L'Opéra de Lille a présenté dimanche un projet baptisé "Finoreille". Objectif : rappocher les enfants du chant lyrique.
Les épaules relevées, Sofia, 9 ans, prend son inspiration et entonne la première note : comme elle, 300 enfants des Hauts-de-France issus de milieux "éloignés de la musique" ont chanté à l'opéra de Lille, un projet artistique unique en France visant à attirer de nouveaux publics.
"C'est difficile car il y a beaucoup de chansons et on doit toutes les connaitre par coeur", concède-t-elle, tout en confiant son "impatience" après des mois de répétitions hebdomadaires aux côtés d'une cheffe de coeur. Né en 2015 et financé notamment par le ministère de la Culture et plusieurs fondations, le projet "Finoreille" propose 18 ateliers gratuits répartis sur l'ensemble de la région. Le public : des enfants de 8 à 12 ans issus de quartiers ou communes "éloignés de la musique pour des raisons sociales, culturelles ou géographiques".
"Le but est de mélanger ces enfants de différents quartiers et origines autour d'un projet artistique fort, d'ouvrir la musique, l'opéra à un public qui n'en
a pas l'habitude", explique Brigitte Rose, responsable pédagogique et artistique de "Finoreille". Chaque semaine, elle guide les élèves en battant la mesure, avec son regard expressif et ses conseils avisés.
"Ça m'a donné envie d'aller à l'opéra, alors mon père m'a emmenée voir La Flûte enchantée", confie Sofia, en CE2 à l'école Littré dans le sud de Lille.
"Ce qui me plaît le plus, c'est de pouvoir s'exprimer comme on veut", même si "chanter devant plein de personnes est une responsabilité", nuance Sacha, 11 ans.
"Se réinventer"
Aboutissement de mois de répétitions, les 300 enfants ont présenté dimanche à l'opéra de Lille le fruit de leur travail. Dans la grande salle, ils ont repris Ravel, Offenbach ou Bizet devant plus d'un millier de personnes, dont de nombreux parents "fiers" et "heureux".
"C'est un honneur, un projet qui sort du commun. D'habitude, nous n'allons pas à l'opéra", relève Myriam Gerrebout, venue voir son fils scolarisé à Guînes (Pas-de-Calais). Ce n'est pas tous les jours qu'ils auront cette occasion-là."
"Nous avons choisi de nous adresser à des enfants, qui peuvent être de très bons ambassadeurs", souligne Brigitte Rose. Si le projet n'a pas vocation à enseigner le solfège, il offre "des outils" pour comprendre la musique et "améliorer l'estime de soi".
Sur l'escalier menant au foyer, Merab Namoyan prend un selfie avec sa fille sous les dorures du plafond. "C'est impressionnant", sourit cet homme d'origine géorgienne, qui n'était jamais entré dans un opéra. Pour faciliter l'organisation, le transport a entièrement été pris en charge par l'opéra de Lille, qui a multiplié ces dernières années les initiatives pour diversifier les formats et attirer un nouveau public, comme les retransmissions d'opéras en direct sur écran géant dans plusieurs communes des Hauts-de-France.
Avec Finoreille, "on essaye de faire venir et grandir l'enfant en tant que personne" pour éveiller sa curiosité artistique, mais aussi de toucher toute sa famille, explique la directrice de l'opéra, Caroline Sonrier. "Nous avons ici une diversité de publique remarquable" par rapport aux autres opéras de France, se réjouit-elle. Mais "la recherche d'un nouveau public est un chantier permanent" et "prioritaire". "Il faut continuer de se réinventer."