Carnaval de Dunkerque 2024. Qui est Pascal Bonne, tambour-major de la bande de Dunkerque ?

Intronisé en 2011, pour ses 40 ans, tambour-major de la prestigieuse bande du Carnaval de Dunkerque, celle des pêcheurs ; Pascal Bonne, alias Cô Boont'che, revient sur ce qui l'a conduit à diriger les musiciens de la bande, et les plus de 50 000 personnes du départ de la bande jusqu'au jet de harengs, chaque dimanche précédent mardi gras. Avec sa bonhomie et sa hantise d'être un tambour-major "star", il nous conte son carnaval, celui qu'il aime et celui qu'il aimerait encore améliorer, lui, le perfectionniste, le respectueux de la tradition philanthropique et des valeurs du carnaval.

Les débuts ? 

À l'âge de 6 ans et demi mon père m'a inscrit à l'école de musique de Dunkerque Malo-les-Bains et à mes 10 ans mon père est décédé des suites d'un cancer. Un mois plus tard, je faisais mon premier défilé, un 11 novembre. Après plusieurs années, vers 14-15 ans, Cacaille, le tambour-major de Saint-Pol-sur-Mer et de la bande de la Citadelle me prend sous son aile. Il voit que j'arrive à me débrouiller au tambour et il m'invite au carnaval à faire les bandes en tant que musicien.

Ce que représente le tambour-major à ses yeux ? 

Un honneur, une fierté, on marche sur les pas de nos ancêtres, des anciens Cô, ça fait une drôle de sensation même encore maintenant. Ça va faire ma 14e année, j'ai toujours ce stress, cette montée d'adrénaline. Faut dire que le tambour-major, c'est sacré ici chez nous, ils sont adulés. Et par rapport à mes prédécesseurs avec qui j'ai joué, ça me fait toujours un gros effet.

"Anti-frime"

Ce n'est pas parce que je suis habillé en tambour-major que je ne suis plus Pascal. Je pense être resté le même. Je ne joue pas de comédie, il n'y a pas de cinéma. Je reste le même et j'aimerais bien qu'on me dise si jamais j'avais changé : 'Attention, tu te prends la tête'... Oui, j'essaie de rester le plus discret possible. Je suis dans mon rôle de diriger une bande, diriger les musiciens, le carnaval et la bande des pêcheurs après je reste assez discret. Je ne me prends pas la tête et c'est très bien comme cela. Chacun vit son carnaval comme il l'entend, comme il le veut, après, je suis à fond dans mon rôle, rigoureux, même perfectionniste.

Son carnaval 2024

Je commence à l'ouverture des bals du carnaval, le 20 janvier avec le Bal du chat noir. Je rentre dans la salle avec les musiciens pour le fameux chahut de minuit. Le maire coupe le ruban et déclare le carnaval ouvert. Le début du carnaval, c'est toujours une drôle d'impression. Les couleurs, la joie de vivre, le bonheur. Ensuite j'officie à la bande des pêcheurs de Dunkerque et je fais aussi le mercredi des cendres, le bal enfantin avec tous les gamins au Kursaal. Puis le bal du Sporting en tant que tambour-major également. Je joue en tant que musicien à la bande de Malo-les-Bains. Puis je le fais occasionnellement en tant que carnavaleux.

C'est épuisant ?

Trois mois et demi de carnaval, c'est beaucoup. On commence à avoir beaucoup de dates. Chaque ville, chaque village veut son carnaval. Il faut se démultiplier au niveau des musiciens... On est victime de notre succès. Après faut pas avoir des centaines et des centaines de personnes pour faire la fête. Mais des fois on aimerait bien, les tambours-majors, que cela se rétrécisse un peu car on est 25 pour 55 bandes. Après je ne fais pas une saison complète, car ensuite cela n'a plus de charme. Commencer début janvier pour finir mi-avril, c'est fort quand même. La saison se rallonge au fil des ans et je ne trouve pas cela tellement bien.

