Fillette noyée par sa mère à Berck : la sorcellerie au coeur du procès de Fabienne Kabou

Comment et pourquoi abandonner à la mort sa petite fille de 15 mois sur une plage de Berck-sur-Mer, par marée montante ? Il n'y a "pas d'autres explications que la sorcellerie", a répondu Fabienne Kabou lundi devant les assises du Pas-de-Calais.

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Vêtue élégamment d'un chemiser blanc et d'un chandail noir, les cheveux tirés en chignon, Fabienne Kabou, 39 ans, les bras croisés, accepte de répondre à chaque question, tantôt avec douceur, tantôt avec froideur. "Elle peut paraître pédante", admet son avocate, Me Fabienne Roy-Nansion. La première journée de son procès pour assassinat à Saint-Omer a été consacrée à sa personnalité et son parcours.

Après avoir évoqué dans une parfaite maîtrise de la langue française son enfance à Dakar (Sénégal) où elle est née d'une mère secrétaire et d'un père traducteur à l'ONU, son arrivé en France pour ses études, sa rencontre avec Michel Lafon, le père de la fillette, elle termine ainsi, sans changer de ton : "En 2011, je tombe enceinte d'Adélaïde, elle née en août et je finis par la tuer, 15 mois après sa naissance". C'était le 19 novembre 2013. Le lendemain, le corps de la fillette est découvert par un pêcheur de crevettes. 


La sorcellerie pour seule explication

"La sorcellerie ? C'est la constatation à laquelle j'arrive par défaut, car je n'ai aucune autre explication..." affirme l'accusée, expliquant avoir dépensé pas moins de 40.000 euros pour consulter "des marabouts et des guérisseurs" avant son geste. "Dans cette histoire, rien n'est cohérent (...) Quel intérêt j'aurais à me tourmenter, à mentir, à tuer ma fille ? J'ai parlé de sorcellerie et je ne plaisante pas. Même quelqu'un de stupide n'aurait pas fait ce que j'ai fait", s'emporte-t-elle. 

"Qu'est-ce qui vous amène à parler de sorcellerie ?", insiste son avocate. "Pendant des années, je n'arrivais pas à me lever le matin, j'avais les pieds
martelés, paralysés, j'ai eu des délires, comme des murs qui ne cessaient de tonner
", affirme à titre d'exemple Fabienne Kabou, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Elle évoque aussi "des intrigues" autour d'elle. "Quelles intrigues ?", réplique l'avocat général Luc Frémiot, visiblement agacé. "Tout ce qui m'arrive pendant toutes ces années ne me ressemble en rien", répond-elle simplement.

Le ton monte parfois plus fort entre les deux parties. Lorsque celui-là lui reproche de ne cesser de mentir, celle-ci riposte : "Ne dites pas n'importe quoi !" "Est-ce que vous pouvez éviter d'être elliptique ?", lance aussi la présidente, Claire Le Bonnois. 


'Stratégie de défense' 

"On est un pied dans la médecine occidentale et un pied dans les croyances africaines dont nous, les Occidentaux, ne connaissons pas les tenants et aboutissants. Maintenant, où est le fond culturel et où est la maladie mentale ?", questionne devant la presse son avocate, qui décrivait à l'époque "un personnage hors du commun" et une "femme remarquablement intelligente".

"N'est ce pas une façon de se protéger psychiquement en n'admettant pas qu'elle a été capable d'un tel acte ?", pointe-t-elle encore. Auprès des experts psychiatres, l'accusée avait déjà évoqué une emprise de la sorcellerie, mais aucun  n'avait conclu à son irresponsabilité, même si certains ont évoqué l'hypothèse d'une forte altération de ses facultés mentales lors du passage à l'acte.

Pas de doute en revanche pour l'avocat de l'une des parties civiles, l'association L'Enfant Bleu, Jean-Christophe Boyer : la sorcellerie n'est qu'une stratégie de défense. "Vous êtes face à une femme qui est très intelligente et qui sait qu'il ne faut pas se dire fou, mais qu'il faut donner à manger aux experts pour paraître fou, la sorcellerie est toute trouvée, et puis c'est conforme à sa culture".

Fabienne Kabou est "énigmatique", "atypique", résume une enquêteur de personnalité. "Les deux années qui ont précédé l'assassinat de ma fille ont été les pires de ma vie, les deux années de détention ont été plus calmes et plus apaisées", conclut l'accusée.
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