Coluche n'avait certainement pas imaginé l'ampleur que prendrait son initiative : les Restos du Coeur entament leur 30e campagne hivernale, espérant de nouvelles mesures fiscales pour encourager les dons et pouvoir ainsi faire face à plus d'un million de bénéficiaires attendus.
Lait, boîtes de conserve, pâtes, yaourts... Comme chaque hiver, les 2.090 centres des Restos vont ouvrir quotidiennement ou plusieurs fois par semaine, jusqu'en mars, et distribuer des denrées aux familles en difficultés.
La saison dernière, ils ont distribué 130 millions de repas, un chiffre toujours en hausse. Surtout, ils ont atteint pour la première fois le "record assez détestable" d'un million de bénéficiaires, record qui devrait encore être atteint cette année, estime Olivier Berthe, président des Restos.
"Personne n'imaginait au démarrage que les Restos du Coeur prendraient autant d'importance. En cela on peut parler de constat dramatique", analyse-t-il.
"La société s'est accommodée de cela, mais c'est aussi une prise de conscience : on ne lutte efficacement contre la pauvreté que si tout le monde se mobilise", dit-il, résolument optimiste. "Ces 30 ans d'existence, ce sont des millions de contacts humains, qui ont permis des dizaines de milliers de sorties de crise."
Alors, comme chaque début de campagne, "les Restos commencent sur le pari que la générosité sera au rendez-vous", explique-t-il. Car avec 84 millions d'euros récoltés l'année dernière, les dons et legs représentent près de la moitié des ressources. Mais ils "stagnent". Or, "on a besoin de plus, puisqu'on
a de plus en plus de personnes à aider", insiste M. Berthe.
Pour y faire face, les Restos recherchent de nouvelles ressources, notamment du côté des "dons en nature".
"Jeter coûte moins cher"
L'association a obtenu l'an dernier du gouvernement que la loi Coluche sur les exonérations fiscales soit étendue aux dons des producteurs laitiers. Elle a permis de récolter deux millions de litres de lait pour les associations, dont 850.000 litres pour les Restos. Très loin de satisfaire les besoins, estimé à 20 millions de litres par an.Mais les Restos du Coeur réclament cette mesure pour tous les dons agricoles. "Viande, oeufs, légumes, céréales, il faut que toutes les filières puissent bénéficier d'un dispositif fiscal incitatif", réclame le président des Restos.
Il espère que la présence du Premier ministre sera l'occasion d'annonces en ce sens. "Si le gouvernement estime que la lutte contre la précarité est une priorité, il doit convaincre l'administration fiscale", martèle-t-il.
Il insiste aussi sur le gaspillage alimentaire. Des tonnes de nourriture invendues, proches des dates limites de consommation, "sont perdues chaque jour dans les grandes surfaces ou les entreprises agroalimentaires, qui ne donnent pas faute de garanties fiscales, parce que jeter coûte moins cher que stocker et donner à une association".
Actuellement, ces dons ne font pas l'objet d'exonération, l'Etat estimant que ces produits n'auraient de toute façon pas été vendus. Or pour inciter les entreprises à renforcer leurs dons, il faut qu'elles y trouvent un avantage, souligne M. Berthe.
Faute de nouvelles mesures, "les Restos ne pourront plus faire face à l'augmentation du nombre de personnes à aider", assure l'association, qui doit aussi faire face à une croissance importante de ses activités d'aide destinées aux gens sans domicile (+17% de contacts établis).
Pour cela, elle dispose d'une ressource essentielle : ses 67.600 bénévoles, qui toute l'année, outre l'aide alimentaire, activité principale des restos, s'efforcent d'offrir aux plus démunis logements et hébergements d'urgence, chantiers d'insertion professionnelle, soutien à la recherche d'emploi, microcrédits, accompagnements scolaires ou encore des aides pour partir en vacances.