La France accusée de "négligence" par la Belgique après la "grave pollution" de l'Escaut survenue dans le Cambrésis

La France est accusée par ses voisins belges de "négligence" pour avoir omis d'alerter sur une grave pollution de l'Escaut, qualifiée de "catastrophe environnementale", dont la sucrerie Tereos d’Escaudœuvres (Nord), près de Cambrai, est à l'origine.

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La pollution concerne l'Escaut, fleuve traversant la France, la Belgique et les Pays-Bas. La région belge de Wallonie (concernée par 35 km, soit 10% du parcours) a estimé à des dizaines de milliers de tonnes la quantité de poissons morts. Dans un communiqué, cette région frontalière regrette qu'une pollution survenue le 9 avril près de Cambrai (Nord) n'ait "jamais été signalée par la France aux autorités belges", en infraction avec une procédure d'alerte internationale.

Il a fallu attendre le 20 avril pour recevoir l'alerte d'un riverain belge de l'Escaut s'inquiétant de "la présence anormalement élevée de poissons morts à la surface du fleuve", est-il ajouté.
 


"La Wallonie, quant à elle, a immédiatement prévenu la Flandre (autre région belge en aval) et les Pays-Bas de l'imminence de la pollution", et désormais la France est invitée à "faire la clarté sur cette négligence", poursuit le communiqué.
 
 

Rupture d'une digue


Au total 100 000 m3 de liquide noirâtre, essentiellement des matières organiques, se sont déversés dans la nature à partir du 9 avril, conséquence de la rupture d'une digue de l'usine Tereos d'Escaudœuvres qui retenait des eaux de lavage de betteraves sur la commune voisine de Thun-Saint-Martin, où plusieurs parcelles agricoles et des habitations avaient été inondées.
 
Selon l'Office français de la biodiversité, ces eaux de lavage ont "rapidement saturé le milieu aquatique", d'abord dans des ruisseaux des environs avant d'atteindre l'Escaut. En se dégradant dans l'eau, ces matières organiques consomment l'oxygène présente et "asphyxient tous les organismes vivant à proximité", d'après la même source.

 

Une des plus grosses pollutions depuis 20 ans.



"C'est une catastrophe environnementale", a commenté un porte-parole de la région wallonne, Nicolas Yernaux, soulignant qu'une plainte serait transmise aux autorités françaises d'"ici à la fin de la semaine".

Le principe du "pollueur-payeur" pourrait valoir à Tereos une amende allant jusqu'à 1 million d'euros "et ce uniquement en Wallonie", selon la région. Le parquet de Cambrai en France a indiqué avoir ouvert une enquête judiciaire pour déterminer précisément les conséquences de la rupture de la digue, car les poissons morts "ne sont que les parties visibles de la pollution".
 
"Je crois que c'est l'une des plus grosses pollutions depuis 20 ans dans le département du Nord", a déclaré à France Bleu Nord Emmanuel Petit, le directeur de la fédération du Nord  pour la pêche et la protection du milieu aquatique. 

"Tereos a immédiatement mis en œuvre les actions nécessaires pour répondre à l’urgence de la situation et a d’emblée alerté les autorités compétentes françaises en évoquant le point spécifique de l’Escaut", a indiqué jeudi dans un communiqué le groupe sucrier mis en cause qui commercialise ses produits via la marque Béghin Say. 

"Mercredi 22 avril, Tereos a été contacté suite à la découverte de poissons morts en Belgique à plus de 30 km de la sucrerie. A ce stade, Il est encore trop tôt pour établir de quelconques liens de causalité. Tereos, en tant qu’entreprise citoyenne , assumera sa responsabilité si elle venait à être établie", a-t-il ajouté.
 

Le préfet promet "la plus grande transparence"


De son côté, le préfet de la région Hauts-de-France et du Nord, Michel Lalande dit suivre "ce sujet avec la plus grande attention" et "assure ses partenaires belges qu’il sera traité avec la plus grande transparence". 

Dans un communiqué publié ce vendredi après-midi, il affirme que "VNF (Voies Navigables de France) a également provoqué des lâchés d’eau depuis des barrages en amont, et le 22 avril 2020, la société Téréos a mis en place cinq aérateurs dans le canal pour accélérer la réoxygénation de l’eau". Le préfet s’engage également "à prescrire la réalisation par l’exploitant d’ une étude géotechnique de tous les bassins, en vue de mieux connaître leurs caractéristiques, leur état, et déterminer les travaux à prévoir ainsi qu’un plan de surveillance".

"Il est important de préciser que l’incident n’a pas provoqué d’infiltration dans la nappe profonde dédiée à la fourniture d’eau potable", a-t-il ajouté.

Concernant la non-transmission d'alerte aux autorités belges, Michel Lalande explique que "des mesures effectuées sur le terrain le 10 avril 2020 n’ont pas mis en évidence de pollution". "Bien qu’une diminution d’oxygène avec l’apparition d’une mortalité piscicole ait pu être constatée dans les jours suivant l’accident, un retour progressif à un taux d’oxygène plus normal a été mesuré", se justifie-t-il. "Il n’y a donc pas eu d’alerte aux régions situées en aval, en particulier côté belge."
 
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