Port du masque obligatoire et désinfection à répétition devraient permettre de "donner confiance" dans les transports en commun malgré la peur du coronavirus, explique Patrick Jeantet, président de Keolis qui exploite les métros, trams et bus dans la métropole lilloise, via sa filiale Ilévia.
► Comment avez-vous réagi face au coronavirus?"On assure la continuité du service public. Certes de manière dégradée, puisqu'on assure en gros environ 30% du service en France, mais on a gardé des lignes à plein pot, notamment celles qui desservent les hôpitaux. La fréquentation est beaucoup plus faible, de l'ordre de 5%, un peu plus forte en Ile-de-France et dans les grands centres urbains, un peu moins forte ailleurs.
Avec le confinement, et avant même que les décrets (du gouvernement) soient parus, on a pris tout un tas de mesures qui visaient à la fois à protéger nos conducteurs et les clients -mêmes s'ils devenaient plus rares- dans nos bus, trams et métros. Pour isoler les conducteurs, on a très vite interdit la montée par la porte avant dans les bus et fait monter les gens par la porte arrière. On a aussi interdit la vente de billets à bord pour éviter tout échange de monnaie.
On est passé du nettoyage à la désinfection, c'est-à-dire qu'on a changé de produit et on a organisé ça de façon à minimiser le risque d'infection : on fait des désinfections lors de la relève des conducteurs et on ne fait plus de relève en ligne".
► Comment organiser le déconfinement dans les transports publics ?
"Il y a un effet méfiance de la promiscuité dans les transports en commun. Il faut imposer le port du masque dans les transports publics - avec amende dissuasive à la clef -, ce qui doit permettre de se dispenser de la distanciation sociale s'il est réellement systématique. Et je pense qu'il faut même l'imposer dans tous les lieux publics, parce que sans cela on ostracise les transports publics, ce qui n'est pas très bon.
Il faut aussi une désinfection renforcée, et nous étudions chez Keolis la possibilité, en tous cas dans les métros et les trams, d'avoir des équipes volantes qui désinfectent continuellement les rames, toute la journée, avec des produits virucides. Essentiellement les parties que l'on touche, c'est-à-dire les barres de maintien, les poignées, les boutons, etc...
Je pense que ces deux mesures-là, si elles sont bien appliquées, devraient donner confiance à nos concitoyens, même si j'ai conscience que ça ne sera pas immédiat. Cela prendra du temps. On a un autre sujet plus opérationnel qui est celui de la reprise : si certaines écoles restent fermées, il faut bien que les parents gardent leurs enfants. Or un certain nombre de nos conducteurs sont parents... Un démarrage progressif est souhaitable."
► Quel avenir pour les transports publics après la pandémie ?
"On est en train de vivre une maladie aiguë, qui est la pandémie de Covid-19. En même temps, on est aussi en train de vivre une maladie chronique, avec les émissions de gaz. Celles-ci ont deux effets, le dérèglement climatique et la pollution atmosphérique.
Il faut se battre contre ces deux maladies en même temps. Elles ont un caractère commun : les deux sont mondiales, les deux sont mortelles. Évidemment, elles n'ont pas la même temporalité. Mais les gens commencent à prendre conscience qu'elles participent de la même cause : c'est un système mondial qui se dérègle, et je pense que la conscience de nos concitoyens sera renforcée pour lutter contre les émissions de gaz.
Et si l'on parle de ça, les transports publics sont évidemment une solution ! On va avoir une première phase, la fin de la pandémie, avec moins de fréquentation par peur de la promiscuité. Dans une deuxième phase, la prise de conscience collective qu'il faut régler les problèmes systémiques de notre monde, dérèglement climatique et pollution atmosphérique, fera que les transports en commun rebondiront parce qu'ils font partie des solutions dans la transition écologique."