La confrérie des tambours-majors

La confrérie existe depuis l'hiver 1990-1991, au moment de la guerre du Golfe, date à laquelle le carnaval a été annulé. Puis les choses se sont encore organisées, en 2013, pour éviter que des tambours-majors s'autoproclament. Quelqu'un qui arrête doit être remplacé. Un appel à candidature est lancé... Préalable : il faut être musicien, connaître le répertoire de chansons et de musiques. La confrérie aiguille le maire qui choisit le tambour-major. Il faut savoir tenir sa bande ou ses musiciens.

Les règles du carnaval ?

Sincèrement, des débordements, je n’en connais pas. En 2023, on avait 70 000 personnes à la bande de Dunkerque. À chaque fois, je discute avec des policiers qui ne sont pas d'ici et qui me disent qu'on est des fous et que tout se passe bien. Pourvu que ça dure. Après sur l'alcool, malheureusement, ce n'est pas propre au carnaval de Dunkerque. On essaie de dire aux gens 'allez-y mollo' et on va dans les écoles pour inculquer les valeurs du carnaval, les règles, la solidarité, le partage, mais c'est compliqué car les gens qui viennent de loin croient que c'est un festival. C'est tout sauf un festival. Je n'arrête pas de dire aux gens de venir en se faisant parrainer. Il faut d'abord qu'ils comprennent qu'on ne danse pas sur n'importe quel morceau comme en boîte de nuit. C'est très spécifique. C’est très difficile à l'heure actuelle de faire entendre ce message car les gens viennent de loin.

Les primo-arrivants ? 

Il faut essayer de connaître quelqu'un de Dunkerque qui participe au carnaval. Et qui l'initie. Connaître les chansons savoir ce qu'est un chahut. Quand les fifres jouent on marche, on ne pousse pas. Quand quelqu'un tombe par terre on le ramasse. Si on ne connaît pas ces règles, on peut venir mais on reste sur le côté. On ne se jette pas dans la bande sans savoir.

Les émotions ? 

C'est la demi-heure ou les 45 minutes du départ. Quand on part en fait. Je suis dans un autre monde. J'ai 90 musiciens devant moi et tous les carnavaleux, et il me faut un peu de temps pour me déstresser que tout aille bien. Et ma cantinière, Véronique [l'épouse de Cacaille] est là pour ça ! Véro elle a son petit tonneau pour nous réchauffer [rires].

Le costume du tambour-major ?

En fait, il y a peu d'écrits sur cela. Je suis le 10e tambour-major depuis 1850 et dans les années précédentes c'était pour se payer la tête des soldats de l'Empire.

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Témoignage de ¨Pascal Bonne, tambour major de la bande de Dunkerque ©Emmanuel Pall/ FTV

Pascal Bonne et Cô Boont'che

De caractère, je suis quand même sympathique sociable et généreux [rires] mais en tant que tambour-major je ne rigole pas avec la tradition. Je profite lors du carnaval, je reste moi-même, mais il me faut 45 minutes avant. Chaque tambour-major a la pression avant, mais je préfère ça, à celui qui arrive et qui dit : 'c'est moi que voilà', 'c'est moi qui dirige la bande' etc. Si je me dis souvent : tambour-major est une consécration (j'étais musicien et je n'avais jamais été carnavaleux de ma vie. Mais depuis quelques années je revêts un costume et je fais le carnaval) ; je ne veux pas qu'on voie le tambour-major comme une star, quelqu'un d'inaccessible [...] Je n'aime pas me dévoiler. Même dans mon entourage, j'aime bien 'tu me laisses tranquille, je te laisse tranquille'. Les choses intérieures je les garde. J'ai toujours été hyper-stressé. J'ai plein de projets, je sais les monter mais faut toujours que je stresse, même pour rien [rires]. En famille, je suis plus joyeux. Au carnaval, je me lâche aussi mais, au bout de 45 minutes ! 

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