TEMOIGNAGE. Coronavirus : pour Ludovic Bouvier, de la CGT-Métallurgie, "le Covid a bon dos"

Suite de notre série sur les personnalités de nos départements et le coronavirus. Aujourd'hui, rencontre avec Ludovic Bouvier, le patron du syndicat CGT de la Métallurgie du Nord et du Pas de Calais.

Habituellement, quand on rencontre Ludovic Bouvier, c'est sur une manif ou à la sortie d'une assemblée générale houleuse, dans la tension et l'agitation d'un conflit social. Jamais chez lui, au calme dans sa cuisine, par une douce matinée de Printemps, avec sa petite fille de quatre ans qui babille à ses côtés. Mais le confinement a au moins ce mérite, celui justement de nous sortir de nos habitudes. Jusqu'à un certain point.

Car le patron du syndicat CGT de la Métallurgie du Nord et du Pas de Calais, même depuis la verte campagne Cambrésienne où il réside, reste un pur et dur. Sans surprise, il tire à boulets rouges sur Macron, le Gouvernement, le patronat, le système. "Le Covid ? La bonne excuse que les capitalistes vont cyniquement utiliser pour accélérer la casse sociale." Le ton est donné.
 

Relancer la production automobile, c'est prématuré

C'est d'abord l'automobile qui retient son attention. Il en vient. Il connait. Avant de devenir en 2014 un cadre permanent de la CGT, Ludovic Bouvier, 49 ans, a travaillé vingt ans sur les chaines de montage, à Renault-Douai puis PSA-Hordain. Il dénonce vigoureusement la décision des constructeurs de relancer leurs productions. C'est effectif chez Toyota depuis le 21 avril ; PSA et Renault s'y préparent. " C'est prématuré ", peste le syndicaliste. " Ce n'est pas indispensable et ça met les travailleurs en danger. "

 

Chez PSA-Vesoul (Haute-Saône), 128 salariés auraient attrapé le virus et sont actuellement en quatorzaine. " C'est un bilan très alarmant ! On me raconte que des précautions sont prises, mais je n'y crois pas. Par exemple, la pose d'une moquette de sol, qui est d'une seule pièce, demande d'être manipulée par plusieurs ouvriers à l'intérieur du véhicule. Impossible de respecter des distances de sécurité."
 

Ludovic Bouvier s'interroge sur le besoin de redémarrer si tôt certaines industries. " Pourquoi relancer la production automobile, alors que l'achat d'une voiture ne sera certainement pas la priorité des gens ces prochaines semaines et prochains mois. J'ai en mémoire la crise de 2008 chez PSA-Hordain qui fabrique des utilitaires légers. A cause de la crise financière, les collectivités et les entreprises avaient arrêté d'acheter du neuf et avaient prolongé l'entretien de leurs anciens véhicules. Même chose pour l'usine Hendrickson de Douai qui continue à produire des barres de suspension pour les camions Volvo, alors que les transporteurs routiers vont certainement réduire la voilure. Et même chose pour l'usine SKF de Prouvy-Rouvignies qui fournit l'aéronautique, alors les constructeurs d'avions comme Airbus subissent des annulations de commandes en pagaille."

 
 

Promesse de relocalisation


Pas tendre avec les industriels accusés de mettre en danger la vie des salariés, le patron des métallos CGT du Nord et du Pas de Calais l'est encore mois avec l'exécutif. " Des incompétents, des pompiers pyromanes."  Féroce, il accuse Emmanuel Macron de faire un cadeau aux patrons en rouvrant les écoles, de " faire des écoles des crèches dédiées au patronat, pour que les salariés n'aient plus leurs enfants dans les pattes." 

Il ne croit pas un mot des promesses du Président de la République de rapatrier en France les productions manufacturières stratégiques, pour ne plus dépendre d'importations lointaines. Et il prend l'exemple de Luxfer, cette entreprise du Puy-de-Dôme qui fabriquait des bouteilles d'oxygène pour l'hôpital, fermée depuis un an mais que des salariés tentent de sauver. " Que vient de répondre le Gouvernement à leur demande de nationalisation ? " interroge Ludovic Bouvier. " Non !"
 

Il pose la même question à propos de l'usine Cargill d'Haubourdin qui s'apprête à délocaliser sa production d'amidon, en supprimant au passage 150 emplois. L'amidon est pourtant utilisée par les industries pharmaceutiques et agro-alimentaires... " L'exécutif a choisit son camp, celui de l'économie capitaliste galopante, assène le syndicaliste. Et ça donne n'importe quoi ! Comme ces milliers de respirateurs artificiels fabriqués en urgence par PSA et qui sont en fait inadaptés au malades du Covid 19. 30 millions d'euros jetés à la poubelle ! On pourrait en rire si ce n'était pas si dramatique.


 



Le monde d'aprés ?


Ludovic Bouvier se montre très pessimiste pour l'après-confinement. " Rien ne changera après le 11 mai si un bouleversement en profondeur de la société n'intervient pas. Il faudrait repenser cette société pour que l'humain et le bien de tous deviennent enfin les priorités et non plus l'argent, le profit, l'exploitation. Après la crise sanitaire nous attendent une crise économique et une crise sociale plus importantes encore. Mais ne nous y trompons pas : le Covid n'en sera pas le déclencheur, mais plutôt l'accélérateur. Le Covid a " bon dos ". Les entreprises qui voulaient licencier auront maintenant l'excuse pour le faire. Et au final, les gens vont payer la note, pas les plus riches. Comme d'habitude." 

Dans les manif, en meeting, en interview, Ludovic Bouvier a souvent cette phrase : " on va se battre partout... " Partout. Même à la cuisine. 
 
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