Hocine Hamoudi est accusé d'avoir violé puis d'avoir volontairement donné la mort à sa compagne le 1er mai 2015. Sandra Helleputte "a été démolie, fracassée, jusqu'à ce que mort s'ensuive", témoigne l'avocate de la famille de la victime. Le procès s'ouvre ce mardi 14 mars devant les assises du Nord.
En 2015, avant le mouvement #MeToo, les bracelets anti-rapprochement et les téléphones grave danger n’existaient pas. Malgré deux plaintes déposées – dont une retirée par la victime un mois plus tard – et plusieurs signalements, Sandra Helleputte a été battue à mort par son compagnon le 1er mai 2015, il y a quasiment huit années.
Huit années d’attente pour ses enfants, sa famille, avant qu’Hocine Hamoudi ne comparaisse devant la cour d’assises du Nord. Le procès s’ouvre ce mardi 14 mars 2023 et va durer quatre jours. Aujourd’hui âgé de 35 ans, l’accusé est renvoyé pour avoir violé puis volontairement donné la mort à sa compagne Sandra Helleputte à Hazebrouck, dans le Nord. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Un féminicide d’une rare violence, qui témoigne du déchaînement difficilement descriptible subi par la quadragénaire. Un féminicide qui révèle également les dysfonctionnements dans le suivi du couple.
Lésions, fractures et traumatisme crânien
Le 1er mai 2015 vers 19 heures, l’aîné des quatre enfants de Sandra Helleputte se rue à la caserne de pompiers d’Hazebrouck (Nord). Quelques minutes plus tôt, le jeune homme âgé de 20 ans a découvert le corps de sa mère inanimé, à son domicile de la rue d’Aire.
La quadragénaire a été "massacrée" par son compagnon, témoigne Blandine Lejeune, avocate de la famille de la quadragénaire. Lorsque les secours arrivent sur place, il est déjà trop tard. Sandra Helleputte est allongée à moitié nue dans une mare de sang.
L’appartement a été retourné : des pieds de chaises sont arrachés, de la vaisselle est brisée. "Elle a été battue comme plâtre toute la journée, elle présentait une multitude de fractures, de coups, avait les cheveux arrachés". Au total, le médecin légiste dénombre 143 lésions sur tout le corps de la victime, plus d’une vingtaine de fractures, un traumatisme crânien, des incisions profondes au couteau ou aux ciseaux et des lésions génitales "évocatrices de violences sexuelles", précise le rapport d’autopsie.
Hocine Hamoudi, alors âgé de 28 ans, est interpellé le lendemain des faits à Roubaix. Le compagnon de Sandra, rencontré quatre ans avant les faits, reconnaîtra lors de l’instruction l’avoir frappée car elle le menaçait avec un couteau, sans toutefois avoir voulu la tuer. Son casier comporte 14 condamnations pour divers délits. Au moins deux compagnes ont déposé plainte pour violences en 2009 et 2013. Contactés, ses avocats n’ont pas souhaité s’exprimer avant l’ouverture du procès.
De nombreuses alertes, en vain
Avant le drame, l’entourage de la victime avait déjà assisté aux explosions de colère d’Hocine Hamoudi. Sandra Helleputte apparaissait régulièrement avec des coquards. Elle coupait ses cheveux court pour éviter qu’il lui tire.
En juin 2014, elle avait déposé plainte après avoir reçu des coups de poings et de tournevis. "Sandra avait alors été hospitalisée et avait reçu 4 jours d’ITT, raconte Blandine Lejeune, mais lui ne sera pas entendu".
L’avocate détaille l’emprise dans laquelle Sandra Helleputte était plongée. "À chaque fois qu’elle déposait plainte contre lui, elle en prenait de plus belle. Quelques semaines plus tard, elle est retournée au commissariat pour retirer sa plainte en expliquant que ce n’est pas Hocine Hamoudi qui l’avait frappée. Sans comparution ni contrôle judiciaire et sans donner plus de précisions, le parquet va classer la plainte sans suite".
Entre janvier et avril 2015, les policiers sont intervenus à trois reprises au domicile de Sandra Helleputte. Le 13 avril, soit quinze jours à peine avant le drame, la mère de famille va de nouveau déposer plainte. "Elle voulait le quitter, il a défoncé la fenêtre de la cuisine à l’aide d’un vélo et elle a reçu des débris de verre, précise Blandine Lejeune. Elle a brandi un couteau en lui disant : « si tu rentres, je te tue »".
Lorsqu’Hocine Hamoudi est parti, Sandra Helleputte s’est rendue au commissariat, couverte de sang. "Le policier lui a lancé: « est-ce que vous vous rendez compte que brandir un couteau, c’est une menace avec arme ? » Elle lui a répondu qu’elle n’avait pas d’autre moyen de se défendre, poursuit Blandine Lejeune. Elle s’est pris un rappel à la loi pour menace avec arme. Lui a été convoqué à une audience en juin 2015, sans aucun contrôle jusque là".
Mais il est trop tard. Hocine Hamoudi donnera la mort à sa compagne quinze jours plus tard.
Hocine Hamoudi remis en liberté six mois après le crime
Placé en détention provisoire dans la foulée du crime le 4 mai 2015, Hocine Hamoudi est remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire à peine six mois plus tard malgré sa mise en examen pour meurtre aggravé. Franck Berton, son avocat de l’époque, a soulevé un vice de procédure dans le dossier.
Se donne-t-on vraiment les moyens ? Quand on regarde les chiffres et tous les féminicides qui arrivent encore, on n’est pas encore au niveau de l’Espagne où le nombre de féminicides a réellement baissé.
Blandine Lejeune, avocate de la famille de Sandra Helleputte
En juin 2018, le jeune homme est condamné à trois ans d’emprisonnement pour avoir prostitué et agressé une femme, puis est de nouveau condamné 18 mois plus tard pour avoir ébouillanté son codétenu. Mais le 3 avril 2020, Hocine Hamoudi est remis en liberté conditionnelle pour raison sanitaire alors que la France est confinée et traverse la première vague de Covid-19.
À peine sorti de prison, il s’en prend de nouveau à une femme habitant Ronchin qu’il avait déjà importunée et écope d’un rappel à l’ordre. En septembre 2021, Hocine Hamoudi retourne derrière les barreaux car il est visé par une nouvelle procédure pour viol et violences sur une nouvelle compagne.