La police judiciaire de Lille avait conclu dès 2002 qu'il n'y avait ni meurtre ni piste belge ni réseau pédophile en rendant son rapport sur l'affaire d'Outreau, a témoigné jeudi à Rennes l'ancien directeur d'enquête au procès de l'un des acquittés, Daniel Legrand.
Dans le rapport de synthèse de la PJ de Lille sur l'affaire d'Outreau en juillet 2002, "il y avait deux certitudes : le meurtre (d'une petite fille, des aveux sur lesquels Daniel Legrand fils reviendra rapidement, ndlr) n'existe pas et la piste belge de réseau pédophile et de trafic de cassettes (pédophiles) n'existe pas", a expliqué à la barre François-Xavier Masson, dont le service avait été chargé, en cours d'instruction, de participer à l'enquête.
Daniel Legrand et son père homonyme ont été impliqués à la suite de la retranscription, par l'assistante familiale de l'un des enfants victimes de viols, d'un surnom, "Dany Legrand", associé en outre à la Belgique.
La mère de cet enfant, Myriam Badaoui, qui reconnaissait avoir violé ses fils avec son mari, avait ensuite corroboré le nom puis décrit, au juge l'instruction Fabrice Burgaud, ce "Legrand" comme un "patron de sex-shop", "chef de réseau" et propriétaire d'une maison où se déroulaient des viols pédophiles en Belgique.
Décalage
Il y avait un "décalage entre l'image qui nous était donnée de propriétaire de sex-shop, d'une maison en Belgique, violant et abusant des enfants, dirigeant presque un réseau... et puis, sur le déroulé, de la garde à vue, c'est une image complètement différente que nous avons, quelqu'un qui est extrêmement simple, à mille lieues d'un dangereux pédophile international", a indiqué M. Masson."On a parole contre parole, pas d'indice matériel", a-t-il ajouté. "Il s'agissait de faire le tri dans ce que disaient les enfants, dans ce que corroboraient les
adultes, déceler le vrai du faux en l'absence d'éléments matériels, puisque c'est la grande difficulté dans les affaires de pédophilie". "Lorsque l'épisode (de l'aveu, ndlr) du meurtre a eu lieu, c'était un basculement", a souligné M. Masson. "Je me souviens avoir eu cette réflexion : ou ce meurtre est vrai, et l'affaire Outreau tient, ou il n'est pas vrai, et ça s'effondre".
"Notre grand drame à nous (son service d'alors à la PJ de Lille) c'est que nous n'avons jamais eu en face de nous Myriam Badaoui et les principaux
accusateurs (entendus directement par le juge d'instruction)", a-t-il encore déclaré.