Rarement interrogés, les jeunes ont peu d'occasions de s'exprimer. À Harnes (Pas-de-Calais), un éducateur spécialisé leur a concocté un atelier d'écriture, afin de mettre des mots sur des maux. À la clé, un passage en studio qui leur permettra d'enregistrer un rap. Une découverte et de la satisfaction pour ces collégiens.
L'environnement est impressionnant pour ce groupe d'une dizaine d'adolescents âgés de douze à quinze ans. À peine la porte d'entrée franchie, la découverte est totale. Micro, amplificateur, table de mixage, casque. Le temps d'une journée, l'aventure commence. Ils vont poser leurs mots sur un son, dans les studios du Métaphone à Oignies, avec une équipe professionnelle.
Le sourire aux lèvres, Yanis, légèrement intimidé, trouve cela "bizarre". Le jeune garçon avoue n'être "jamais allé dans un truc comme ça. C'est impressionnant, il y a beaucoup de choses."
Ferdinand, un rappeur slameur de la compagnie l'Embardée, les entoure en leur prodiguant des conseils : comment placer la voix, reprendre son souffle et garder le tempo. Mais au-delà de la technique, l'objectif premier est de leur permettre d'exprimer ce qu'ils ressentent.
"Les jeunes ne sont pas écoutés"
Cette journée en studio est la conclusion de plusieurs mois de travail commencés en début d'année par l'association Avenir des cités. Un projet d'expression composé de trois ateliers. Nordine Lagragui, éducateur spécialisé à Harnes, dresse un constat suite aux émeutes de l’été dernier : les jeunes ne sont pas écoutés, ce sont majoritairement des adultes qui sont interrogés dans les reportages.
Quand les jeunes s'expriment, c'est par le biais des réseaux sociaux. Dans la vraie vie, c'est différent. Lorsque l'on s'exprime, il faut le faire correctement.
Noredine LagraguiÉducateur spécialisé
Avec l'aide d'une autre éducatrice spécialisée, Myriam Derrouiche, il décide d'offrir la parole à ces jeunes adolescents de 12 à 15 ans. "Quand les jeunes s'expriment, c'est soit par le biais des réseaux sociaux soit dans un univers un peu irréel. Dans la vraie vie, c'est différent. Lorsque l'on s'exprime, il faut le faire correctement. S'exprimer avec des codes, des règles, des lois. Nous leur avons expliqué qu'il y a des choses que l'on ne peut pas dire, ou ils peuvent les dire mais sous différentes formes, d'où notre présence en tant qu'éducateurs."
Un clip vidéo en préparation
Ces textes enregistrés reflètent le ressenti de ces jeunes :"Je me sens un peu comme si j'étais un rappeur, sourit avant tout Imran. Je trouve ça incroyable de faire comme mes idoles du rap."
Tous souhaitent continuer le projet ! Ils ont hâte de participer au clip vidéo qui sera tourné par l'association une fois l'enregistrement du jour mixé. "À la fin de la journée certains continuaient de s'exprimer en faisant des rimes, s'enthousiasme Noredine Lagragui. La confiance s'est renforcée. Quand ils auront besoin d'aide ou de parler, ils pourront venir nous voir sans peur d'être jugé".