Sébastien, 46 ans, mort à Calais le 11 janvier... Fisha, mort à Guemps le 4 août... Yasser, 44 ans, mort en mars à Beauvais... Au moins 31 personnes sans abri se sont éteintes en 2017, dans les Hauts-de-France, selon un décompte du collectif Les Morts de la rue, qui leur rend hommage.
Le collectif Les morts de la rue qui publie jeudi son 5e rapport annuel. Depuis 2012, le nombre de personnes sans domicile fixe mortes dans la rue est en hausse, avec une stabilisation autour de 500 décès par an depuis 2014, selon le rapport. Ce décompte correspond aux signalements reçus par le collectif et n'est pas exhaustif, précise-t-il, estimant que le chiffre réel serait environ six fois supérieur.Ce sont majoritairement des hommes, jeunes, qui meurent après un long parcours de rue semé de ruptures. Vivre à la rue conduit à mourir à 49 ans en moyenne, soit près de 30 ans plus tôt que la population masculine en France, selon les statistiques du collectif. Entre 2012 et 2016, 47 d'entre eux étaient des mineurs de moins de 18 ans. Trente-cinq avaient moins de 15 ans.
Nabidullah avait 14 ans lorsqu'il est mort, fauché par un camion. Ce jeune Afghan qui vivait seul dans la "Jungle", le bidonville où s'entassaient des milliers de migrants jusqu'à fin 2016 à Calais, tentait de rejoindre la Grande-Bretagne. "Les jeunes sont surreprésentés parmi les personnes SDF et les décès SDF, comparativement à la population générale", souligne le collectif. En comparaison, les décès sur la voie publique ou lieux publics représentent 1,2% des décès dans le reste de la population. Les femmes, qui représentent 40% des personnes SDF selon l'Insee, meurent plus jeunes : 46,3 ans en moyenne. Le nombre de sans-abri en France était estimé à 141.500 en 2012 par l'Insee. Près de la moitié sont implantés en Ile-de-France.
Causes inconnues, noms inconnus
Dans la moitié des cas, les causes du décès sont inconnues. Pour le reste, la plupart des causes sont externes (accident, agression, suicide), "avec une nette surreprésentation des accidents et des agressions par rapport à la population générale", souligne le rapport. La majorité des décès surviennent pendant les mois d'hiver. Les sans-abri ont passé en moyenne 10,3 ans à la rue avant de mourir. Parmi eux, un sur trois a vécu ses derniers moments dans des lieux "non prévus pour l'habitation" (voie publique, abri, squat).
C'est le cas de Michel, trouvé dans un square avec une plaie à la tête. Comme de Victor, mort sur son matelas au coin d'une bouche de métro : quand le marchand de journaux s'est inquiété de ne pas le voir se lever, il a appelé les pompiers. Lucien, lui, a été retrouvé dans sa cabane par un chasseur, près de trois semaines après sa mort. Il a été identifié grâce à ses papiers retrouvés sur place. Au total en 2016, 51 corps ont été retrouvés plus de 24 heures après le décès. Pour trois d'entre eux, l'état du corps a rendu impossible l'identification et la détermination des causes du décès.
Au total, 69 suicides de personnes sans domicile fixe ont été signalés entre 2012 et 2016. Les sans-abri cumulent plusieurs facteurs de risque pouvant mener au suicide, explique le collectif : schizophrénie, addictions aux substances illicites et à l'alcool, ou encore antécédents d'hospitalisation psychiatrique.
Dans les Hauts-de-France, en 2017 (année en cours), 31 personnes au moins, sont mortes à la rue, dans l'indifférence, parfois sans identité. Voici leur nom, leur date et lieu de décès.L'association "Les morts de la rue" a pour objectif de "faire savoir que vivre à la rue mène à une mort prématurée dénoncer les causes souvent violentes de ces morts veiller à la dignité des funérailles soutenir et accompagner les proches en deuil".