Le sidérurgiste ArcelorMIttal va retarder son projet de production d'acier décarbonné à Dunkerque. Une situation qui inquiète la CGT face aux obligations imposées par la COP21. La survie du site de production nordiste serait en jeu.
C'est une annonce que les syndicats de l'usine ArcelorMittal de Dunkerque ont appris dans la presse. Le géant de la sidérurgie a annoncé retarder son projet de production d'acier décarboné, depuis les dents des responsables de la CGT grincent.
Contacté par l'AFP, le ministre délégué chargé de l'Industrie Marc Ferracci, confirme. "La sidérurgie européenne est actuellement en crise, avec un niveau de demande et de prix de l'acier atteignant un bas historique. Ce contexte explique la décision d'ArcelorMittal de reporter son investissement dans la décarbonation du site de Dunkerque, qui ne tourne actuellement pas à pleine capacité."
Produire de l'acier décarboné, un projet à 1,8 milliard d'euros
"On est le plus gros pollueur de France", relate Gaëtan Lecocq secrétaire général de la CGT à Arcelor Dunkerque. Pour réduire cette empreinte carbone, ArcelorMittal a planifié la construction de deux fours électriques et d'une unité de réduction directe du fer à Dunkerque, une première étape dans la production d'acier décarboné.
On est le plus gros pollueur de France.
Gaëtan LecocqSecrétaire général de la CGT ArcelorMittal Dunkerque
Pour ce faire, le projet du géant a été chiffré à 1,8 milliard d'euros, comprenant une aide de l'État pouvant aller jusqu'à 850 millions d'euros.
Vers la fermeture d'ArcelorMittal Dunkerque ?
Mais cet investissement va prendre du retard. Un retard tel qu'il menace la survie de l'usine selon le syndicaliste. "Depuis la COP21, on s'est engagé à décarboner notre site d'un tiers d'ici 2030", explique Gaëtan Lecocq. Mais avec ce retard, "si les travaux ne commencent pas en 2025, le site est mort."
Le scénario le plus pessimiste, qu'on redoute, c'est la fermeture de l'usine.
Gaëtan LecocqSecrétaire général de la CGT ArcelorMittal Dunkerque
Ce "scénario noir", comme il le décrit, pourrait avoir un "effet domino" sur toute la filière sidérurgie en France. "Dans le meilleur des cas, Arcelor supprime toute la filière fonte, qui représente la moitié de l'usine (...). Le scénario le plus pessimiste, qu'on redoute, c'est la fermeture de l'usine. (...) Arcelor Mittal Dunkerque alimente plusieurs sites en France. Si nous tombons, les autres sites vont tomber avec nous."
Rejoint par ses confrères et consœurs de la CFDT dans le combat, la CGT d'Arcelor Dunkerque explique multiplier "les rencontres avec les députés nationaux, les députés européens", ils ont même rencontré Xavier Bertrand. "On pousse les portes, on n'a rien à perdre" estime Gaëtan Lecocq.
Parce que le fond du problème, réside dans la concurrence sur le marché européen. "Ce qu'on produit à Dunkerque, c'est une goutte d'eau par rapport à la production en Chine. L'acier arrive en Europe à prix cassé, il est plus compétitif. Il faut que l'Europe bouge !"
Denain puis Dunkerque... "on ne va pas se laisser faire"
Les jours s'enchaînent et le tableau s'assombrit pour les salariés d'ArcelorMittal dans le Nord. Il y a quelques jours, c'est également le site de production de Denain qui annonçait sa possible fermeture. Gaëtan Lecocq dénonce face à cela, une absence de dialogue avec la direction.
"Apprendre ça juste avant les fêtes de Noël, ce n'est pas agréable pour les salariés, ils ne sont pas bien. Le niveau du dialogue social d'ArcelorMittal France est pitoyable. Les copains de Denain ont déjà subi la grosse fermeture dans les années 70 qui a sinistré le bassin", fustige le syndicaliste.
De son côté, ArcelorMittal se défend : "Les décisions finales d'investissement n'ont pas encore été prises. Le marché dans lequel nous opérons est difficile, et les nombreuses incertitudes politiques et réglementaires impactent fortement notre industrie : nous avons besoin d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières efficace, ainsi que de mesures de défense commerciale plus robustes, pour lutter contre la concurrence extra-européenne déloyale afin de préserver la compétitivité de notre production d’acier."
Ce projet d'acier décarboné, coûteux, va "façonner l'avenir de notre groupe pour les décennies à venir", conclut ArcelorMittal France. "Il est donc important que nous veillions à prendre les bonnes décisions pour notre avenir."
Avec AFP