Comment la poupée du "P"tit quinquin" (du XIXème siècle !) a été retrouvée (presque) par hasard

Une histoire étonnante, émouvante et passionnante pour tous ceux qui aiment le patrimoine régional. 

C'est une poupée qui dormait, seule, depuis des dizaines d'années. Personne ne s'en occupait. Personne ne savait qui elle était. Il y a quelques jours, elle est sortie de sa boîte et est désormais destinée à une vie publique. Son nom ? "P'tit quinquin". C'est en tout cas ce qui est écrit en petit juste à côté d'elle. 

Oui, c'est bien une poupée en rapport direct avec la célèbre chanson populaire, la "Marseillaise du Nord' : "Dors, min p'tit quinquin, min p'tit pouchin, min gros rojin..." Voici son histoire (révélée en premier par france Bleu Nord) en 5 actes. 
 

1. Alexandre Desrousseaux chante pour la 1ère fois "Le p'tit quinquin" en 1853


Le poète lillois Alexandre Desrousseaux (1820-1892) a 33 ans et vit avec sa mère dans le quartier populaire Saint-Sauveur à Lille quand il écrit "Le p'tit quinquin" (Le titre original de la chanson est "L'canchon Dormoire" (La chanson pour dormir)).

C'est en observant une dentellière endormir son enfant qu'il a eu l'idée d'écrire cette berceuse. Elle est chantée pour la première fois dans un estaminet de la rue de Gand, dans le Vieux-Lille) le 13 novembre 1853. 
 

Patrice Desdoit, Lillois passionné d'histoire locale, a découvert récemment dans un journal de l'époque que Desrousseaux avait chanté cette chanson avec une poupée sur les genoux. Le détail l'intrigue. Il se met à faire des recherches. 
 

2. La poupée apparait sur des images filmées à l'Elysée en 1953


Au cours de ses investigations, Patrice Desdoit tombe il y a quelques jours sur une vidéo Youtube mise en ligne par France 3 Hauts-de-France. On y voit quelques images d'une fête au Palais de l'Elysée. Le président de l'époque Vincent Auriol reçoit le fils d'Alexandre Desrousseaux et Line Renaud. Pour fêter les 100 ans du P'tit quinquin. On y aperçoit la fameuse poupée. 
 

Patrice Desdoit se pose alors une question toute simple : "Si cette poupée existe en 1953, où était-elle ensuite ?"
 
 

3. La poupée a été donnée ou vendue à un musée lillois


Suite des recherches de notre passionné d'histoire. Il découvre que la poupée a été léguée, donnée ou vendue à un musée d'histoire folkorique lillois en 1973. Ce musée est une sorte d'ancêtre du musée de l'Hospice Comtesse. "J'ai contacté le responsable de collection. Je lui ai fait part de mes découvertes. Il m'a dit qu'il allait regarder s'il n'y avait pas dans les réserves une poupée correspondant à ma description."
 

4. La poupée est à l'Hospice Comtesse !


Deux jours après, Vincent Laden, de l'Hospice Comtesse, le rappelle : il a retrouvé la poupée dans les réserves du musée ! Elle est relativement en bon état. 70 cm. Visage en porcelaine, corps en tissu.  

"C'est une sacrée découverte, s'enthousiasme Patrice Desdoit. Quand on est passionné de Lille et du Nord, ça fait quelque chose".
 
 

Personne ne savait qu'il s'agissait de la poupée qu'Alexandre Desrousseaux avait dans ses bras au moment de la création de sa chanson. Elle n'a jamais été exposée. Plus de 170 ans après, le fil de l'histoire est reconstitué...

 

5. Et maintenant ? 


Cette poupée a une valeur historique importante. Symbolique. Emotionnelle. "Il est évident que cette poupée ne va pas rester dans les réserves...", se dit le Lillois à l'origine de cette belle découverte.


"On va faire quelque chose, confirme Vincent Laden, responsable de collection au Musée de l'Hospice Comtesse. Ça suscite tellement d'émoi et d'appels qu'on va réfléchir dès demain. Peut-être qu'on va l'exposer rapidement. Ou peut-être qu'on va attendre le bicentenaire de la naissance de Desrousseaux." 
 
Restent des questions : pourquoi cette poupée était ainsi dans les réserves ? Pourquoi à cet endroit ? Pourquoi de manière aussi anonyme ? Et la famille Desrousseaux, les decsendants, qu'en savent-ils ? "Je vais continuer mes recherches...", annonce déjà Patrice Desdoit. 


