Ils tournent le dos aux supermarchés et veulent consommer responsable. Circuits courts, groupes d'achat solidaires, supermarché coopératif : les initiatives se multiplient pour contourner la grande distribution. Les Givrés d’oranges et Superquinquin montrent l’exemple.
Des agrumes récoltés dans des conditions parfois proches de l’esclavage, puis trimballés à travers l’Europe via une kyrielle d’intermédiaires pour atterrir, meurtris, sur les étals des supermarchés, très peu pour eux. Eux, ce sont les Givrés d’Oranges, une association nordiste créée fin 2012 dans la métropole lilloise et qui réunit aujourd’hui 900 fondus d’agrumes siciliens.Une fois par mois, de novembre à juin, ils se font livrer une quinzaine de tonnes de fruits par un groupe de producteurs installé dans la région de Catane, à l’Est de la Sicile, Le Galline Felici.
Un circuit court, dont l’unique intermédiaire est le transporteur qui va parcourir les 2000 km entre l’île italienne et le Nord de la France.
Les Givrés d’oranges se définissent comme un « Groupe d’achat solidaire ». Chaque année, des membres de l’association se rendent en Sicile pour rencontrer la vingtaine de producteurs qui les régalent d’oranges, de pamplemousses, de clémentines et de citrons. Les liens ne sont pas seulement commerciaux, ils sont aussi faits d’amitié, et d’engagement solidaire.
Un revenu décent pour les producteurs
Grâce au circuit court, les producteurs touchent 4 à 5 fois plus que ceux qui travaillent pour la grande distribution. 50% du prix de l’orange leur revient, contre à peine 10% pour les autres.
Cela leur permet de vivre décemment, et de rémunérer correctement leurs cueilleurs, tous déclarés. On est bien loin de cett main d'oeuvre corvéable à merci, payée 15 euros les 10 heures de travail ou plus dans certaines plantations. Plusieurs reportages ont été consacrés à ces conditions de travail indignes, du Brésil au Sud de l’Italie, à lire ici ou encore là.
« Les fruits sont délicieux. On sait d’où ils viennent, et les producteurs vivent de leur métier », résume Cécile, Givrée et fière de l’être. Le crédo est le même, chez les autres aficionados interrogés.
Pour ne rien gâcher, les fruits sont certifiés bio, pour un prix équivalent à celui des agrumes conventionnels trouvés sur les étals de la grande distribution.
SuperQuinquin : le supermarché dont tu es le héros
Rémunérer justement les producteurs, faire du bien à sa santé, à la planète et à son porte-monnaie, c’est aussi l’ambition de SuperQuinquin.
Ce futur « supermarché dont tu es le héros », comme le proclame le slogan, doit ouvrir ses portes dans le quartier populaire de Lille Fives le 1er avril prochain.
Il sera à la fois « coopératif et participatif ». Coopératif, parce que pour être client, il faudra obligatoirement être sociétaire de la la coopérative. Participatif, parce que chaque membre devra donner 3 heures de son temps chaque mois pour faire tourner le supermarché. « Tenir la caisse, réceptionner les livraisons, mettre en rayons les produits, nettoyer, faire le travail de bureau », précise le site internet. Quelques salariés seront présents pour coordonner le travail bénévole des coopérateurs. Ils pourront être embauchés grâce à la mise de départ des sociétaires (10 parts à 10 euros pour devenir membre de SuperQuinquin).
A l’arrivée, des prix compétitifs : « Globalement, par rapport à la grande distribution, nous serons 20 à 40% moins cher sur le bio, 10 à 20% moins cher sur les produits locaux et environ au même prix sur les produits conventionnels », détaille Geneviève Sevrin, présidente de SuperQuinquin.
René Bostyn, ancien directeur d’un établissement médico-social aujourd’hui retraité, est un coopérateur de la première heure. Il a déjà retroussé ses manches pour endosser le rôle de coordinateur des travaux, et s’active rouleau à la main dans l’ancien atelier de menuiserie qui va accueillir SuperQuinquin. « Coopérateur, ça veut dire prendre des décisions. Je veux pouvoir décider moi même de la qualité de ce que je vais manger, parce que j'en ai marre de manger des trucs dégueulasses », assène-t-il sourire aux lèvres.
Une douzaine de supermarchés coopératifs en France
Du bio mais pas seulement, du local le plus possible, le tout moins cher que dans la grande distribution, le projet a tout de suite parlé à celui qui veut « être un consom’acteur », même s’il sourit d’une formule « aujourd’hui servie à toutes les sauces ».
SuperQuinquin s'inspire du « Park Slope food coop ». Installé à New York depuis trois décennies, le premier supermarché coopératif dans le monde réunit aujourd’hui 16 000 coopérateurs. Un documentaire lui est consacré, un extrait est visionnable sur le site de SuperQuinquin. De quoi se donner une bonne idée de cette expérience qui a déjà fait des émules à Paris avec La Louve, ou encore à Toulouse avec La chouette coop. Mais aussi à Bordeaux, Nantes, Marseille ou encore Nancy. Une douzaine de supermarchés coopératifs ont vu le jour ou sont en train de naître dans l'hexagone.
SuperQuinquin a besoin de 500 coopérateurs pour démarrer.
Les Givrés d'oranges eux sont au maximum de leurs adhérents. Mais il veulent bien offrir leur expertise à de nouveaux groupes d'achats solidaires.
Pour l'instant, même si les initiatives se multiplient, ces circuits courts avec les producteurs ne représentent qu’1,2 % de la consommation alimentaire dans le Nord et le Pas-de-Calais.