Plusieurs communautés de communes de l'Aisne et de l'Oise craignent que l'agence de l'eau Seine-Normandie ne supprime les aides à l'assainissement non collectif. Les répercussions de cette mesure pourraient être préjudiciables à la qualité de l'eau dans les zones rurales.
Patricia Loiseau, la maire de la Chapelle-sur-Chézy commune de 300 habitants, se dit préoccupée. Le village du sud de l'Aisne ne dispose pas de station d'épuration. Des études avaient bien été réalisées il y a quelques années, mais le coût de l'équipement avait découragé l'ancien maire. "7 millions d'euros, le prix était trop élevé pour notre commune. Il y a 7 hameaux parfois distants de plus d'un kilomètre, cela entraîne des surcoûts impossibles à financer."
Pas d'assainissement collectif donc, mais une mise aux normes nécessaire pour se conformer aux exigences de l'agence de bassin Seine-Normandie. Les solutions peuvent varier parmi les plus courantes la fosse toutes eaux avec lit d'infiltration ou la microstation. Sur la totalité du village, Patricia Loiseau estime à environ 30 % le nombre de logements qui ne sont toujours pas en conformité avec les standards demandés pour l'assainissement non collectif.
"Le coût des travaux nécessaires est élevé, il peut même atteindre plus de 15 000 euros si le terrain n'est pas favorable", indique l'édile de la Chapelle-sur-Chezy. Certains particuliers même avec les subventions qui atteignent 6 000 euros sont rebutés par le reste à charge. Parfois la conformité des lieux s'oppose aux travaux notamment lorsque le terrain est trop petit. En cœur de village, le cas se présente fréquemment. L'exemple de la Chapelle-sur-Chezy n'est pas isolé. Dans de nombreuses communes rurales pourtant jugées prioritaires par l'agence de l'eau, les mises en conformité de l'assainissement non collectif restent très limitées.
Les aides supprimées dans le 12e programme de l'agence de bassin Seine-Normandie ?
Une nouvelle menace ne devrait pas améliorer l'état des lieux. Dans un courrier public, 12 collectivités s'inquiètent désormais de la possible suppression par l'agence de l'eau Seine-Normandie des subventions attribuées aux particuliers pour la mise en conformité de leurs installations d'assainissement. Parmi elles, les communautés d'agglomération du Grand Soissons et du Pays de Château-Thierry, mais aussi de très nombreuses communautés de communes demandent le maintien des 6 000 euros d'aide aux particuliers dans les villages où la qualité de l'eau est jugée prioritaire en zone rurale. "Sur les 54 communes que compte la communauté de communes de Retz en Valois, 13 sont éligibles à ces aides", précise Axelle Hiblot, en charge des services techniques.
L'agence de l'eau ne doit pas supprimer ces subventions, mais plutôt étendre le nombre de communes éligibles aux aides.
Axelle Hiblotresponsable des services techniques, communauté de communes de Retz en Valois
80 % des habitants des communes concernées n'ont toujours pas d'assainissement non collectif aux normes. La mansuétude lors des contrôles chez les particuliers est pour l'instant de mise mais le problème se pose lors d'une transaction immobilière. "Dans l'année qui suit l'acquéreur doit mettre l'assainissement non collectif de son logement en conformité et l'addition peut être élevée."
Des inquiétudes pour la qualité de l'eau des rivières
Yves Lévêque, vice-président de la communauté d'agglomération du Pays de Château-Thierry et maire de Rocourt-Saint-Martin, insiste sur les dommages que pourraient entraîner une suppression des aides. "Dans ma commune, les aides à l'assainissement non collectif ont eu un résultat sensible sur l'état du ru qui coule à Rocourt-Saint-Martin, l'eau est de meilleure qualité, les mauvaises odeurs ont disparu." Dans la communauté d'agglomération de Château-Thierry, 200 dossiers de mise aux normes sont en attente jusqu'en 2024.
L'agence de l'eau Seine-Normandie est dirigée par des élus parisiens peu sensibles aux problématiques du monde rural
Yves LévêqueVice président de la communauté d'agglomération du pays de Château-Thierry, en charge de la politique de l'eau
"À partir de 2025, si les 6 000 euros d'aides disparaissent cela ne se fera plus, c'est certain", insiste Yves Lévêque. Le maire de Rocourt-Saint-Martin pointe du doigt une agence de l'eau Seine-Normandie sous influence. L'assainissement non collectif reste une réalité du monde rural, de l'habitat dispersé. Des contingences souvent ignorées d'une agence de l'eau où les élus urbains de la région parisienne dominent. Le 12e programme de l'agence Seine-Normandie, qui n'a pas répondu à nos sollicitations, n'est pas encore à flot, mais il fait déjà bien des vagues.