Ils ont entre 18 à 66 ans et ont à cœur la fin des attaques russes en Ukraine. Militants dans l'âme ou simples citoyens, rencontre avec ceux qui ont participé au rassemblement de la place de la République à Lille.
Les lilloises et les lillois ont répondu présent à la mobilisation en solidarité avec les Ukrainiens ce samedi 26 février. Plus d'un millier de personnes se sont rassemblés à partir de 13 heures pour réclamer "la fin de la guerre", "une Ukraine libre", dire "non à Poutine" et s'ériger face "aux autocraties et dictatures"
Parmi les manifestants, plusieurs ont accepté de revenir sur les raisons de leur présence, leur lien avec l'Ukraine et les racines de leur engagement.
Marina, 31 ans, le cœur en Ukraine, les pieds à Lille
Marina est ukrainienne et vit en France depuis cinq ans. "Je suis ici car c'est la guerre dans mon pays", explique la jeune femme, qui veut montrer son soutien à ses compatriotes à 2000 kilomètres de Lille. Parmi eux, il y a ses parents qui ont refusé de quitter le pays malgré les conseils répétés de leur fille. "Ma famille n'a pas voulu partir pour se battre contre les Russes, ils n'ont pas voulu quitter leur maison. Je leur ai proposé plusieurs fois de venir, surtout qu'ils ne sont plus très jeunes, mais ils n'ont pas voulu".
À son échelle, elle essaie de sensibiliser son entourage à la cause. C'est pourquoi trois de ses amies sont venues aujourd'hui à ses côtés. Marina regrette toutefois que les Français "ne comprennent pas assez ce qui se passe parce que ça leur paraît assez lointain. Emmanuel Macron essaie de sensibiliser la France mais ce n'est pas assez". Elle est également déçue des sanctions infligées à la Russie et confie vouloir "plus d'aides de la part de l'Europe, notamment en termes de munitions. Les Ukrainiens essaient de faire avec leurs moyens mais c'est un petit pays".
Pour Karine, Michalena et Katarzyna, "c'est le minimum qu'on peut faire"
Marina peut compter sur la présence de ses trois amies : Karine, ressortissante chinoise de 36 ans, et deux femmes d'origine polonaise, Michalena, 36 ans et Katarzyna, 41 ans. "Je suis venue ici pour soutenir ma collègue Marina, explique Karine. Je ne veux pas la guerre." Les images et vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont fini par la convaincre de se joindre à sa toute première manifestation "pour soutenir la paix dans le monde entier, car la première et la seconde guerre mondiale ont commencé par de petites guerres et on a vu la suite".
"On a peur que ce soit juste le début et on est inquiet pour le futur de l'Europe", renchérit leur amie Michalena. Elle estime que ce conflit est un moment d'histoire qu'il ne faut pas rater. "Et surtout, la raison principale de ma venue, c'est par solidarité avec le peuple ukrainien qui est proche de nos cœurs".
Ce sentiment de proximité avec l'Ukraine - pays frontalier avec la Pologne - est partagé par sa compatriote, Katarzyna, venue pour soutenir ses collègues et amis ukrainiens. "J'ai aussi peur pour ma famille en Pologne car ils ne sont qu'à 50 kilomètres de la frontière. C'est comme si ça nous touchait directement."
Laurant, 18 ans, la génération engagée
Cet étudiant chargé d'organisation chez les Jeunes européens fait partie de cette nouvelle génération, engagée sur les enjeux de société : climat, réforme des retraites, Parcoursup... Sa ferveur militante, qui coule dans ses veines depuis l'enfance, est profondément liée à son histoire personnelle. "Je suis né au Kosovo et mes parents ont vécu la guerre de 1998-1999, raconte-t-il. Ça fait partie du récit familial même si mes parents ne sont pas politisés". Kosovo, Serbie, Bosnie-Herzegovine... Toutes ces conflits sanglants régionaux ont renforcé en lui un profond désir de justice.
Arrivé en France à l'âge de 10 ans, cette attache à une justice sans concession n'a fait que se développer. "J'ai baigné dans cette sensibilité permanente, notamment avec le parcours d'immigration dont j'ai pu bénéficier." Venir soutenir l'Ukraine était donc une évidence pour ce militant intraitable sur la question européenne et la "souveraineté des nations".
Premier rassemblement pour Camille et Benjamin, frères et sœurs
Pour Camille, 37 ans, et Benjamin 34 ans, la manifestation est une première. "On est venu pour soutenir le peuple ukrainien en Ukraine, en France et partout dans le monde, explique Camille. Les images choquantes diffusées partout nous ont aussi motivé à sauter le pas."
Si c'est la première fois qu'ils se déplacent, ils n'ont toutefois jamais détourné le regard des conflits internationaux. "J'ai suivi ce qui se passait en Asie avec les Ouighours et le Tibet. En Chine, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas parler, ajoute Benjamin. Je me suis même retrouvé dans les incidents à Hong-Kong dans le métro, par hasard."
Le jeune homme craint que l'immobilisme des dirigeants ne donne des idées à la Chine : "J'ai peur qu'elle fasse la même chose avec Taïwan", conclut Benjamin.
Joëlle, 66 ans, militante dans l'âme
Joëlle, gilet jaune, est loin d'en être à sa première manifestation. Au cours de sa vie, elle a été de toutes les luttes. Le dos de son gilet jaune le prouve : justice climat, violences policières, évasion fiscale, réversion des dividendes, réforme des retraites... La liste est longue. Pour elle, la question de venir soutenir les Ukrainiens ne s'est pas posée une seule seconde. "Je suis venue pour dire que les peuples veulent la paix et qu'on n'est pas d'accord avec la guerre", lance-t-elle en ajoutant que "dans ces conflits, ce sont les peuples qui trinquent".
Cette ancienne éducatrice et inspectrice du travail est issue d'une famille d'ouvriers et de militants. Les revendications dans la rue sont même une affaire de famille. "Mon père était syndicaliste et mon arrière grand-père a été en prison pour avoir crié sa révolte dans la rue. Même si je suis à le retraite, je suis toujours en lutte, toujours aussi révoltée. Je crois que c'est dans le sang", affirme-t-elle en souriant.
Partout dans les Hauts-de-France, de nombreux rassemblements en soutien au peuple ukrainien ont eu lieu à Arras, Valenciennes, Amiens, Beauvais ou encore Dunkerque.