"C'est un signe d'affolement de LREM" : les oppositions taclent l'entrée en campagne d'Eric Dupond-Moretti

Les proches des candidats en lice pour l'élection régionale dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand, Sébastien Chenu et Karima Delli ont tous réagi à l'arrivée du ministre de la Justice dans la campagne. Marine Le Pen dénonce "l'obsession" du ministre à son égard. 

Vendredi 7 mai, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a annoncé qu'il conduira la liste LREM dans le Pas-de-Calais pour les élections régionales. L'entrée en campagne de ce ministre, et ancien avocat, à l'importante notoriété n'est évidemment pas passée inaperçue auprès de ses concurrents. Car elle pourrait même remettre en cause l'équilibre fragile esquissé par notre sondage il y a quelques jours : au premier tour, Xavier Bertrand arriverait devant Sébastien Chenu (RN) et Karima Delli (EELV). Laurent Pietraszewski (LREM), qu'Eric Dupond-Moretti est venu soutenir, prendrait la quatrième place, avec un score (10%) qui lui permettrait tout juste de se maintenir au second tour. 

Pour marquer le coup le ministre s'est déplacé ce samedi 8 mai dans le Pas-de-Calais pour grimper le terril de Loos-en-Gohelle, près de Lens. Il a profité de ce déplacement pour attaquer frontalement le RN : "J'aimerais virer le RN de ces terres car il est contraire à la démocratie."

Déjà, la veille, dans une interview donnée à la Voix du Nord le parti de Marine Le Pen avait été particulièrement visé par l'ancien avocat. Son engagement dans la campagne ? "C'est parce que je ne veux pas que cette terre file entre les mains du RN", argumente le ministre dans . Il a notamment lancé quelques piques à la fille de Jean-Marie Le Pen : "Madame Le Pen refuse de débattre avec moi. Elle ne veut pas venir à moi, alors je viens à elle (...) Elle est élue dans une circonscription du Pas-de-Calais, elle n’est jamais à l’Assemblée nationale. Sauf deux minutes de temps en temps. Elle n’intervient pas, ne fait pas de proposition, et surtout elle ne débat pas"

"Il paraît qu’il reste quelques bracelets anti-rapprochement en rab, je suis preneuse"

Celle-ci, adversaire directe de l'ancien avocat puisqu'elle sera sur la liste RN du Pas-de-Calais, lui a répondu ce samedi 8 mai alors qu'elle était à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) pour commémorer la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie : "l’obsession que monsieur Dupond-Moretti a à mon égard commence à devenir relativement étrange. Il paraît qu’il reste quelques bracelets anti-rapprochement en rab, je suis preneuse", a ironisé la déjà candidate à l'élection présidentielle de 2022. Marine Le Pen et ses amis, comme Steeve Briois, maire d'Hénin-Beaumont, rappellent que ce n'est pas la première fois qu'un candidat tente de venir battre le RN sur ses terres. En 2012, pour les élections législatives, Jean-Luc Mélenchon s'était porté candidat dans la circonscription de Marine Le Pen. Sans succès.

Je ne peux pas accepter que l’avocat des taulards vienne sans aucun projet pour la région s’immiscer dans cette campagne.

Sébastien Chenu, la tête de liste RN, à propos d'Eric Dupond-Moretti

A cette réaction, il faut rajouter celle d'il y a quelques jours lorsque Marine Le Pen répondait à ce qui n'était encore qu'une rumeur : "Je me réjouis de la présence de Monsieur Eric Dupond-Moretti pour deux raisons majeures : la première, c’est que son attitude et ses prises de position sont si choquantes qu’elles sont un élément fantastique de mobilisation de l’électorat du Rassemblement national ; deuxièmement, parce qu’il est le porte-parole de monsieur Macron en matière de sécurité"

Le duel frontal entre le ministre et Marine Le Pen, tête de gondole numéro 1 du RN, ne doit pas faire oublier que ce n'est pas elle qui mènera la liste dans la région des Hauts-de-France. Sébastien Chenu s'en chargera et il a lui aussi réagi à ce nouveau chapitre de la campagne : "Je mettrai toute mon énergie pour empêcher Éric Dupond-Moretti d’avancer dans les Hauts-de-France. Je ne peux pas accepter que l’avocat des taulards vienne sans aucun projet pour la région s’immiscer dans cette campagne". 

