Cocottes, lapins, cloches et oeufs en chocolats seront au rendez-vous dimanche. Malgré la crise sanitaire, les artisans se sont adaptés : livraisons, pré-commandes, points de dépôt. L'enjeu est de taille : Pâques représe habituellement entre un quart et un tiers de leur chiffre d'affaires annuel.
"Beaucoup de clients appellent pour livrer des commandes chez des proches. On ressent dans les petits mots qui accompagnent les livraisons que c'est difficile pour les gens d'être séparés." "Les personnes éloignées s'envoient des signes d'affection pour dire "Je pense à toi"". De nombreux chocolatiers font le même constat : leurs clients ont besoin de réconfort en cette période de confinement. Pour autant, les contraintes liées à la crise sanitaire ont donné un sérieux coup de frein à leur activité.Magasin ouvert
"C'est beaucoup, beaucoup, beaucoup moins..." Aline Wallaert, propriétaire du Chat Bleu, célèbre chocolaterie du Touquet également implantée à Lille et Paris a vu reculer ses ventes de près de 70 % par rapport aux années précédentes. "Beaucoup de moulages ne seront pas vendus. Sur une journée, on voit entre 20 et 50 clients, à peine. Au début du confinement, nous avions même fermé nos boutiques, car c'était désert." Pourtant, l'enseigne a fait son possible : "En magasin, nous avons installé des plaques de plexiglas sur les comptoirs et puis nous faisons deux fois plus de livraisons que d'habitude. Elles représentent près d'un tiers de nos ventes de Pâques cette année."
Pour faire face à la crise, beaucoup d'enseignes ont effectivement dû s'adapter. Grâce aux commandes et aux livraisons, Quentin Bailly, champion du monde 2013 de pâtisserie implanté à Lille, a réussi à tirer son épingle du jeu en cette période de Pâques : "On a vendu peut-être 90% de ce qu'on avait préparé. On était en train de faire évoluer notre site internet, on a trouvé une parade pour permettre aux clients de voir tous nos produits et de passer commande, en montant une page facebook."
Un soulagement, même si l'essentiel de son activité, ce sont surtout des contrats avec des palaces (six établissements à Paris) et de l'exportation, notamment vers l'Arabie saoudite, le Japon ou l'Italie. Une activité au point mort avec l'épidémie. "Deux jours avant l'annonce du confinement, on était en passe de signer un contrat avec Dubaï : évidemment c'est reporté."
200 livraisons par jour
Même réactivité à la chocolaterie de Beussent-Lachelle, dans le Pas-de-Calais, qui compte une soixantaine de salariés. "Nos chocolatiers qui travaillent habituellement en atelier de production se sont transformés en chauffeurs livreurs. Nous avons loué des camionnettes, pour avoir huit véhicules, ce qui nous a permis toute cette semaine de faire près de 200 livraisons par jour", raconte Marcello Di Giacomo, gérant de l'entreprise, qui salue "le très bon état d'esprit" de son équipe.
Pour autant, Pâques 2020 restera catastrophique : "J'espère limiter la casse à -70%, mais ce n'est pas évident. Nous avions déjà fabriqué les trois quarts de nos chocolats de Pâques avant l'annonce du confinement. "
Chez le boucher
Heureusement, il y a parfois des petits coups de pouce venus de l'extérieur : "Le boucher de Violaines, à 6 km de chez moi m'a proposé de vendre mes chocolats", raconte Raoul Boulanger, implanté depuis 21 ans à Neuve-Chapelle. Lui n'avait pas assez de personnel pour proposer des livraisons et se retrouvait un peu isolé : "J'ai eu une cliente de Laventie qui s'est fait contrôler en venant chez moi. On lui a demandé de rentrer chez elle, sous prétexte que le chocolat n'était pas un produit de première nécessité." En temps normal, l'artisan produit près d'1,5 tonnes de chocolat pour Pâques. "Nous avions déjà passé commande de notre matière première. Certes, on a deux ans pour l'utiliser, mais ce sera compliqué en terme de trésorerie car il va maintenant falloir tenir jusqu'à Noël".
Les mois qui viennent risquent en effet d'être compliqués. "Ce qui m'inquiète, c'est l'après", explique Quentin Bailly. "Derrière Pâques, dès lundi, tout va retomber. En plus, les températures remontent. Il va falloir faire le dos rond. On va péparer la Fête des mères et puis on verra. On navigue à vue, il va falloir s'adapter. On espère qu'on continuera à exister dans l'après-crise. On fait partie des métiers de plaisir, on ne vend pas un produit essentiel. Je ne sais pas comment les gens vont réagir."
Chocolats solidaires
Quelle que soit la taille de l'enseigne, de nombreux chocolatiers ont eu envie de témoigner leur solidarité à l'égard des personnels soignants. Impossible de tous les citer, mais voici quelques exemples.- Raoul Boulanger, également implanté en Alsace, à Bischheim, a dès le début de la crise fait livrer une centaine de tablettes de chocolat dans plusieurs hôpitaux de la région. Il envisage aussi d'offrir ses invendus à plusieurs EHPAD situés autour de sa boutique de Neuve-Chapelle, dans le Nord.
- Beussent-Lachelle a offert des chocolats à l'hôpital Duchenne de Boulogne-sur-Mer, au personnel du CHU de Compiègne et à celui du centre hospitalier Arras-Ternois. Au lendemain de Pâques, c'est hôpital de Beauvais qui recevra également des sachets de douceurs.
- Quant à l'entreprise Cémoi, géant du chocolat industriel implanté entre autres à Bourbourg, elle a fait livrer 40 tonnes de chocolat au personnel soignant partout en France, notamment à l’EHPAD La roselière à Calais.