La barquette de fraises récoltée soi-même est deux fois moins chère qu'en supermarché. Témoignage de deux agriculteurs qui ont fait le pari de la cueillette libre, par choix et pour pallier au manque de main d'œuvre.
On connaît la difficulté pour le secteur de la restauration à recruter des saisonniers. Actuellement, avant même l'été 2022, l'ensemble de la profession assure n'avoir que la moitié des effectifs espérés dans les Hauts-de-France. Et c'est tout autant compliqué pour l'agriculture, depuis des années.
Mais au-delà du recrutement au compte-goutte des volontaires, il y a aussi la déception, les problèmes de motivation pour des saisonniers peu investis. Sébastien Tellier, agriculteur implanté au Quesnoy près de Valenciennes, avait 25 000 à 30 000 euros de main d'œuvre saisonnière par an. Mais une année, sur les dix personnes recrutées en tant que saisonniers pour cueillir ses fraises, neuf ont fait "du tourisme" dans ses champs.
"Ils ne s'auto-finançaient même pas et j'ai vu mes fraises pourrir "râle l'agriculteur. Du coup, il est allé voir le banquier et a investi dans des fraisiers hors-sol qui demandent un investissement financier au départ mais un travail "plus confortable" par la suite. Une saisonnière s'occupe de cette culture hors-sol actuellement et, dans ses champs de fraises, désormais plus petits, Sébastien propose aux particuliers une cueillette libre.
"La fraise hors-sol et en champs, c'est une activité secondaire qui représente 15% de mon chiffre d'affaires, le reste étant la pomme et la transformation des fruits en jus" explique l'agriculteur mais "c'est mieux comme cela".
Tout le monde ne peut pas le faire, il faut être sur un axe passant et fermer les yeux sur la consommation de fraises dans le champ
Sébastien Tellier, producteur dans le valenciennois
Xavier Collette, agriculteur à Seclin confirme. Il fait partie du groupement d'intérêt économique le Chapeau de paille qui regroupe (en partie) les sites de cueillettes cités-ci dessous sur la carte : à Hoymille, à côté de Bergues, près de Caudry, au sud de Cambrai, à Férin, près de Douai, ou à Beaurains près d'Arras ou encore à Saint-Gratien près d'Amiens.
Pour Xavier, la cueillette libre peut-être un bon plan pour l'exploitant sous conditions : "c'est une bonne diversification qui peut être rentable mais qui nécessite de la main d'œuvre en amont tout de même. Cela dépend de sa situation géographique, si nous sommes au fin fond d'un endroit paumé, il n'y aura pas de passage. Il faut aussi un certain goût pour cela de la part de l'agriculteur, un sens du commerce, aimer le contact."
J'ai plusieurs copains qui me disent qu'ils n'aimeraient pas avoir des gens qu'ils ne connaissent pas arriver chez eux comme cela
Xavier Collette, producteur
Même pas 4 euros le kilo
Quant au consommateur, il assure qu'en 2021, cela vaut le coup : 3,70 euros le kilo cueilli par ses soins, contre 3 euros la barquette de 500 grammes en supermarché. "L'intérêt pour l'agriculteur est de faire venir le consommateur à la ferme. Le slogan du chapeau de paille est : le plus court des circuits courts. On réduit aussi les frais de main d'œuvre, d'emballage et en ces temps de faire soi-même de difficulté de pouvoir d'achat, cela reste un bon plan, ne serait-ce que pour faire des confitures".
Si l'an dernier, la cueillette libre n'avait pas très bien marché à cause du froid, les deux années précédentes étaient très bonnes selon ces deux agriculteurs. Et vu le soleil de ce printemps, la récolte 2022 promet d'être bonne. Le ramassage des fraises (ou des asperges) a commencé dans les Hauts-de-France, fin avril.