Mehdi Bayat, administrateur délégué du club belge de Charleroi, a réussi un très beau coup cette année en achetant Victor Osimhen pour 3,5 millions d'euros puis en le revendant près de 4 fois ce prix au LOSC cet été. Il prédit un grand avenir au jeune buteur nigérian.
Arrivé cet été à Lille, l'avant-centre nigérian Victor Osimhen, 20 ans, est la révélation de ce début de saison en Ligue 1. Son nom figure tout en haut du classement des buteurs (à égalité avec le Lyonnais Moussa Dembélé), avec 5 réalisations en 5 matches joués.
La saison dernière, il n'évoluait pas loin de Lille, en Belgique, au Royal Charleroi Sporting Club. Mehdi Bayat, l'administrateur délégué des Zèbres (et par ailleurs président de l'Union belge de football), a accepté de répondre à nos questions sur ce jeune prodige acheté par les Dogues 12 millions d'euros (+ 3 millions de bonus maximum et un pourcentage à la revente).
► Victor Osimhen s'apprête à faire ses débuts en Ligue des Champions ce mardi avec le LOSC contre l'Ajax. C'est sans doute une très grande satisfaction pour vous qui avez contribué à le révéler ?
MEHDI BAYAT : Oui, évidemment. On a eu la chance de faire grandir un garçon comme Victor qui est non seulement quelqu'un de très attachant mais aussi quelqu'un qui se donne vraiment à fond pour le club où il est. Il a réussi en moins d'un an à conquérir le coeur des supporters.
On le voit aussi dans ses matches avec Lille, il a toujours cette envie de gagner. Et quand on le voit continuer à grandir, on est effectivement fier d'avoir pu marquer, d'une certaine manière, son début de carrière.
► Osimhen est actuellement meilleur buteur de Ligue 1. Ça vous a surpris qu'il s'adapte aussi vite à la Ligue 1 ?
MB : Pas du tout. Je l'avais d'ailleurs très clairement dit à Marc Ingla (le directeur général du LOSC NDR). Bon, c'est sûrement aussi ce que disent tous les gens qui sont en discussion avec d'autres clubs pour vendre un de leurs joueurs (rires). Mais je n'étais pas dans l'erreur. Je n'avais aucun doute sur le fait qu'il allait réussir.
Quand on regarde, de manière générale, le niveau du championnat de Belgique aujourd'hui et à quel point il est devenu un exportateur de joueurs de qualité pour des montants très importants vers les grands championnats européens, il faut se dire que c'est un très bon vivier. Le niveau est quand même là. Le top 5 ou le top 6 belge a plus ou moins le même niveau que le top 5 ou le top 6 français, hors "galactiques" du Paris Saint-Germain...
► Osimhen est arrivé chez vous, à Charleroi, à l'été 2018, sous forme de prêt, en provenance de Wolfsburg (Allemagne). A l'époque, c'était un joueur que vous suiviez déjà depuis longtemps ? Comment ça s'est passé ?
MB : C'est un joueur qui a eu son heure de gloire après la Coupe du Monde U17 au Chili (en 2015 NDR) où il avait cartonné (le Nigéria avait remporté la compétition et Osimhen terminé meilleur buteur avec 10 réalisations NDR). A ce moment là, pas mal de clubs étaient déjà sur lui et finalement il est allé à Wolfsburg. Dès lors, ce n'était plus du tout le profil de joueur sur lequel Charleroi pouvait se positionner. Parce que quand on a tous les grands clubs européens qui se tapent dessus pour aller chercher un gamin de cet âge-là, ça devient compliqué...
Par contre, ce qui est arrivé c'est qu'une fois là-bas, ça ne s'est pas vraiment passé comme il le souhaitait. Wolfsburg a décidé, à un moment donné, de le prêter. Ses agents ont pensé qu'aller jouer en Belgique serait une bonne solution. Avant de le proposer à Charleroi, ils l'ont proposé au FC Bruges. Mais en fait à ce moment-là - et c'était une chance pour nous - Victor avait attrapé la malaria, il n'était pas au mieux physiquement. Et lorsqu'il est arrivé à Bruges, ils ont fait une visite médicale et ils ont dit que physiquement le joueur n'était pas prêt.
Un de ses agents m'a donc contacté ensuite et m'a dit : "Ecoute, il y a une opportunité à saisir". Je lui ai dit que je voulais parler d'abord avec Victor. J'ai parlé avec lui et j'ai tout de suite senti l'envie, senti qu'il avait les crocs et donc on a fait un prêt avec une option d'achat. Le risque n'était pas si important, même si l'option d'achat était quand même relativement élevée (3,5 millions d'euros NDR). Mais voilà, c'était pour un joueur qui cassait vraiment la baraque comme on peut le voir aujourd'hui.
"C'est un garçon extrêmement loyal"
► Mais c'était un moment où il n'était au mieux dans sa jeune carrière...
MB : Complètement. Et Victor étant dans cette situation, il a ensuite toujours été très correct. C'est un garçon extrêmement loyal. Il est arrivé dans cette situation à Charleroi mais il ne l'a pas oublié quand il a commencé à performer et qu'on a reçu des sollicitations au mois de janvier, notamment de Lille qui s'était déjà positionné. Pour nous, c'était important qu'il reste parce qu'on voulait jouer les play-offs 1 en Belgique. J'ai eu une discussion avec lui et je lui ai dit : "Reste avec nous jusqu'à cet été et tu verras que tu auras beaucoup plus de possibilités".
