Prise de quatre otages arme au poing, explosions de portes de prison, puis disparition dans la nature: les assises du Nord à Douai se penchent à partir de lundi sur la spectaculaire évasion du braqueur Redoine Faïd de la maison d'arrêt de Sequedin, le 13 avril 2013.
Dans l'enchaînement aride des multiples chefs d'accusation renvoyant Redoine Faïd aux côtés de quatre présumés complices, se lit le récit haletant de son évasion fulgurante : "récidive de destruction en bande organisée du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes", "récidive d'évasion en bande organisée", "port prohibé d'arme", "détention arbitraire d'otage pour faciliter un crime", "usage de fausse plaque apposée sur un véhicule"...
Entre le 13 avril et le 29 mai, date de son arrestation dans un hôtel de Seine-et-Marne, Faïd aura été l'homme le plus recherché de France, déclenchant au passage de vifs débats sur l'état des prisons françaises. De quoi alimenter sa légende: pro des braquages de fourgons, auteur d'une autobiographie... et surtout renvoyé devant plusieurs tribunaux et condamné à 18 ans de réclusion en avril 2016 dans l'affaire du meurtre de la policière Aurélie Fouquet lors d'une attaque violente d'un fourgon blindé.
L'évasion en elle-même, préparée selon toute vraisemblance par Faïd lui-même, a duré moins d'une demi-heure. Tout commence au parloir. Dans le panier à linge que tout détenu a droit de transporter, sont cachés l'arme, les explosifs et les outils nécessaires à l'exécution du plan. Faïd dégaine le pistolet, tire une balle dans le mur, tout près de la responsable du parloir, pour marquer les esprits et faciliter la prise de quatre otages parmi le personnel pénitentiaire. Il fait ensuite exploser chacune des cinq portes le séparant de la liberté. Avec sang-froid et un peu de zèle : les gardiens de prison auraient pu ouvrir les portes, puisqu'ils ne sont en principe pas tenus de résister aux menaces...
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Le sujet pourrait faire débat à l'audience. Enfin parvenu sur la pelouse qui encadre la prison, le truand s'enfuit à bord d'une voiture conduite par un homme à l'identité non établie, emportant sur une courte distance l'un des otages.
"Ca aurait pu dégénérer"
Entre autres enjeux, le procès pourrait faire la lumière sur la manière dont il s'est procuré son matériel. Durant l'instruction, le scénario classique d'une récupération au parloir via des proches a été mis à mal ; mais les hypothèses visant des personnels de la prison (chez des surveillants, au restaurant pénitentiaire...) n'ont pas non plus été confirmées.Faïd "affirme avoir trouvé un sac comprenant tous les éléments dont il s'est servi pour son évasion dans la prison", relate son avocat Me Christian Saint-Palais. "Ca aurait pu dégénérer en carnage au moins à trois moments. Cette évasion a mis en cause le mode de fonctionnement des maisons d'arrêt", souligne David Winter, avocat des otages et du syndicat UFAP, majoritaire dans l'administration pénitentiaire, parties civiles. Il énumère: la légèreté de la sécurité ("une seule voiture de
police à proximité", selon Me Winter), "le problème d'articulation entre fonctionnaires et personnels privés", "le nombre de surveillants"...
Faïd, 44 ans, "sait que le crime qui lui est reproché est constitué, donc on n'est pas sur la recherche d'un acquittement. Il est dans la volonté de s'expliquer sur la motivation d'un tel geste, son état d'esprit lors de cette évasion, sa préoccupation de ne causer aucune violence physique à ceux qui étaient à ses côtés et qu'il a utilisés pour protéger sa fuite", explique Me Saint-Palais. Le but est que "la cour d'assises comprenne ce qui peut déterminer quelqu'un qui a connu son parcours carcéral à tenter de retrouver la liberté", résume-t-il.
Les débats devraient aussi être une nouvelle occasion de comprendre le personnage de Faïd, qui a tant fasciné les médias au cours de précédentes affaires. Il encourt 30 ans de réclusion criminelle.