Le tribunal administratif de Lille a jugé illégal le fichage par le parquet de manifestants arrêtés lors du mouvement contre la réforme des retraites. Il a ordonné la destruction des fichiers. L'Etat doit également verser une somme globale de 3 000 euros aux requérants.
“Une atteinte grave et manifestement illégale portée au droit au respect de la vie privée.” C’est ainsi que le tribunal administratif de Lille qualifie les fichiers établis par le parquet de Lille.
Dans sa décision, rendue ce vendredi 19 mai, il ordonne au garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti et au parquet l’effacement immédiat des données personnelles contenues dans ces fichiers. Le tribunal a également condamné l'Etat à verser une somme globale de 3.000 euros aux requérants.
Cette décision fait suite à deux requêtes en référé-liberté déposées par l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico), le Syndicat des avocats de France (SAF) et la Ligue des droits de l'homme (LDH). Pour Me Jean-Baptiste Soufron, avocat des deux premières, “cette décision met fin à la mise en place de fichiers d’opposants politiques”.
Un fichier illégal
Lundi, des représentants du ministère de la Justice avaient reconnu devant le tribunal l’existence d’un fichier Excel recensant les gardés à vue lors des manifestations contre la réforme des retraites. Un fichier contenant le motif de l’interpellation, les suites données à celle-ci mais surtout les noms, prénoms et dates de naissance des personnes arrêtées. Mais en le présentant comme un outil créé pour anticiper l’augmentation du nombre de garde à vue.
“C’est l’intégralité du fichier qui a été remise en cause” explique Me Marion Ogier, avocate de la LDH. Pour elle, le jugement du tribunal administratif est “une décision inédite”. De tels fichiers devant faire l’objet d’un décret pour être autorisés, or “le juge a constaté qu’il n’y en a pas”, détaille-t-elle.
Existe-t-il d’autres fichiers ?
“La deuxième étape est de savoir quels autres parquets le font”, poursuit l’avocate de la LDH. Durant l’audience, lundi, les représentants du ministère de la Justice ont reconnu que “cette modalité a été utilisée à plusieurs reprises”. Selon Mediapart, à l’origine de la révélation de l’existence de ce fichier, Lille ne serait pas le seul parquet en France à utiliser de tels fichiers. “On espère qu’ils les supprimeront sans qu’on ait à saisir un tribunal”, conclut Me Marion Ogier.
Me Jean-Baptiste Soufron attend de connaître “les responsabilités” de la création de ce fichier. “À ce jour on n’a aucune réponse. On ne sait pas qui a créé ces fichiers, combien il y en a et ce qu’il y a dedans.”