L'association d'aide aux migrants affirme que des exilés ont été victimes de violences policières dans la nuit du 7 au 8 février 2023 sur une plage de Gravelines (Nord). Utopia 56 a saisi l'IGPN et la Défenseure des droits.
Cette nuit-là sur le littoral dunkerquois, il faisait froid. Une nuit de février durant laquelle les températures oscillaient autour de -4 degrés. Comme quasi-quotidiennement, de nombreux exilés ont embarqué sur des bateaux de fortune, dans l’espoir de rejoindre les côtes anglaises.
Dans la nuit du mardi 7 au mercredi 8 février 2023, un groupe de 17 personnes composé d’hommes de différentes nationalités et de deux mineurs âgés de 15 ans était en train de grimper sur un canot pneumatique sur une plage de Gravelines lorsque des policiers se sont interposés.
La suite est racontée par Amélie Moyart, coordinatrice de l’association d’aide aux exilés Utopia 56. "Notre équipe s’est faite appeler à 1h30 du matin par les services de secours, c’est de plus en plus récurrent. Quand on est arrivé sur place, il y avait dix agents des forces de l’ordre et des pompiers face à dix personnes choquées, frigorifiées, qui réagissaient à peine quand on leur parlait. Les sept autres avaient été emmenées à l’hôpital". La zone était très marécageuse, poursuit-elle. "Les personnes avaient de la boue sur les jambes et leurs vêtements avaient durcis. Nous avons dû les aider pour se changer".
L’association dénonce des violences policières
Quelques minutes plus tard, les policiers et les secours ont quitté les lieux. C’est après leur départ que les exilés ont raconté aux bénévoles de l'association ce qu’ils venaient de vivre. "Ils ont commencé leur récit en nous disant que les policiers ont voulu les tuer. Une personne nous a raconté avoir pris un coup de matraque sur la tête. Le mineur de 15 ans nous a expliqué qu’il était sur le bateau lorsque la police est arrivée et qu’il a été visé par des palets de gaz lacrymogène envoyés vers le moteur de l'embarcation. Il y avait des étincelles et les personnes à bord ont eu peur que le bateau prenne feu".
Ils ont commencé leur récit en nous disant que les policiers ont voulu les tuer.
Amélie Moyart, coordinatrice de l'association Utopia 56 Grande-Synthe
Des violences policières, assure Amélie Moyart. Selon les différents témoignages recueillis par Utopia 56, l’usage de gaz lacrymogène et les violences physiques envers les exilés deviennent "de plus en plus récurrents, la nuit notamment".
"À l’hôpital, la scène était complètement dingue"
Quelques heures plus tard, l’association a de nouveau été appelée par la deuxième partie du groupe qui se trouvait à l’hôpital. Il était 4h50. "Les sept personnes étaient dans la salle d’attente de l’hôpital, toujours frigorifiées. Les premiers soins avaient été effectués mais les personnes allaient être mises dehors", se souvient précisément la coordinatrice d’Utopia 56 à Grande-Synthe.
Lorsque les bénévoles de l’association sont arrivés, ils sont tombés sur une "scène complètement dingue", selon les mots d’Amélie Moyart. "Des personnes dormaient sous des couvertures de survie, notamment un homme recroquevillé sur lui-même. Quand les équipes ont essayé de le réveiller, il ne bougeait pas. Il a fallu attendre plusieurs minutes avant qu’il n’émerge". Après leur avoir fourni des habits secs, les exilés ont été invités à quitter l’hôpital.
On a saisi cette fois ci l’IGPN parce qu’il y a eu un ensemble de choses concentrées sur une seule nuit et sur un seul groupe.
Amélie Moyart, coordinatrice de l'association Utopia 56 Grande-Synthe
Deux interventions éprouvantes en quelques heures qui ont poussé l’association Utopia 56 à saisir la police des polices et la Défenseure des droits.
"On a saisi cette fois ci l’IGPN parce qu’il y a eu un ensemble de choses concentrées sur une seule nuit et sur un seul groupe, résume Amélie Moyart. On l’a fait en expliquant qu’on réalisait ce signalement au nom de personnes qui ne pouvaient pas témoigner à cause de leur situation".
Utopia 56 espère qu’une enquête sera ouverte. Mercredi 8 février 2023, 204 migrants ont réussi à rejoindre les côtes anglaises sur des embarcations de fortune.