Pour la première fois depuis deux décennies, un vainqueur du Tour de France, le Britannique Bradley Wiggins, se risque sur les pavés de Paris-Roubaix sans s'embarrasser de la prudence habituelle des coureurs de grands tours.
Le précédent vainqueur du Tour de France à disputer le Paris-Roubaix avait pour nom Greg LeMond, trois fois couronné dans la Grande Boucle (1986, 1989 et 1990). C'était en 1994. L'Américain avait un faible pour la "reine des classiques" qu'il avait terminée en bon rang dans la première partie de sa carrière (4e en 1985), avant d'être présent dans ses dernières années aux côtés de Gilbert Duclos-Lassalle, double vainqueur en 1992 et 1993.
Vainqueur du Tour de France en 2012, l'Anglais Bradley Wiggins, lui aussi, connaît l'importance de la course. Pour l'avoir disputée à six reprises, la dernière fois en 2011, il sait le degré de fascination qu'elle suscite. "Je ne serais pas autrement surpris qu'il fasse une très belle performance", apprécie Christian Prudhomme, à la fois directeur du Tour de France et de Paris-Roubaix. "Si le mot outsider a un sens, c'est pour lui", ajoute-t-il. "Au Tour des Flandres, il n'était pas si loin que ça (32e à 1 min 43 sec). Quand il se fixe des objectifs, en général il les atteint, on l'a vu aux JO et au Tour". Le directeur du Tour se dit "très sensible" à l'intérêt de Wiggins pour Paris-Roubaix, mise à l'écart par les coureurs de grands tours depuis la fin des années 1980. Simple effet de mode ? Résultat de la spécialisation ? Crainte démesurée de l'accident ?
La course, incontestablement, possède une légende noire, injustifiée par la réalité de ces dernières éditions. "Il y a eu plusieurs accidents spectaculaires, notamment dans la trouée d'Arenberg, à la charnière des années 1990 et 2000", reconnaît Christian Prudhomme. "C'est, bien sûr, une sente pavée et un sacré terrain à affronter. Mais les organisateurs n'ont aucune envie d'envoyer les coureurs au casse-pipes", assure-t-il. Quant à l'ultra-spécialisation, le directeur du Tour pense qu'"elle n'est pas irrémédiable". "On a connu le même phénomène dans le ski puis on est revenu à des champions capables de briller dans toutes les disciplines. Pourquoi pas dans le vélo ?", s'interroge-t-il.
La réintroduction de secteurs pavés dans le parcours du Tour en 2010 a même relancé le sujet. "J'avais aimé ce jour-là voir ensemble dans l'échappée les spécialistes de pavés et les coureurs de grands tours, comme à l'époque d'Eddy Merckx et de Bernard Hinault", avoue Prudhomme. "Evidemment, on a très envie de retrouver ça dans le Tour, quand il y a des pavés, et chaque année dans Paris-Roubaix". Pour autant, les organisateurs se refusent catégoriquement à dénaturer la "reine des classiques". Pas question de supprimer les secteurs les plus durs pour attirer (éventuellement) les réfractaires. A cette hypothèse, le directeur de Paris-Roubaix répond d'un seul mot: "Non."