 
Au fait, vous connaissez les paroles de "Dors m'in p'tit quinquin" ?
"Dors, min p'tit quinquin
Min p'tit pouchin
Min gros rojin !
Te m'feras du chagrin
Si te n'dors point j'qu'à d'main."
Ainsi l'aut' jour eun' pauvr' dintellière
In amiclotant sin p'tit garchon
Qui, d'puis tros quarts d'heure, n'faijot que d' braire
Tâchot l'indormir par eun' canchon.
Ell' li dijot : "Min Narcisse
D'main t'aras du pain d'épice,
Du chuc à gogo
Si t'es sache et qu' te fais dodo.
Et si te m'laich' faire eun' bonn' semaine
J'irai dégager tin biau sarrau
Tin patalon d'drap, tin giliet d'laine,
Comme un p'tit milord, te s'ras faraud !
J' t'acat'rai, l'jour d'la ducasse
Un porichinell' cocasse
Un turlututu
Pour juer l'air du Capiau-pointu
Nous irons dins l'cour Jeannette-à-Vaques,
Vir les marionnettes comme te riras
Quind t'intindras dire un doup' pou Jacques !
Par l'porichinelle qui parle magas
Te li mettras dins s'menotte,
Au lieu d'doupe un rond d'carrotte
Il t'dira merci
Pins' comme nous arons du plaisi !
Et si par hazard sin maîte eus'fâche,
Ch'est alors Narciss' que nous rirons
Sans n'avoir invie, j'prindrai m'n'air mache,
J'li dirai sin nom et ses surnoms
J'li dirai des fariboles,
I m'in répondra des drôles
Infin, unchacun
Verra deux spectac' au lieu d'un
Alors serr' tes yeux, dors min bonhomme,
J'vas dire eun'prière à p'tit Jésus,
Pou qu'i vienne ichi, pindint tin somme,
T'faire rêver qu'j'ai les mains plein's d'écus,
Pou qu'i t'apporte eune coquille,
Avec du chirop qui guille
Tout l'long d'tin minton
Te pourlèqu'ras tros heur's du long
L'mos qui vient, d'Saint-Nicolas ch'est l'fête,
Pour sûr au soir i viendra t'trouver
I t'f'ra un sermon et t'laich'ra mette,
In-d'sous du ballot un grand painier
I l'rimplira si t'es sach',
D'sait-quoi qui t'rindront bénache
Sans cha sin baudet
T'invoira un grand martinet
Ni les marionnettes, ni l'pain d'épice,
N'ont produit d'effet ; mais l'martinet
A vite rappajé eul'p'tit Narcisse,
Qui craignot d'vir arriver l'baudet
Il a dit s'canchon-dormoire,
S'mère l'a mis dins s'n'ochennoire
A r'pris sin coussin,
Et répété vingt fos ch'refrain


La traduction en français

Ainsi l'autre jour une pauvre dentellière,
En berçant son petit garçon,
Qui depuis trois quarts d'heures ne faisait que pleurer,
Tâchait de l'endormir avec une chanson,
Elle lui disait "min narcisse,
Demain tu auras du pain d'épice,
Des bonbons à gogo, si tu es sage et si tu fais dodo."
Dors mon p'tit Quinquin, mon p'tit poussin, mon gros raisin
Tu me feras du chagrin, si tu ne dors point jusqu'à demain
Et si tu me laisses faire une bonne semaine,
J’irai chercher ton beau sarrau
Ton pantalon de drap, ton gilet de laine,
Comme un petit Milord tu seras faraud !
Je t’achèterai, le jour de la ducasse,
Un polichinelle cocasse
Un turlututu, pour jouer l’air du chapeau pointu
Dors mon p'tit Quinquin, mon p'tit poussin, mon gros raisin
Tu me feras du chagrin, si tu ne dors point jusqu'à demain
Nous irons dans la cour, Jeannette-aux-Vaches,
Voir les marionnettes comme tu riras
Quand tu entendras dire un sou pour Jacques,
Par le polichinelle qui parle mal
Tu lui mettras dans sa main,
Au lieu d'un sou un rond de carrotte
Il te dira merci, parce comme nous, il prendra du plaisir !
Dors mon p'tit Quinquin, mon p'tit poussin, mon gros raisin
Tu me feras du chagrin, si tu ne dors point jusqu'à demain
Et si par hasard son maître se fâche,
C’est alors Narcisse que nous rirons
Sans n’avoir envie, je prendrai mon air méchant,
Je lui dirai son nom et ses surnoms
Je lui dirai des fariboles,
Il m’en répondra des drôles
Enfin, chacun verra deux spectacles au lieu d’un
Dors mon p'tit Quinquin, mon p'tit poussin, mon gros raisin
Tu me feras du chagrin, si tu ne dors point jusqu'à demain
Alors serre tes yeux, dors mon bonhomme,
Je vais dire une prière au petit Jésus,
Pour qu’il vienne ici, pendant ton somme,
Te faire rêver que j'ai les mains pleines d'écus,
Pour qu'il t'apporte une brioche,
Avec du sirop qui coule
Tout le long de ton menton, tu te pourlécheras trois heures du long
Dors mon p'tit Quinquin, mon p'tit poussin, mon gros raisin
Tu me feras du chagrin, si tu ne dors point jusqu'à demain
Le mois qui vient, c'est la fête de St Nicolas,
C'est sûr au soir il viendra te trouver
Il te fera un sermon et te laissera mettre,
En-dessous du ballot un grand panier
Il le remplira si tu es sage,
De choses qui te rendront heureux
Sinon son baudet t’enverra un grand martinet
Dors mon p'tit Quinquin, mon p'tit poussin, mon gros raisin
Tu me feras du chagrin, si tu ne dors point jusqu'à demain
Ni les marionnettes, ni le pain d’épice,
N’ont produit d’effet ; mais le martinet
A vite calmé le petit Narcisse,
Qui craignait de voir arriver le baudet
Il a dit sa berceuse,
Sa mère l’a mis dans son berceau
A repris son coussin, et répété vingt fois le refrain
Dors mon p'tit Quinquin, mon p'tit poussin, mon gros raisin
Tu me feras du chagrin, si tu ne dors point jusqu'à demain"
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