"Ici, on a du respect"
"C'est beaucoup mieux que rien", sourit Baiham, Irakien de 36 ans.
Les jours précédents, il survivait à Calais avec sa femme et son fils de 13 ans, encore décidé à passer en Angleterre. Pendant plusieurs semaines, "on a essayé de passer, par bateau, via les camions, mais ça nous a coûté trop d'argent", raconte Baiham, les yeux cernés.
Mais lundi, sa petite famille et 37 autres migrants de Calais et Grande-Synthe ont accepté d'être mis à l'abri à Bailleul par l'Etat en vue d'une demande d'asile. Ils y ont ainsi passé leur première nuit paisible depuis bien longtemps.
Aram, Irakien de 33 ans, sa femme et ses deux enfants savourent leurs deux modestes chambres, les douches et la télévision. "Hier, on vivait dans les bois de Calais. On dormait sous un arbre, parfois réveillés par la police. Alors qu'ici on a du respect", confie cet ancien journaliste spécialisé en philosophie.
Dans le petit hall du bâtiment d'un étage, un lieu de convivialité est improvisé. Baiham, Aram et d'autres familles kurdes discutent en cuisinant sur de petites plaques de cuisson électriques.
Ari, 30 ans, y raconte son histoire éprouvante: "Ma femme et moi avons quitté l'Irak pour l'Allemagne il y a deux ans et demi. Après deux ans d'attente, on nous a refusé l'asile car on n'a pas cru qu'on courait un danger dans notre pays. Du coup, on est venus à Calais et Dunkerque, et essayé de passer en Angleterre. On a même passé trois jours en prison. Mais hier, l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration, ndlr) nous a proposé cet endroit".
Marion Mestdag, directrice adjointe de l'établissement géré par Adoma, raconte: "Hier, ils sont tous arrivés très fatigués par les nuits blanches passées à veiller leurs enfants". Pour la responsable, la relative proximité du centre avec la côte, quelque 45 kilomètres, peut participer à son "succès".
Et la suite ?
Bien que rassérénés par leur mise à l'abri, les migrants se projettent déjà sur la suite, non sans appréhension.
En effet, le centre n'a vocation à accueillir que quelques jours. Les services de l'Etat doivent venir prochainement pour les premières étapes de la demande d'asile, avant d'éventuellement orienter les migrants en Centre d'accueil de demandeur d'asile (CADA).
"On est un peu inquiets", lâche Baiham. "Ce centre, c'est bien temporairement, mais il n'y a pas de services, et on nous donne juste quatre euros par jour et par personne pour nous acheter à manger. On partira dans les prochains jours", assure-t-il, visiblement peu au courant de la visite prochaine des services d'immigration.
Mardi matin à Troisvau, un autre CAES a accueilli 45 migrants érythréens, soudanais et afghans. Marion Mestdag promet que les 200 places disponibles en CAES seront bientôt portées à 300.