"Ici, le confinement est insupportable" : à Lille, des centaines d'étudiants vivent avec "les cafards et le moisi"

Des étudiants précaires témoignent de leurs conditions de vie difficiles, particulèrement en temps de confinement.

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"C'est un peu comme en prison, sans les barreaux !", lâche Amayes, 21 ans, contraint comme plusieurs centaines d'étudiants lillois de rester confiné "dans quelques mètres carrés remplis de cafards", au sein des résidences insalubres du Crous à Villeneuve-d'Ascq (Nord).

Au coeur du "campus scientifique" de l'Université de Lille, plus d'une dizaine de bâtiments vétustes, construits dans les années 1960 et pour certains jamais réhabilités, accueillent les étudiants "les plus pauvres de la fac", pour quelque 162 euros par mois.
 

"Ici, la situation est catastrophique et le confinement insupportable ! Il amplifie tous les problèmes qu'on essaye tant bien que mal d'oublier", soupire Nora, 24 ans, depuis sa chambre délabrée de la résidence "Camus".  Tremblant de dégoût, elle décrit sous un prénom d'emprunt -comme la majorité des jeunes interrogés - son "horrible 9 m2" : "les traces d'humidité, les moisissures", le manque d'isolation, les trous et plinthes décollées, les radiateurs en panne ou encore "la porte cassée du rez-de-chaussée, qui s'ouvre sans clé ni code".

Depuis plusieurs mois, "les sanitaires du bâtiment sont condamnés à tous les étages". Seules "deux toilettes et deux douches restent ouvertes" pour plus de 150 personnes, assure-t-elle, pestant contre ces "simples robinets au débit faible" et qui crachent une eau "juste tiède".

"Comment respecter la distanciation et l'hygiène, quand 50 personnes défilent et que les femmes de ménage passent tous les deux jours ?", demande Sofiane, en master en génie civil, depuis la résidence "Galois". Déplorant "la saleté, la crasse permanente", tous racontent ne sortir "qu'avec essuie-tout et désinfectant" pour "nettoyer avant chaque passage". "J'ai vraiment peur de tomber malade, car si ça m'arrive, je serai seule", frissonne Nora, dont
la famille vit au Maroc.

L'Etat nous abandonne


Réveillé "à deux heures du matin par des gouttes d'eau venues du plafond", Hamdi, 26 ans, a changé de bâtiment récemment. "Mais ce qui me tue, c'est les insectes", confie-t-il, devenu "phobique des punaises de lit", après avoir été "mangé pendant des semaines".

Les cafards sont partout : "Dans les chambres, le frigo, le micro-ondes ! Ils passent te voir en cuisine aussi !", ironise Sofiane. Des conditions "vraiment indignes, même pour un petit loyer", conclut Amayes, en master de management stratégique et depuis trois ans dans la résidence "Bachelard".

Déplorant cette situation, le directeur du Crous, Emmanuel Parisis, assure avoir lancé "un grand plan de réhabilitation" de 50 millions d'euros, financé par l'Etat. "A Bachelard, les travaux ont commencé mais sont à l'arrêt à cause de l'épidémie. A Galois, ils doivent débuter en janvier 2021 mais risquent d'être retardés...".

Dans ces immeubles "amiantés", "les travaux sont lourds, coûteux, les procédures longues", explique-t-il encore. "Malheureusement, le Crous n'a pas les moyens de reloger aujourd'hui les 2.000 jeunes concernés".
 

90% des résidents sont étrangers et 100% sont pauvres


Face au Covid-19, "nous avons réservé une soixantaine de studios équipés" pour "isoler les étudiants potentiellement contaminés", ajoute-t-il. "On se mobilise peu, car tout le monde a trop de problèmes", observe Nora. Algériens, Marocains, Sénégalais... "90% des résidents sont étrangers et 100% sont pauvres".

Serveuse, coursier, intérimaire... Ces étudiants "survivent grâce à des jobs précaires et stages, qu'ils ont pour beaucoup perdus à cause du coronavirus" alerte Boubacar Dembele. Bénévole aux Restos du coeur, il voit chaque mercredi "des files de 200 mètres de long" se former au point de distribution.

"Notre service social travaille 24H/24. Nous avons distribué plus de 2000 e-cartes de 50 euros, valables dans le réseau Carrefour et débloquons des aides d'urgence", indique M. Parisis, évoquant aussi une cagnotte en ligne.

Mais "le problème maintenant, c'est les loyers !", juge Boubacar. Car si les étudiants rentrés dans leurs familles ont été exonérés, "ceux qui sont restés, donc les plus isolés, doivent payer", tempête-t-il, implorant le gouvernement d'instaurer "la gratuité pour tous en avril, mai" et "si possible juin".

Saluant les "efforts" du Crous localement, Amayes note surtout "un extraordinaire élan de solidarité depuis que la situation est médiatisée". "On reçoit des dons d'inconnus, via les réseaux sociaux", s'étonne-t-il. "Le grand public intervient, mais l'Etat nous abandonne".
    
 
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