Annulé, décalé ou redimensionné ? Malgré les déclarations du directeur du Festival d'Avignon, l'incertitude demeure sur le maintien du rendez-vous incontournable du théâtre mondial en juillet prochain.L'inquiétude aussi chez les compagnies, obligées de faire comme si, jusqu'à la prochaine décision.
Olivier Py assurait jeudi dernier sur France Inter qu'« à ce jour, sur les 45 spectacles, dont 30 créations, aucun des artistes ne m'a dit qu'il était impossible de venir cet été ». Comment les compagnies font-elles pour répéter en plein confinement, pour construire les décors en virtuel, pour adapter la scénographie par visioconférence ? Alors que tout peut être remis en cause...
Entretien avec Sabrina Fuchs, administratrice de la compagnie « La femme coupée en deux » de Tiphaine Raffier. Alors que l'auteure, est en plein travail d'écriture. Sa pièce, « La réponse des hommes », est sélectionnée dans la programmation « In » et doit (devait?) se jouer à partir du 16 juillet.
Comment avez-vous réagi à la déclaration d'Olivier Py sur le maintien du festival d'Avignon ?
Sabrina Fuchs : On comprend son envie que le festival ait lieu. Mais ça plonge les compagnies dans l'incertitude et c'est très inconfortable pour tout le monde parce qu'on nous demande de travailler pour être prêts en juillet, alors qu'une annulation est très possible. Depuis cette annonce d'Olivier Py, on reçoit des mails de l'organisation du festival pour caler des rendez-vous, fixer des dates de conférence de presse, c'est totalement schyzophrénique. Mais ils sont cohérents vis-à-vis de la décision qu'ils ont prise.On est très conscients qu'il y a des enjeux politiques et financiers très importants, pour le festival qui vit en grosse partie sur les recettes, pour la ville d'Avignon, pour la région PACA. Alors c'est très inconfortable pour toutes les troupes, mais je pense que par rapport à ça nous devons rester humbles et dignes. Même si on est en plein paradoxe des conséquences.
Comment la compagnie s'organise t-elle pour travailler avec les contraintes du confinement ?
"On est en lien régulier avec les équipes par Skype, par Zoom, et on reste très soudés. L'équipe technique est la plus mobilisée en ce moment. Le décor devait se construire dans les ateliers du Théâtre du Nord, mais tout est fermé. Et à la reprise, il y aura forcément embouteillage à la construction de décors, donc besoin de main d'oeuvre, donc surcoûts...sans parler des livraisons de matériaux qui seront peut-être compliquées. Donc on anticipe, et on envisage plusieurs scenarios. Comme on ne veut pas revoir notre exigence artistique à la baisse, on cherche des solutions à la fois moins lourdes, avec une scénographie plus dépouillée, à faire de la récup dans des stocks d'autres théâtres...De son côté, Tiphaine Raffier continue à écrire et à peaufiner son texte à distance avec le dramaturge. Nous avions eu cette chance de pouvoir organiser 2 sessions de répétitions en septembre et en janvier. La prochaine session avec les comédiens est prévue en juin au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis, pour peaufiner le spectacle. J'espère que nous pourrons la tenir comme prévu.
Comment faites-vous pour rester mobilisés alors que tout peut être remis en cause ?
C'est vrai que c'est une situation très inconfortable pour tout le monde mais on n'a pas vraiment le choix. Je ne sais pas si je dois utiliser le présent ou le passé, mais la pièce est programmée du 16 au 23 juillet à « l'Autre scène » de Vedène dans le grand Avignon. Et Pour le moment, on doit être en mesure de répondre à l'hypothèse d'un festival. De toutes façons le spectacle doit être prêt fin juillet : notre tournée commence en novembre.
J'espère qu'une décision sera prise pas trop tard. Si le festival devait être annulé, ce sera terrible, mais ça permettra à tout le monde de se repositionner. Là, on gère l'incertitude de juillet, et on anticipe la saison suivante. Ça nous demande deux fois plus d'énergie.
Avant Avignon, vous aviez d'autres représentations prévues à l'Odéon à Paris. Vous avez dû annuler, repousser ?