"Cette élection n'est pas un ring de boxe. Je laisse les combats de coqs aux intéressés"

Xavier Bertrand, l'actuel président de région, et candidat à sa réélection, n'a, lui, pas souhaité réagir à cette entrée en campagne. Il s'est contenté d'un tweet équivoque le vendredi 7 mai : "pourquoi en visitant le musée Jean de la Fontaine à #ChateauThierry, cette fable (la grenouille et le rat, ndlr) me semble-t-elle tant appropriée ?"

Un de ses proches soutiens, Pierre-Henri Dumont, député (LR) du Pas-de-Calais estime que l'arrivée du ministre est "un signe d'affolement de la République en Marche". Selon lui, Dupond-Moretti aurait été dépêché sur place par le président de la République pour aider la liste de Laurent Pietraszewski à accéder au second tour (il faut pour cela faire plus de 10% au premier tour) : "avec Laurent Pietraszewski, ils allaient au crash mais ne veulent pas le désavouer. L'arrivée de Dupond-Moretti ne changera rien", croit savoir le député LR. "Je ne suis pas certain qu'il soit au fait des problématiques de la région, comme celle du TER ou encore des rats musqués qui prolifèrent sur mon territoire. Et puis, je n'ai pas vu l'ombre d'une proposition dans son interview dans la Voix du Nord", tacle-t-il.

Un reproche revient souvent dans le discours des adversaires du garde des Sceaux : comment va-t-il pouvoir concilier son agenda de ministre avec celui de candidat ? "Que vont devenir les trois textes qu'il doit porter dans les prochaines semaines sur la justice de proximité, l'irresponsabilité pénale et la réforme de la justice. Comment va-t-il pouvoir être au Sénat, à l’Assemblée nationale et en campagne ?", s'interroge Pierre-Henri Dumont. 

Natacha Bouchart, la maire de Calais, vice-présidente de la région, et candidate dans le Pas-de-Calais pour Xavier Bertrand, affirme ne pas craindre la candidature d'"Acquittator". Elle espère juste que son arrivée ne participera pas à l'éparpillement des voix au profit du RN. Car, comme le ministre, elle fait de la lutte contre le RN son principal argument de campagne. "Ce qui me différencie de Dupond-Moretti, c'est que mon combat ne date pas d’hier matin. Cela fait plusieurs décennies que je combats l’extrême droite"

Enfin, Karima Delli, candidate de l'union de la gauche dans la région, déclare que cet épisode "ne change rien" et souhaite "laisser les combats de coqs aux intéressés : Xavier Bertrand, Eric Dupond-Moretti et Sébastien Chenu. Cette élection n'est pas un ring de boxe". Elle préfère mettre en avant "mon cap et ma belle liste". "Je m'adresse aux habitants de la région : je ferai mieux que Xavier Bertrand. Nous sommes prêts à gouverner", déclare la députée européenne.  

"J’appelle tous les ministres battus à démissionner"

Avec l'arrivée de l'ancien avocat dans la campagne, ce sont trois ministres (avec Gérald Darmanin et Laurent Pietraszewski) du gouvernement de Jean Castex qui sont désormais impliqués dans la campagne des régionales dans les Hauts-de-France. Dans la loi française, rien n'empêche un ministre d'être maire ou président de région. Néanmoins depuis plusieurs années cette pratique n'est plus à la mode dans les gouvernements. Réélu maire de Tourcoing lors des dernières élections municipales, Gérald Darmanin a laissé son poste pour rester ministre de l'Intérieur. Sûrement qu'il fera de même s'il est élu dans le Nord, dans le canton de Tourcoing. Laurent Pietraszewski a d'ores et déjà annoncé qu’il démissionnerait de son poste de secrétaire d'État chargé des Retraites et de la Santé au travail s’il l’emporte lors de la prochaine élection.

Rien n'oblige également les ministres, s'ils sont battus, à démissionner de leur poste de ministre ensuite. "J’appelle tous les ministres à respecter cette tradition républicaine de démissionner quand ils sont battus", se projette déjà de son côté le député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont (LR), sûr de la force de son candidat. Les élections régionales auront lieu les 20 et 27 juin prochains. 

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