Covid-19 en prison : plus de 80% des établissements pénitentiaires des Hauts-de-France sont considérés comme clusters

La maison d'arrêt d'Amiens a rejoint la longue liste des établissements pénitentiaires abritant des foyers de contamination au Covid-19. Dans les Hauts-de-France comme dans le reste du pays, la situation sanitaire en milieu carcéral est préoccupante.

"On est très inquiets, les prisons sont des vases clos, une fois que le Covid y entre, il peut s’installer et l’épidémie ne peut être que grandissante, déplore Frédéric Lefèvre, secrétaire local Force Ouvrière pénitentiaire à Amiens.  Ça fait peur pour les agents, pour leurs familles, mais aussi pour les détenus."

Avec douze cas positifs, dont dix parmi les personnels et deux parmi les détenus, la maison d'arrêt amiénoise fait partie des 14 établissements pénitentiaires considérés comme des clusters, sur les 17 que compte la région Hauts-de-France.

D'après les derniers chiffres fournis par la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Lille et l'ARS, sur l'ensemble de la région, 72 détenus sont actuellement positifs au covid-19, sur 7 082, ainsi que 159 agents sur 4 098.

L'ARS considère une structure comme cluster "dès l'apparition de trois cas au sein de celle-ci, même s'ils ne sont pas forcément issus de la même chaîne de contamination", précise le communiqué.

À noter tout de même que la maison d'arrêt d'Amiens s'en sort plutôt bien. "La situation s'améliore considérablement, on est passé à 10 cas positifs parmi les personnels alors qu'on était à 30 au plus fort de la crise, relativise Mensah Assiakoley, directeur de l'établissement. Et il faut préciser qu'ils ont été contaminés dans la sphère privée, pas au sein de l'établissement d'agent à agent." Et d'ajouter : "quand on se compare à d'autres établissements, on est plutôt bien, nous n'avons pas de cas graves et le nombre de cas n'est pas exponentiel. Je tiens par ailleurs à préciser que les détenus respectent bien les règles sanitaires, ainsi que leurs familles." Les détenus positifs ont été isolés et les personnels en contact avec eux ont été dotés de surblouses et de masques FFP2.

La population carcérale revenue au niveau d'avant-crise

Il faut noter aussi que la maison d'arrêt d'Amiens a une chance que d'autres n'ont pas : le nombre de détenus, s'il est au-dessus de la capacité d'accueil théorique, reste raisonnable. "On pourrait aller jusqu'à 608 lits sans avoir à mettre de matelas au sol, et depuis juin 2020, l'établissement tourne entre 370 et 400 détenus. C'est ce qui fait que beaucoup de détenus sont seuls en cellule et qu'on a pu dédier un quartier aux cas positifs et aux suspicions."

Dans d'autres établissements, comme à Valenciennes, à Laon, à Béthune et à Lille-Sequedin, la densité carcérale dépasse les 150%. Cette surpopulation ne permet pas toujours de faire appliquer les gestes barrières. Invitée à la fin du mois de décembre sur France-info, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) avait fait part de son inquiétude à ce sujet. "On condamne quelqu'un à de la prison, pas à attraper le Covid" , s'était-elle insurgée.

Lors de la première vague, dès le mois de mars 2020, des mesures avaient été prises pour diminuer la population carcérale dans l'ensemble des établissements pénitentiaires français. L'exécution de certaines courtes peines avait été différée, certains détenus en fin de peine avaient été libérés grâce à des réductions de peines exceptionnelles.

De ce fait, à la fin du premier confinement, les prisons françaises comptaient 13 500 détenus de moins qu'au début. Mais près de deux ans plus tard, la population carcérale a retrouvé son niveau d'avant-crise. Dans une alerte du 13 janvier, la CGLPL parle d'un "épuisement physique et moral et des populations détenues" et assure que "les effets bénéfiques des efforts déployés au printemps 2020 pour réduire la pression carcérale sont désormais de lointains souvenirs."

Des mesures sanitaires renforcées

Pour Alain Dupriez, secrétaire régional adjoint de l'Ufap-Unsa Justice, les mesures sanitaires édictées par le ministère de la Justice ne sont pas suffisantes pour enrayer l'épidémie et empêcher l'apparition de foyers de contamination. "Aujourd'hui, on isole les détenus positifs qui sont seuls en cellule et dans une unité à part, et des plexiglas ont été installés dans les parloirs. On a peu de masques FFP2 donc ils sont réservés aux agents fragiles ou qui travaillent dans les unités Covid, explique-t-il. Il faudrait limiter les activités extérieures dans tous les établissements clusters, et limiter au mieux les mouvements, comme pendant la première vague."

La DISP précise néanmoins que "les regroupements de personnes au sein de la détention sont limités, les mouvements s'effectuent en groupes de taille réduite (promenades, douches, sport...)" et que "tous les détenus qui arrivent sont placés obligatoirement en quarantaine dans un quartier ou une aile spécifique, avant de rejoindre la détention classique".

Une progression lente de la vaccination

L'autre volet de prévention est bien sûr celui de la vaccination. Sans pouvoir donner de chiffres précis, Alain Dupriez assure qu'une grande partie des personnels pénitentiaires est vaccinée. "Mais on sait aujourd'hui que ça n'empêche pas la circulation du virus", rappelle-t-il.

En revanche, le taux de vaccination des détenus est largement inférieur à celui du reste de la population. Au niveau national, il était de 47% début janvier, soit 30 points de moins que dans la population générale.

Au niveau régional, sans pouvoir détailler en raison du secret médical, la DISP assure que "des dizaines de campagnes de vaccination ont eu lieu au sein des établissements pénitentiaires", et qu'au 4 janvier, "9 915 vaccinations avaient été effectuées pour les personnes détenues". Elle précise également que chaque détenu arrivant se voit proposer la vaccination, qu'il peut tout à fait refuser. Le ministère de la Santé affirmait récemment que la faiblesse de la couverture vaccinale en prison s'expliquait par une "très forte réticence des détenus".

Il semblerait néanmoins qu'il y ait des disparités entre les établissements. À Amiens par exemple, 82% des détenus de la maison d'arrêt ont déjà reçu une première injection, et d'après le directeur, 150 d'entre eux se sont déjà inscrits pour recevoir une dose le 3 février.

Des personnels fatigués

Mais la contamination au Covid n'est pas le seul risque engendré par cette situation. Parmi les personnels, la fatigue commence à se faire sentir. Les contaminations se multiplient, et dans certains établissements, ceux qui ne sont pas infectés doivent travailler plus pour remplacer leurs collègues à l'isolement ou malades.  

"Les heures supplémentaires des agents présents explosent, parce qu'il faut bien que l'établissement tourne, donc les agents ont moins de repos,   déplore Alain Dupriez. On ne doit pas dépasser 108 heures supplémentaires par trimestre, là, beaucoup d'agents atteignent ce maximum chaque trimestre. On a déjà des gros problèmes d'effectifs et des postes qui ne sont pas comblés, alors avec ça en plus, c'est très compliqué ." Il évoque notamment une situation tendue au centre pénitentiaire de Longuenesse, dans le Pas-de-Calais.

Les syndicats réclament par ailleurs une revalorisation des grilles salariales tenant compte de la diversification des tâches et des risques encourus par les surveillants pénitentiaires.

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