► Il aurait pu partir dès le mercato d'hiver ?
MB : Oui, il aurait pu partir dès le mercato d'hiver, si, comme certains joueurs, il avait voulu forcer le truc. Mais il a été hyper correct par rapport au club. Et il m'a dit clairement : "Vous êtes venus à moi à un moment où c'était une situation compliqué, je ne l'oublierai jamais, pas de problème. Si vous souhaitez que je parte, je partirai, mais si vous souhaitez que je reste, je reste". C'est extrêmement rare dans le monde du foot !
► Il appartenait toujours à Wolfsburg à ce moment-là ?
MB : On avait une option d'achat qu'on aurait déjà pu lever pour le transférer ensuite, donc techniquement ça ne changeait rien. Mais sportivement, on ne voulait pas. Et on a eu raison, la suite l'a confirmé. Il a quand même planté des 20 buts sur la saison (toutes compétitions confondues NDR) et c'est vrai que cet été, on a eu beaucoup plus d'offres.
Mais c'est lui qui a choisi Lille. Alors qu'on avait des offres plus intéressantes financièrement sur la table. Mais Victor a décidé que c'était Lille. Mais Lille n'est qu'une étape, comme Charleroi n'a été qu'une étape pour lui. Il ira ensuite dans un grand championnat, ça ne fait aucun doute. Et Lille va le vendre très cher, ce sera peut-être le joueur qu'ils vendront le plus cher de toute leur histoire ! Ils ont déjà fait pas mal avec Nicolas Pépé (vendu 80 millions d'euros cet été à Arsenal NDR), mais pour moi, ce sera au-dessus.
► Le LOSC s'était vraiment positionné très tôt ?
MB : Oui. Le LOSC s'était positionné parce qu'ils avaient raté le coche avec (Dodi) Lukebakio (ailier belge de Charleroi vendu à Watford en janvier 2018 NDR). Parce qu'ils le voulaient l'époque et ils l'avaient raté. On en avait parlé avec eux en disant que s'ils ne se positionnaient pas rapidement cette fois, ils allaient rater le joueur de nouveau.
► Qu'est-ce qui a convaincu Osimhen de rejoindre le LOSC ?
MB : C'est un club qui venait de faire un beau parcours, qui allait jouer la Champions League et qui correspondait aussi à l'évolution qu'il souhaitait avoir. Aujourd'hui, tout prouve qu'il a fait le bon choix.
► La Ligue 1 semble découvrir aujourd'hui Osimhen. D'autres clubs français s'étaient-ils positionnés eux aussi ?
MB : Il y a eu un autre club de Ligue 1 mais ils ont été un peu mous (selon l'agent d'Osimhen, il s'agissait de Monaco NDR). Lille le voulait vraiment, ils se sont positionnés, ils ont fait ce qu'il fallait pour le convaincre tout de suite. Mais on a eu des offres de toute l'Europe.
► Vous avez vendu Victor Osimhen 12 millions d'euros (hors bonus) au LOSC. C'est de loin la plus grosse vente jamais réalisée par Charleroi (le précédent record était détenu par le Péruvien Cristian Benavente, vendu 6 millions au club égyptien du Pyramids FC NDR). C'est un manne financière qui a été très importante pour votre club ?
MB : L'année passée, on avait vendu deux joueurs, là avec le prix payé, on n'en a vendu qu'un. Le budget annuel de notre club est dans les 23/24 millions d'euros.
► Si ça a été une bonne affaire pour vous financièrement, il n'est sans doute pas facile sportivement de remplacer un joueur comme Osimhen, au moins à court terme...
MB : Il faut toujours bien se positionner... on a pu rentrer un nouvel attaquant qui est déjà suivi un peu par tout le monde, Shamar Nicholson, un Jamaïcain qui a inscrit 2 buts en 2 matches et qui ressemble d'ailleurs pas mal physiquement à Victor, même s'il est aussi un peu différent (le joueur a été achété 1,5 million d'euros au club slovène de Domzale NDR).
A Charleroi, on a quand même la réputation d'être un club qui arrive à très bien recruter, puisque que sur les dernières années, on a quand même sorti pas mal de joueurs. C'est un peu notre marque de fabrique.
► Et si vous deviez garder un souvenir en particulier du passage de Victor Osimhen à Charleroi, ce serait lequel ?
MB : Je crois que c'est sa loyauté. Quand vous avez un joueur qui a cette élégance... l'expérience la plus importante pour moi à retenir, c'est lorsqu'au mois de janvier des clubs se positionnent et que je lui dis "Victor, c'est pas le moment". Et il me répond "Vous étiez là quand j'étais dans la merde, aujourd'hui, c'est vous qui voyez". Ce genre de réaction chez un joueur, c'est suffisamment rare pour le souligner.
► Performant sur le terrain et une mentalité exemplaire, donc ?
MB : Et puis c'est un joueur à records, voilà. Il sera très certainement meilleur buteur du championnat de France cette saison. De la même manière qu'en Belgique, il a marqué le but le plus rapide de toute l'histoire du football belge (après 9 secondes de jeu contre l'Antwerp en barrage d'accession à l'Europe NDR).
Victor Osimhen inscrit le but le plus rapide de la Pro League lors d'Antwerp-Charleroi https://t.co/aAgUxzfu8y pic.twitter.com/CbYkD4jhZb
— DH.be (@ladh) May 26, 2019
Ça peut paraître anecdotique, mais ça correspond au profil du joueur. Il aura marqué l'histoire du football belge, on se souviendra de lui à vie.