Témoignages. Des agressions sexuelles lors d'un concert à Lille, "t'aimerais que quelqu'un fasse ça à ta frangine, à ta nana ou ta mère ?"

Des femmes ont dénoncé des agressions sexuelles pendant le concert des Fatals Picards et de Marcel et son orchestre, le 7 mai dernier, au Zenith de Lille. Les deux groupes se veulent intransigeants face à ces comportements. Les témoignages mettent en avant des comportement déviants récurrents pendant ces soirées.

Le concert des Fatals Picards et de Marcel et son orchestre n'aura pas été un moment festif pour tout le monde. Plusieurs fans, majoritairement des femmes, ont dénoncé des agressions sexuelles, comportements et propos déplacés pendant le spectacle qui a réuni 4500 personnes au Zenith de Lille, ce samedi 7 mai 2022. 

L'occasion pour certains d'entre eux de dénoncer la récurrence de ces problématiques pendant les concerts. 

"On compte bien te faire partir"

Charlotte Loncq, 20 ans, étudiante, est arrivée une heure et demie avant le début du concert avec son compagnon, "parce que c'est un groupe qu'on affectionne". Habituée aux festivals punk, rock et métal, la jeune femme sait "que ça bouge et que ça bouscule". La première partie se passe dans la "bonne humeur"

C'est à l'arrivée de Marcel et de son orchestre qu'elle constate un changement d'ambiance. "Il y a eu un pogo [moment où les spectateurs sautent et se bousculent], j'ai été séparée de mon copain. J'ai dit à plusieurs personnes que je n'arrivais pas à respirer, je fais 1 mètre 60, ils font 1 mètre 80 ". Elle raconte qu'on la regarde en lui disant que "c'est dommage", sans lui venir en aide dans un premier temps. Alors, elle réussit à se faire une place contre la barrière " pour mieux respirer ". 

Charlotte explique que des spectateurs se jettent sur elle, "des hommes d'1m80, bien portants". Elle décide de parler de nouveau, "car je n'ai pas peur de dire les choses" et un spectateur lui rétorque "toi, t'es la dernière meuf devant et on compte bien te faire partir". 

Déjà que je me sens pas bien dans la rue, à la fac, au travail, si je ne me sens pas en sécurité dans les lieux de loisir, ça va pas le faire.

Charlotte Loncq

Elle se tourne alors vers la scène et sent une main "attraper ses fesses". " Mais je n'ai pas pu voir qui c'était. La foule l'a emporté ". Un sentiment de malaise s'installe. Plusieurs personnes se frottent contre elle. Elle n'arrive pas à savoir si "c'était volontaire ou pas" à cause du choc de l'attouchement survenu quelques instants plus tôt. C'est grâce à deux autres hommes qu'elle réussira à s'extirper de cette situation et rejoindre son compagnon. 

"Un gobelet de bière entier à la figure" 

Patricia, elle aussi, a vécu une agression sexuelle pendant le concert. "J'ai subi des attouchements, d'abord au premier étage, se rappelle-t-elle. Un monsieur est venu à côté de moi, a mis sa main autour de ma taille et a bien compressé mes hanches". En repassant quelque temps après, il lui a mis "une main aux fesses". 

Mais le cauchemar ne s'arrête pas là. En descendant dans la fosse, un homme se tourne vers elle et lui jette "un gobelet de bière entier à la figure". Patricia se dit "en colère, dépitée", "pas bien, un peu dégoutée" et envisage de porter plainte contre X en espérant que cela puisse "faire avancer un peu les choses, si on est plusieurs à le faire, ça aura peut-être une incidence". 

Un monsieur est venu à côté de moi, a mis sa main autour de ma taille et a bien compressé mes hanches.

Patricia

Dans les commentaires de la publication Facebook, de nombreuses personnes acquiescent. Une jeune femme note des "gestes déplacés, et surtout un verre de bière entier" lancé au visage. Une autre, habituée aux spectacles des Fatals Picards, parle d'une ambiance "différente" des autres concerts du groupe. 

Fatals Picards et Marcel et son orchestre dénoncent les agressions

Le groupe Fatals Picards n'a pas attendu longtemps avant de réagir dans un message Facebook. Il dénonce "des gestes très déplacés, des propos presque tout autant, des agressions sexuelles, des attitudes d'un autre âge qui semblaient trahir une absence totale de respect et d'éducation". 

