux locataires menacés d'expulsion quelques protections supplémentaires : les huissiers ne pourront procéder à des expulsions qu'après validation des autorités préfectorales et le pouvoir des CCAPEX (commissions préventives des expulsions locatives) a été renforcé. "Mais le noyau central du problème, c'est le manque de logement", déplore Philippe Deltombe. Le DAL suit aujourd'hui quelque 140 000 dossiers de demandes de logement social dans l'ensemble de la région Nord Pas-de-Calais.