5 questions sur l’état de l’eau dans les Hauts-de-France, une ressource précieuse mais menacée

Peut-on boire l’eau du robinet sans risque ? Quel est l’état des nappes phréatiques ? Y a-t-il assez de précipitations dans la région ? Quel impact du réchauffement climatique sur l’état de l’eau dans les Hauts-de-France à long terme ?

L’eau est un bien précieux qui satisfait des besoins essentiels de l’être humain mais contribue également au développement durable d’autres enjeux comme l’agriculture, l’industrie ou encore l’énergie. Tandis que sur notre planète, 1 milliard d’habitants n’a toujours pas accès à l’eau potable entrainant des conflits et des "guerres de l’eau", cette ressource est disponible en quantité plus que suffisante en France et dans notre région. Mais sa qualité se dégrade : dans les Hauts-de-France, la teneur en nitrate dans l’eau que nous buvons a doublé en 40 ans.

Autre élément : le niveau des nappes phréatiques baisse à mesure que la planète se réchauffe. En témoigne les épisodes de sécheresse qui ont frappé la France cet été et n’ont pas épargné notre région, dont certains départements sont toujours soumis à des restrictions d’utilisation de l’eau. Parallèlement, les catastrophes naturelles et la montée des eaux menacent les villes côtières. Sur le littoral des Hauts-de-France, étendu sur 270 kilomètres, le recul du trait de côte est aujourd’hui une réalité.

Gérer la qualité et la quantité de l’eau est devenu une priorité pour l’État et les collectivités. Or, depuis la création de la région Hauts-de-France en 2016, aucun document exhaustif et officiel ne permet de présenter l’état de l’eau à l’échelle de nos 5 départements. Ce mardi 8 novembre, le CESER - conseil économique, social et environnemental des Hauts-de-France – organise un colloque réunissant tous les acteurs concernés pour mettre en place une "grande politique de l’eau en Hauts-de-France". Pour comprendre les enjeux de demain, voici un état des lieux non-exhaustif de l’eau dans les Hauts-de-France.

1 L’eau est-elle potable partout dans les Hauts-de-France ?

Premier constat alarmant : en 2021, 65% des habitants des Hauts-de-France ont reçu au robinet, "régulièrement ou épisodiquement", une eau non conforme aux critères de qualité en raison de la présence de molécules de produits phytosanitaire. A l’échelle nationale, ce pourcentage atteint 20%.

Autrement dit, plus de 6 habitants de la région sur 10 ont bu au moins une fois dans l’année de l’eau du robinet qui contenait des pesticides. 105 communes sont ainsi passées en surveillance renforcée dans les Hauts-de-France.

Concernant la teneur en nitrates dans l’eau, la situation se détériore également. Celle-ci a doublé en 40 ans dans la région. Le seuil de potabilité est fixé 50 mg/l. Or, selon les données avancées par le CESER, "plus de 100 000 habitants des Hauts-de-France dont 72 300 du Pas-de-Calais ont eu une eau avec une teneur en nitrates supérieure à 50 mg/l au moins une fois dans l’année provoquant une restriction d’usage".

Au-delà de la dégradation générale, le taux de fuite d’eau potable dans la région s’élève à 20%. En cause, les canalisations dans les Hauts-de-France sont en très mauvais état : alors qu’elles sont conçues pour durer 70 ans, ces installations sont renouvelées en moyenne tous les 160 ans dans notre région.  

2 Quel est l’état des nappes phréatiques dans la région ?

Depuis le début de l’été, la France connait un épisode de sécheresse intense, selon les mots du ministère de la transition écologique. Au 1er novembre, les 5 départements des Hauts-de-France sont toujours concernés par une restriction de l’usage de l’eau : alors que le Pas-de-Calais, la Somme et l’Aisne sont en alerte renforcée, des limitations plus strictes sont appliquées dans le Nord et dans l’Oise, en crise.

Illustration, s’il en fallait une, que les effets du réchauffement climatique ont pour conséquence un allongement des périodes de sécheresse et une diminution des périodes de pluie. Un phénomène qui ne date pas d’hier. Dans la région, depuis plusieurs années, "les pluies automnales abondantes survenues après des étés de sécheresse n’ont pas suffi à recharger totalement les nappes qui accusent un déficit pluviométrique cumulé en augmentation", indique le rapport du CESER.

Car ces pluies, de plus en plus orageuses, peinent à s’infiltrer correctement dans les sols. Conséquence : les stocks contenus dans les nappes phréatiques ne se renouvellent plus assez rapidement. Selon les dernières données publiées par l’Office Français de la Biodiversité le 1er octobre 2022, le niveau des nappes, modérément bas, est en baisse dans les Hauts-de-France.

3 Avec la montée des eaux, quels risques engendrés pour les 400 000 habitants des "wateringues" ?

Les wateringues correspondent à un système de canaux, fossés drainants, ouvrages d’évacuation et systèmes de pompage qui évacuent l’eau douce vers la mer à marée basse et l’empêche d’envahir le polder, une étendue artificielle de terre gagnée sur l’eau dont le niveau est inférieur à celui de la mer.

Dans les Hauts-de-France, plus de 400 000 personnes vivent dans ce territoire, ainsi qu’une vingtaine de sites Seveso dont la centrale nucléaire de Gravelines. "Face aux effets du dérèglement climatique présents et à venir, ce territoire côtier doit faire face à plusieurs risques concomitants : les submersions marines en cas de grandes marées de vives eaux, l’élévation du niveau de la mer avec l’érosion probable du trait de côte, et les éventuelles inondations continentales lorsqu’il est impossible d’évacuer les eaux douces vers la mer du Nord", indique le rapport du CESER.

4 Quel impact le réchauffement climatique va-t-il avoir sur l’état de l’eau dans les Hauts-de-France ?

Dans le rapport, le CESER a également réalisé des projections pour mesurer l’impact du dérèglement climatique à l’horizon 2070 sur la ressource eau dans les Hauts-de-France. 

"L’élévation de la température de l’air va entraîner une augmentation de l’évaporation des eaux de surface et de l’évapotranspiration des plantes. Conjuguée avec les incertitudes quant à l’évolution de la pluviométrie, cela va entrainer une diminution du débit des rivières et de l’alimentation des masses d’eau souterraines", indique le CESER.

Et le constat est sans appel. À l’horizon 2070, les prédictions tablent sur :

  • une réduction des débits moyens annuels des rivières de l’ordre de -25 à -40% et de -10 à -60% pour les débits d’étiage,
  • une diminution de la recharge annuelle des masses d’eau souterraines comprise en -6 et -46%. Cette diminution de la recharge des nappes entraînera une diminution de la ressource disponible et renouvelable
  • une augmentation de la température de l’eau, moins élevée que celle de l’air, de l’ordre de 1,6°C. Cela aura pour effet de modifier certains processus physico-chimiques ou biologiques dans les milieux aquatiques.

5 Quelles pistes de réflexion pour préserver cette ressource ?

Au regard de ces données, il y a urgence à s’occuper de l’eau et de son réseau. Le conseil économique, social et environnemental des Hauts-de-France espère créer une agence régionale de l’eau pour mettre tous les acteurs autour de la table : État, départements, région, communes mais aussi sociétés privées, régies.

Six enjeux ont été définis :

  • maitriser la quantité, la qualité et la disponibilité durable de l’eau,
  • investir dans des infrastructures vertes et bleues,
  • combler le déficit d’information et des acteurs du territoire,
  • veiller à la cohérence des politiques,
  • inciter à un usage efficient de l’eau,
  • adapter la gestion à la situation territoriale

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