Ils craignent pour leur indépendance dans le cadre de cette réforme, qu'ils jugent trop rapide. A l'occasion de la visite à Lille de Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, ils ont manifesté devant le bâtiment de la PJ à Lille.
Une soixantaine de policiers tenus par leur devoir de réserve ont manifesté dans le silence devant la Police Judiciaire de Lille contre la réforme de la police nationale du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Officiers de police, ils ont hissé une banderole "Non à la DDPN", Direction Départementale de la Police Nationale, qui serait sous l'autorité du préfet.
"Ils sont inquiets pour leur coeur de métier, c'est-à-dire une vocation spécifique pour les enquêtes criminelles importantes qui, in fine, serait diluée dans les enquêtes de sécurité publique. S'attaquer au 'spectre haut' de la criminalité à un intérêt pour chacun car cela empêche une certaine délinquance", explique Robert Bourdelle, du syndicat Synergie Officiers, présent sur les lieux.
Joël Specque, ex-commissaire divisionnaire à la PJ, abonde "Le but de cette réforme, c'est de renforcer les équipes de sécurité publique avec les 4000 fonctionnaires de police judiciaire. Ça va être la porte ouverte à la délinquance organisée qui va reprendre la main et on verra dans quelques années les chiffres augmenter de façon exponentielle".
Dans la réforme de la police, (testée dans trois départements au niveau national, depuis plusieurs mois, dont le Pas-de-Calais, pour sa problématique migratoire), les PJ seraient en effet regroupées avec les effectifs de sécurité publique au sein d'une filière judiciaire. Tout comme il y aurait une filière immigration ou une filière renseignement territorial.
Le principe de la "pompe à vide"
Les syndicats de police se réunissaient cet après-midi, à Lille, avec Frédéric Veaux. "Nous ne sommes pas opposés à toute réforme mais en l'état cela va trop vite. La fin de la mise en place de cette réforme est prévue pour fin 2023. Cela nous paraît très ambitieux. Et il faudrait un véritable retour sur les expérimentations effectuées", conclut Robert Bourdelle.
Sous couvert d'anonymat un enquêteur de la direction zonale police judiciaire Nord explique avoir l'impression d'une réforme de la police nationale "sur un coin de table", "expérimentée en 2021" sans aucun retour sur cette expérimentation. "Les investigations prennent du temps. Ce n'est pas parce que la BAC va interpeller un client, un petit dealer et un troisième quidam qui, dans le cadre d'une affaire de stupéfiant vont faire 24h, 48h ou 96h de garde à vue ; pour être remis en liberté ou être condamnés à du sursis s'ils sont récidivistes ; que les organisateurs du trafic vont être arrêtés. J'appelle ça le principe de la pompe à vide. Elle arrange tout le monde, la semaine d'après les trois mêmes peuvent être arrêtés de nouveau".
En somme, une espèce de politique du chiffre qui n'irait pas au fond des choses. Et cet enquêteur de laisser entendre que, si l'on veut deux fois plus de "bleu" sur la voie publique pour faire face à l'explosion des plaintes, la solution trouvée au détriment de la PJ, n'est pas la bonne solution.