"Sans ces dysfonctionnements, elle ne serait pas morte" : la colère de l'avocat de la famille d'Aurélie Langelin, tuée par son conjoint à Douai

Dans une lettre envoyée au ministre de la Justice, l'avocat de la famille d'Aurélie Langelin, tuée par son concubin en mai 2021, demandait une "mission d'inspection" pour révéler les erreurs policières dans ce féminicide. Une requête refusée. Le pénaliste s'offusque.

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Les policiers et la justice ont-ils fauté ? C'est ce qu'estime Damien Legrand, l'avocat de la famille d'Aurélie Langelin, cette femme de 33 ans rouée de coups par son conjoint, à Douai, durant la nuit du 30 au 31 mai 2021

Pour faire toute la lumière sur ce féminicide, le pénaliste avait envoyé en octobre dernier une lettre au garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, lui demandant l'ouverture d'une "mission d'inspection". Une missive également transmise aux ministres Gérard Darmanin, Marlène Shiappa et Élisabeth Moreno.

Le ministre de la Justice refuse la "mission d'inspection"

La réponse ? Négative. Une fin de non-recevoir qui met aujourd'hui en colère l'avocat. "C'est la confirmation de ce que je soupçonnais, déclare Damien Legrand. Aurélie Langelin ne fait pas partie des priorités des pouvoirs publics."

Selon le JDD, la directrice de cabinet du ministre a invoqué, le 11 janvier, la "séparation des pouvoirs" pour refuser une enquête "particulière" sur les raisons du meurtre d'Aurélie Langelin.

Mais l'avocat de cette dernière tient à rappeler qu'une même "mission d'inspection" avait été réalisée dans le cas de Chahinez Boutaa, blessée par arme à feu et brûlée vive dans la rue par son mari, le 4 mai 2021.

Le ministre promet un "retour d'expérience sur les faits"

"Aurélie Langelin, qui avait sombré dans l'alcool et la drogue sous l'emprise de son compagnon, qui, peut-être, ne menait pas la vie la plus idéale qu'il soit, ne mérite peut-être pas que l'on s'attarde sur son sort...", exprime avec amertume l'avocat.

Dans sa réponse, le ministre de la Justice a évoqué toutefois la mise en application prochaine "d'un retour d'expérience sur les faits". "C'est-à-dire que, très vraisemblablement, [ils en parleront] dans le cadre de réunions informelles, précise le conseil, agacé. Autrement dit, ne [feront] rien."

Une série de "dysfonctionnements"

Dans son courrier, Damien Legrand dénonce une série de défaillances, allant des "multiples plaintes non traitées"  au "manque de considération" adressée à la victime. "Je rappelle que sans ces dysfonctionnements, policiers et judiciaires, cette femme ne serait pas morte."

Premièrement, les diverses plaintes et mains courantes déposées depuis 2018 par Aurélie Langelin contre Karim B., son concubin à l'époque, "n'ont jamais été traitées, il n'y a jamais eu de suite, il (Karim B.) n'a jamais été convoqué", argumente-t-il.

"Des plaintes non traitées"

Avant de pointer une deuxième faille dans ce dossier. Cela s'est déroulé lors d'une plainte déposée le 5 mai 2021, soit 25 jours avant d'être assassinée. Devant les fonctionnaires du commissariat de police de Douai, Aurélie Langelin dit être "menacée de mort" par son conjoint qu'il dit vouloir la "brûler vive". "Personne n'a réagi, dénonce l'avocat. Cette plainte est restée lettre morte"

Les enquêteurs expliqueront qu'ils ont appelé et convoqué la victime à deux reprises, mais que celle-ci ne s'est jamais présentée au commissariat. L'avocat explique ce comportement : "On étudie suffisamment le phénomène des féminicides pour savoir que ces femmes-là sont sous l'emprise de leur compagnon. Si on attend d'elles qu'elles déposent plainte, et qu'ensuite elles répondent à toutes les convocations judiciaires, évidemment elles ne le feront pas."

"Les policiers auraient dû faire quelque chose"

Pour rappel, dans le cas d'Aurélie Langelin, cette dernière n'était plus en possession de son téléphone portable. C'est son conjoint qu'il l'avait pris pour contrôler ses contacts avec l'extérieur. "Il est évident que ces femmes sont isolées, on ne peut pas leur répondre que c'est de leur faute ce qui est arrivé", rappelle-t-il.

Trois semaines après la plainte du 5 mai, les policiers sont intervenus au domicile du conjoint d'Aurélie Langelin, alertés par des voisins qui se plaignent des cris. Ils s'en sont tenus alors à un différend de voisinage. Le lendemain, révèle les actes de procédure, ils écriront qu'Aurélie ne se plaignait de rien.

Mais l'avocat conteste la version des enquêteurs. "Ce type d'écrit va à l'opposé de tout ce que les témoins déclarent, rapporte-t-il. Sur le procès-verbal, ces derniers déclarent qu'en réalité les policiers sont intervenus. Qu'eux, témoins, étaient présents, qu'ils sont entrés dans le domicile. Et que ce n'était pas une discussion calme et sereine. Que cet homme la menaçait de mort. Qu'elle était nue sur le canapé, qu'elle avait déjà des coups sur le corps. Et que manifestement, les policiers auraient dû faire quelque chose."

113 féminicides dénombrés en 2021

L'avocat regrette que la justice française "ne s'efforce pas et ne souhaite pas connaître la cause profonde de ces dysfonctionnements pour pouvoir y remédier". Et d'ajouter : "Les mêmes causes entrainant bien souvent les mêmes effets, il y a tout lieu de penser que ça se reproduira malheureusement."

Aurélie Langelin s'inscrit dans la tragique liste des 113 féminicides dénombrés par l'association #NousToutes, en 2021. En 2020, les Hauts-de-France se classaient parmi les quatre régions les plus touchées par ce phénomène.

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