"On est les oubliés du covid !" : Jade, atteinte d'une tumeur, sans vaccin mais sans dérogation au pass sanitaire

L'oncologue de Jade Meunier, 12 ans, atteinte d'une tumeur cérébrale, lui a recommandé de ne pas se faire vacciner. Mais, à cause d'une liste de contre-indications réduite, elle ne dispose pas non plus d'une dérogation au pass sanitaire. Ses parents crient leur colère, et leur incompréhension.

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"Tous les jours, elle prends ses médicaments pour la chimio ; un jour sur deux un antibiotique pour ses lymphocites ; elle a des prises de sang tous les 15 jours... On a juste envie de dire : laissez notre enfant tranquille." La fatigue, l'inquiétude, la colère percent dans les propos de Sébastien Meunier* et de son épouse, Léa*. Ils sont les parents de Jade*, 12 ans, atteinte depuis trois ans d'une tumeur cérébrale cancéreuse, pour laquelle elle est suivie au Centre Oscar Lambret de Lille.

*Les noms et prénoms ont été modifiés conformément au souhait de la famille de préserver son anonymat.

Le 18 août dernier, lors d'un rendez-vous avez l'oncologue de Jade, le couple Meunier s'interroge : peuvent-ils faire vacciner leur fille contre le covid-19, alors que les 12-17 ans seront bientôt eux aussi concernés par le pass sanitaire ? "Sachant que Jade a eu le covid l'année dernière, de façon asymptomatique, elle m'a dit qu'au vu du rapport bénéfice-risque, il valait mieux ne pas la vacciner. Cette tumeur, elle est contenue depuis trois ans, mais pour nous c'est un combat qui est permanent. Jade est dans un équilibre un peu fragile, qu'on cherche à maintenir. Ça veut aussi dire ne pas introduire de "risque" qui pourrait enflammer sa tumeur. Nous, on suit les conseils de l'oncologue" plaide Sébastien Meunier.

Malgré le souhait des Meunier, la vaccination est donc écartée. Ils demandent donc au médecin une attestation afin d'expliquer la situation de leur fille au collège, mais aussi au restaurant, au cinéma, au club de sport... "C'est là qu'elle nous a dit : "On ne peut rien faire."

Contre-indications : un décret qui fait débat

En effet, dans le processus de mis en place du pass sanitaire, une liste des conditions médicales acceptées comme étant des contre-indications à la vaccination a été fixée par décret. La liste est extrêmement restreinte, moins de 10 contre-indications, et ne laisse aucune place au cas par cas. Impossible au médecin de rédiger une attestation si la pathologie en question n'est pas citée dans le lot : le professionnel se met en porte-à-faux avec la loi, et le document lui-même pourrait être considéré comme non-valide.

L'annexe 2 du décret, qui détaille cette liste, est controversé dans le milieu médical. Certains craignent qu'en reportant la responsabilité sur le médecin, les demandes non-justifiées se multiplient. D'autres considèrent que ces restrictions draconiennes fragilisent encore certains patients. Le député du Morbihan Paul Molac s'était déjà ouvert sur cette inquiétude le 22 juillet auprès du ministre de la santé Olivier Véran, lors des discussions autour du projet de loi : "J’ai été saisi par des médecins qui signalent que les aménagements seront très limités et ne permettront pas de prendre en considération un certain nombre de personnes auxquelles leur médecin ne conseille pas la vaccination." Un commentaire resté sans réponse, d'après le compte-rendu de séance.

"Il y a des mesures qui ont été prises, qui sont nationales, et on les comprends, mais nous on doit lutter contre une grave maladie, ce n'est même pas pris en compte. J'arrive pas à comprendre pourquoi il n'a pas été prévu dès le départ des dérogations pour les enfants comme elle, qui sont reconnus à la sécurité sociale comme ayant une maladie grave chronique" questionne le père de Jade. Le couple a envoyé une lettre à Brigitte et Emmanuel Macron pour plaider la cause de leur enfant, et espérer une solution pour toutes les familles dans leur cas.

"On est les oubliés du covid. On n'est pas nombreux à être concernés, sans doute, et heureusement pour les autres parents. Sauf que quand on l'est, on se retrouve dans une impasse, enrage Léa Meunier. Dans ce genre de maladie, c'est super important de garder une vie sociale normale, pouvoir aller au cinéma, faire les magasins... On se passerait bien du fait que notre fille a un cancer ! On est très en colère que rien n'ait été prévu, qu'Oscar Lambret ne puisse rien faire pour notre enfant. Ce n'est pas un passe-droit, personne ne peut rien à sa maladie, et elle va être discriminée parce qu'elle ne peut pas se faire vacciner."

"Qu'on redonne le pouvoir au médecin !"

"Jade faisait du tennis en club l'année dernière, et là elle ne pourra plus, parce que le club aussi demande le pass sanitaire. On ne va pas encore lui imposer des tests antigéniques, sachant qu'elle est déjà dans ce monde médicalisé, en permanence, depuis 3 ans !" complète son conjoint. Cette absence de certificat pourrait aussi impacter la scolarité de la jeune fille : en cas de déclaration d'un cas de covid-19 dans la classe, les enfants cas-contact et non-vaccinés seront renvoyés chez eux pour 7 jours. "Un prof qui va avoir 28 élèves en classes et 2 à domicile, il ne pourra pas assurer et le présentiel, et le distanciel... Un enfant de 12 ans, il est incapable de s'enquiller une journée de téléenseignement tout seul à la maison puisqu'en général les parents bossent" s'inquiète la mère de Jade.

Le centre Oscar Lambret, qui n'a pas souhaité donner suite aux sollicitations de France 3, précise cependant sur son site internet : "Dans tous les cas, la continuité des soins sera assurée." Mais, avec l'application du pass sanitaire aux 12-17 ans le 30 septembre, les Meunier assurent que l'établissement leur a demandé de soumettre Jade à des tests de dépistage avant de pouvoir se rendre aux rendez-vous médicaux pour le suivi de sa tumeur. "C'est complètement dingue ! On lutte au quotidien pour maintenir le moral dans notre maison, on veut que nos enfants se sentent bien, on garde nos angoisses pour nous... On a reçu une punition de la vie avec ce cancer, et on nous en rajoute une", soupire Sébastien.

Le père et la mère de famille plaident pour que la décision reviennent à celle qui connaît et suit leur fille : son médecin. "Évidemment, une fois que l'oncologue nous a dit ça, on ne peut pas se résoudre à la faire vacciner, ce serait aberrant. Imaginez qu'on la vaccine, et que sa tumeur grossisse trois mois plus tard, anticipe Sébastien Meunier. Peut-être que personne ne saura si c'est lié au vaccin ou pas, je le sais bien, mais nous, dans notre responsabilité de parents... Je ne pourrais plus me regarder dans la glace, je ne pourrais plus regarder mon épouse dans les yeux. Qu'on redonne le pouvoir au médecin de choisir comment il traite son patient !"

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