Abus sexuels dans l'Église : la commission Sauvé a débuté son tour de France en rencontrant des victimes à Lille

Vendredi 29 novembre, Lille accueillait la commission Sauvé, créée par l'épiscopat catholique pour mesurer l'ampleur des abus sexuels commis depuis 1950 dans l'Église. Des victimes sont venues faire part de leurs interrogations et de leur souffrance devant la commission. 

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Les rangs étaient clairsemés mais l'amphithéâtre de Sciences Po Lille était rempli de doutes et de craintes vendredi 29 novembre. La commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase) avait fait le déplacement pour se faire connaître dans un tour du pays dont Lille est le premier arrêt. 
 


En juin dernier, l'épiscopat catholique a lancé un appel à témoignages auprès des victimes de pédocriminalité dans l'Église, suite à de nombreux scandales. "Nous travaillons sur une période de 70 ans (...) sur l'échantillon de toutes les personnes qui ont entretenu, pendant cette période, un rapport étroit avec l'Église", explique Jean-Marc Sauvé, le président de la commission. 
 

L'homme a dû répondre avec empathie aux réserves de l'assistance quand à l'impartialité de sa commission. Oui, son instance est financée par l'Église, à hauteur de 3 millions d'euros via les évêques et les congrégations, mais elle est indépendante, clame Jean-Marc Sauvé.  "Il est tout à fait légitime que vous posiez ce genre de question", estime-t-il.

"Regardez le pedigree" de ses membres, tous bénévoles, argumente l'homme. "Nous n'avons pas la réputation d'être (...) des gens accommodants" ni de "mettre "la poussière sous le tapis".


Un public de victimes de pédocriminalité par encore convaincu

Une fois la présentation de la commission achevée, les témoignages se succèdent sous les yeux de l'archevèque de Lille. Monseigneur Ulrich a fait part de son étonnement de voir autant de victimes prendre la parole dans la salle.
 


Un membre de l'association de victimes La Parole libérée, agressé "pendant deux ans au collège des jésuites à Lille", raconte son difficile parcours et ses deux tentatives de suicide. Il a contacté la Ciase. "Le seul ressenti que j'en ai eu, c'est qu'à travers toutes les questions, on voulait établir des statistiques".

"Bien sûr, il y a un travail de recherche (...) et les chiffres auront de l'importance. (...) C'est d'abord de l'humain dont il s'agit", se défend Alain Corbier, un autre membre de la commission.
 

Jean-François, 47 ans, essaie de "contenir son émotion". Des questions, il "en a trop". En 1983, il a été victime "d'attouchements et de viol" de la part d'un "prêtre charismatique, très apprécié" de la paroisse d'Aire-sur-la-Lys (Pas-de-Calais), "muté précipitamment" et aujourd'hui décédé.

"Bien sûr, il y a un travail de recherche (...) et les chiffres auront de l'importance. (...) C'est d'abord de l'humain dont il s'agit." Alain Corbier, membre de la Ciase.

"J'ai appelé la Ciase, je suis tombé sur quelqu'un d'adorable", explique-t-il. Mais "j'ai été déçu car j'attendais qu'on me donne des informations sur ce prêtre", pour "savoir s'il était déjà connu pour des faits similaires". "Que faites-vous des informations qu'on vous donne ? Parce qu'on se met un peu à nu...", dit-il.


Un appel à témoignages difficile à faire connaître

Depuis juin 2019, les victimes de pédophilie dans l'Église peuvent être auditionnées pendant deux heures, selon leur demande, ont expliqué les membres de la Ciase. 

Marie-Noëlle, agressée par une "soeur homosexuelle" au sein d'une congrégation religieuse a regretté que l'appel à témoignage ait été peu relayé, en juin, dans certaines paroisses du Pas-de-Calais. Elle s'est aussi inquiétée de l'indémnité perçue par les victimes en novembre dernier, alors que la commission ne doit rendre ses recommandations qu'au premier trimestre 2020. 
 

Ce début de tour de France intervient la même semaine où les victimes du père Preynat ont été entendues à Lyon (Rhône), dans le procès en appel du cardinal Barbarin, jugé pour ne pas avoir dénoncé le prêtre pédophile. La Ciase se rendra d'ailleurs dans la ville prochainement ainsi qu'à Bordeaux, Marseille, Strasbourg, Toulouse et Nantes. 
 


 
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