Ils annoncent également faire tout leur possible pour rayer de la carte ces comportements "aux antipodes de notre vision des rapports humains". 

Ce message a "fait du bien" à Charlotte, qui s'est dit "contente de voir qu'[elle n'était] pas la seule à avoir vécue ça". De plus, ce post "permet aux gens de réagir et de se retrouver entre eux". Les commentaires ont très rapidement afflué, relatant de faits similaires. 

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Franck, leader de Marcel et son orchestre scandalisé par les comportements déviants et agressions sexuelles pendant les concerts ©France Télévisions

De son côté, Franck de Marcel et son orchestre, condamne également ces agressions. "C'est abominable, je ne peux pas avoir deux sous d'indulgence pour des comportements de beauf comme ça", s'est-il insurgé au micro de France 3 Hauts-de-France. 

T'aimerais que quelqu'un fasse ça à ta frangine, à ta nana, ta mère ? Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est juste abjecte.

Franck de Marcel et son orchestre

Il a évoqué le concert du groupe à Lille en 2004, où la violence des pogos les a poussé à interrompre le concert pour remettre la foule en ordre. "On sentait que c'était très chaud, on s'est dit ohlala, on va arrêter, ça va être dangereux. Et on l'a fait à de multiples reprises".

Manque de visibilité 

Un autre problème a été souligné aussi bien par les groupes que les victimes d'agressions sexuelles : la visibilité dans la foule. Dans les salles de concert, les fosses sont très souvent plongées dans l'obscurité et les spectateurs sont serrés.

Il devient alors difficile de distinguer les silhouettes les unes des autres. "Tu vois pas tout, les salles sont des fois très très sombres", regrette Franck. C'est ce qui explique pourquoi il était difficile pour Patricia de suivre son agresseur, qu'elle avait réussi à entrevoir rapidement avoir qu'il ne disparaisse, car "il y avait tellement de monde, on ne voyait plus".

Même chose pour Charlotte, qui n'a pas pu voir celui qui l'a attouché car "la foule l'a emporté". 

Des cas qui ne sont pas isolés 

Au-delà du concert des Fatals Picards et de Marcel et son orchestre, nombreuses sont les personnes qui dénoncent des comportements répétés. Des internautes relèvent des "gestes devenus systématiques" lors de spectacles ou encore "un scénario identique au concert de Franz Ferdinand", le 6 mai dernier au Zénith de Lille.

De son côté, Charlotte Loncq a déjà remarqué des attitudes déplacées et attouchements à d'autres occasions, "mais ce sont des comportements isolés, j'ai déjà fait des concerts punk, rock avec des lourds qui essayaient de me draguer, de me toucher, sauf que les gens interviennent". Mais dans le cas de ce concert, "il n'y a pas eu d'intervention avant l'aide des deux hommes, j'ai eu l'impression d'être en danger". 

En réalité Les agressions sexuelles dans les fosses ne sont pas rares. En 2019 déjà, des victimes de violences sexuelles en festivals témoignaient sur Konbini de leur ras-le-bol. À Bordeaux, en 2021, un homme a été arrêté pour des agressions sexuelles au cours du festival Climax. La même année, le rappeur marseillais Soso Maness interrompait un concert pour venir en aide à une spectatrice harcelée. 

Toutefois, cette problématique ne concerne pas que la France. Ce n'est pas la première fois que des faits pareils sont relatés à l'international. Aux Pays-Bas, le chanteur Sam Carter du groupe Architects interrompait aussi son concert après avoir assisté à une agression sexuelle en public. Même scénario à Sydney, en Australie, pendant le spectacle du rappeur canadien Drake. 

Rester vigilants et solidaires

En plus des agents de sécurité, les artistes et les fans appellent à plus de solidarité durant les concerts. Si Charlotte a pu se faire escorter par deux hommes, à l'abri, il lui a fallu du temps avoir de se sortir de ce calvaire. 

"Maintenant, il appartient aussi aux spectateurs, d'avoir un œil un petit peu sur les gens à côté d'eux puis d'aider les personnes qui peuvent être en détresse, conclut Franck, en appelant à la responsabilité des spectateurs. C'est aussi des moments de solidarité les concerts. Et la solidarité c'est pas que pour soi, c'est pour tout le monde." 

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