Effectivement, nous avions deux spectacles qui étaient programmés à l'Odéon. « Dans le nom » du 22 avril au 7 mai, qui a été annulé, et « France-fantôme »du 14 au 28 mai, qui lui ne l'est pas encore officiellement. L'Odéon s'est déjà engagé à verser le montant intégral de la session annulée. On a des comédiens qui comptaient sur ces représentations pour leur statut d'intermittent, et c'est une bonne nouvelle. Ce qui nous inquiète plus, c'est la question de la diffusion future de ces spectacles. S'ils ne sont pas joués, à Avignon ou ailleurs, ils ne sont pas vus par des responsables de salles ou des tourneurs, donc on n'aura pas de diffusion en 2021/2022. C'est là qu'on se rend compte de l'impact que cette crise aura pour nous dans 2 ans. Et c'est une réalité économique très importante. Le secteur va payer cette crise pendant plusieurs années.
La Réponse des Hommes, spectacle pour 10 comédiens et 4 musiciens. Ecriture et mise en scène : Tiphaine Raffier
Tiphaine Raffier est une comédienne, auteure, metteur en scène formée à l'Ecole de Théâtre du Nord. Elle a monté sa compagnie « La femme coupée en deux » et la dirige depuis 2015. Elle est artiste associée au Centre dramatique de Lille et à La Rose des Vents de Villeneuve d'Ascq. « La Réponse des Hommes » est sa quatrième création.
La Région en Avignon ? 21 compagnies dans l’expectative
"Tant que le festival n'est pas annulé, on continue" , veut croire Anne Pinon, conseillère régionale chargée de la commission rayonnement des Hauts-de- France. Depuis plusieurs années, le Conseil Régional soutient des compagnies de théâtre de la région dans le cadre du festival Off d'Avignon.Pour l'édition 2020 (*), il a validé l'accompagnement de 21 troupes, et voté un budget de 520 000€.
Des subventions qui permettent notamment de prendre en charge la coûteuse location de créneaux dans les lieux de diffusion du « Off », ainsi que les dépenses logistiques, salaires, communication... La Région s'est donc engagée à maintenir l'enveloppe : « Ça nous permettait une vraie montée en puissance par rapport à l'édition précédente, des ambitions de communication aussi. Avignon, c'est vraiment une vitrine pour nos compagnies et pour la création régionale. »
Le 21 avril prochain, un conseil d'administration du festival doit avoir lieu en présence notamment du ministre de la culture. Des décisions pourraient être prises à l'issue.
(*)Le thème de l'appel à candidatures pour l'édition 2020 était « se distraire et s'aérer »...
Une délibération pour rassurer les acteurs culturels
Dans une délibération spécifique prise le 10 avril, le Conseil Régional a voulu rassurer les acteurs culturels sur les engagements pris : maintien des subventions déjà actées, dans la limite des frais engagés par les structures, soutien à la trésorerie des associations culturelles grâce à une avance de 50% sur l'ensemble des subventions. Un acompte de 30% sera versé dès que possible, assouplissement de la gestion administrative des dossiers grâce à la prolongation à titre exceptionnel de 6 mois des instructions en cours.
Les compagnies sélectionnées :
Sélection Emergence: 7
- L’impatiente pour Cramé-Nord/Théâtre
- LaCavale pour Jo&Léo -Nord/Théâtre
- Catsandsnails pour Plubel-Nord/Danse
- Les Chiennes savantes pour L’homme qui plantait des arbres-Nord/Jeune public
- Le Kollectif Singulier pour Les Mars Brothers - Sud/Théâtre
- Voulez-vous ? pour Frigide- Nord/Théâtre
- Infra pour Die Verwandlung- Sud/Jeune Public
Sélection Hors Emergence : 14
- L’Arcade pour Je ne marcherai plus dans les traces de tes pas -Sud/Théâtre
- Superamas pour L’homme qui tua Mouammar Kadhafi- Sud/Théâtre documentaire
- Barbaque compagnie pour La princesse qui n’aimait pas…- Nord/Jeune public -Diptyque Théâtre pour Poétique ensemble- Sud/Théâtre musical
- La Langue Pendue pour Braslavie Bye bye- Nord/Théâtre
- Correspondances pour Où tu vas- Sud/Théâtre
- De Fil et d’Os pour Mangeuse de terre-Nord/Théâtre d’objets
- Les Nouveaux Ballets du NPDC pour Dadaaa- Nord/Jeune public
- Anima motrix pour Histoire de la violence Nord/Théâtre
- Théâtre de Paille pour Les carnets du sous-sol- Sud/Théâtre
- Révâges pour Heroes (we can be) Nord/Jeune public
- Zahrbat pour Usure Nord/Danse
- Art Tout Chaud pour La clé des choses- Sud/Jeune public
- Franche Connexion pour J’aurais préféré que nous fassions obscurité ensemble-Nord/Théâtre musical