Le festival international du grand reportage d'actualité a posé ses valises à Douai du 31 mai au 5 juin. 78 films documentaires sont projetés sur les 5 jours de compétition. Notre sélection, après une journée devant les écrans du Majestic de Douai.
Dans les salles obscures du Majestic de Douai, alors que les gradins des séances du matin se remplissent, c’est l’heure du croisement des générations. Les retraités sont déjà installés depuis une dizaine de minutes quand débarquent les groupes de lycéens. "Aaah bonjour, les jeunes, ça va ?" interpelle joyeusement l’un d’entre eux. Les jeunes en question montrent toutes leurs dents : "Ça va, hein, on est là, on est là", s’amuse un élève en passant. Le Festival international du grand reportage d’actualité et du documentaire de société (FIGRA) en est au troisième jour de sa compétition officielle.
Pour la deuxième année consécutive, le festival a posé ses valises à Douai, ravie d’accueillir cet événement culturel d’ampleur. En 2021, encore affecté par le covid-19, le festival a pourtant accueilli 8000 visiteurs, et 1200 élèves des lycées alentours. La ville a mis à disposition le cinéma du Majestic, mais également son théâtre, son conservatoire et le musée de la Chartreuse, écrin pour deux expositions photos sur l'Afghanistan.
Le palmarès de la compétition sera dévoilé le samedi 4 juin, et les films lauréats projetés toute la journée du dimanche 5 au Majestic.
Troisième journée de compétition : notre sélection
- Sauvons les enfants de Catherine Bernstein et Grégory Célerse
C’est un acte de bravoure et d’humanité collectif, qui a bien failli tomber définitivement dans l’oubli. Tout commence lorsqu’un ami de l’historien Grégory Célerse exhume des documents anciens, achetés chez un brocanteur du marché de Wazemmes. Parmi eux, un rapport de l’ancien chef de gare de Lille Fives, depuis détruite. Il raconte comment, le 11 septembre 1942, une quarantaine de juifs, dont une majorité d’enfants, sont sauvés de la déportation vers Aushwitz. Ce sont des cheminots, mais aussi des voisins, des nourrices, des infirmières, des cafetiers qui, au nez des soldats allemands, vont exfiltrer toute la journée leurs compatriotes menacés de mort. Enfants passés par des fenêtres, dans des sacs à dos, des paniers à charbons, cachés dans des trains à l’arrêt, déguisés et emmenés hors de danger…
Ce documentaire inédit retrace comment, par mille petites solidarités, cette opération qui n’était ni préparée, ni concertée, est devenue le plus grand sauvetage de juifs en partance pour Aushwitz de toute la France. Les témoignages et la reconstitution au moyen de maquettes raconte de manière sobre et sensible, l’histoire de ces hommes et femmes qui n’ont jamais demandé la moindre reconnaissance.
En compétition dans la catégorie Terre(s) d'histoire. Première diffusion en septembre sur France Télévisions.
- Re|Faire des masques, une industrie, une filière de Ella Cerfontaine et Benjamin Carle
Roubaix, une ville qui parviendra à réécrire l’histoire ? C’est en tout cas le pari fait en 2020 par le Projet Résilience. Ce documentaire d’une heure et demie suit le parcours de Christophe Lépine, entrepreneur du textile, qui a juré de la reprise de l’industrie dans l’ancienne capitale de la laine. "C’est parti d’ici en premier, il faut que ça revienne ici en premier", dit-il comme une évidence. En 2020, lorsque la pandémie de coronavirus s’enflamme, il monte à Roubaix un atelier de fabrication de masques made in France. Ici, pas question de lire des CV : on embauche tout le monde, vieux comme jeunes, éloignés de l’emploi temporairement ou depuis longtemps. En 8 mois, un million de masques sortiront de l’atelier roubaisien.
Le Projet Résilience, ce sont aussi les destins croisés de tous ceux venus prêter main-forte. La famille Lunlan, artisans textile qui cherchent une stabilité ; Olympe Pollet, jeune apprentie qui n’a pas eu les moyens de se payer les études de ses rêves dans la mode ; Stéphanie Calvino, responsable ressources humaines émue aux larmes de trouver une vocation à ses jeunes… Re|Faire des masques, c’est l’histoire d’un espoir collectif, celui d’inspirer, peut-être, un élan dans toute la France.
En compétition dans la catégorie Autrement vu.
- Poutine, le retour de l'ours dans la danse, de Frédéric Tonolli
C'est l'histoire d'un obscur officier du KGB qui utilise l'égo blessé d'une Russie sortie perdante de la guerre froide pour satisfaire ses délires de conquête. Un monstrueux travail de recensement, de chronologie et d'analyse qui suit l'ombre de la Russie à mesure qu'elle s'étend sur le monde. En 2007, les alliances avec l'OTAN se rapprochent des frontières de l'ex-URSS, au mépris des accords de reddition passés avec l'ancienne Union Soviétique. Alors qu'il avait tenté la séduction avec l'Union Européenne et l'Occident, Poutine change radicalement de ton. Georgie, Crimée, Syrie, Libye, Centrafrique, Caucase... L'autoritaire dirigeant a exploité toutes les failles pour étendre ses intérêts, souvent au prix d'alliances avec les régimes les plus sanglants. Un bilan sur lequel le documentaire se ferait parfois un peu trop discret, bien qu'il n'occulte pas le mépris du chef du Kremlin pour les droits de l'Homme.
Illustration frappante des projets de Vladimir Poutine, une scène montre la projection d'un dessin animé pour enfants, diffusé en Centrafrique en langue française. Dans le petit film, c'est l'ours appelé Russie qui vient sauver et protéger les peuples africains en proie au harcèlement des hyènes. Tourné avant le début de la guerre en Ukraine, le documentaire n'en fait pas mention, a regretté le réalisateur, mais reste un document de reconstitution de grande valeur.
En compétition dans la catégorie film de plus de 40 minutes.
