Entamée dimanche dernier, l’opération "port mort" se poursuit à Boulogne-sur-Mer. Ce jeudi 30 mars dans la soirée, ils étaient une soixantaine de patrons de pêche et hommes d’équipage à se rassembler quai Loubet pour protester contre l’interdiction de chalutage voulue par la commission européenne.
"Europe = génocide du pêcheur", "2030 = mort de la pêche et de sa filière". A Boulogne, les messages de protestation fleurissent sur les chalutiers, à quai depuis dimanche 26 mars. Celui de Pierre Leprêtre, le Marmouset III, équipé pour le chalut et la senne, est en réparation pendant la grève. "On serait mieux à la mer quand même, soupire le capitaine. "Mais là avec ce plan d’action qu’on veut nous imposer, on est obligés. On ne peut pas laisser passer ça, sinon c’est notre mort".
Avec l’instauration des AMPs (aires marines protégées), riches en encornets, c’est 40 à 50% de son chiffre d’affaires qui pourrait partir en fumée. Il faudra songer à pêcher plus loin, mais là aussi, la hausse des prix du carburant risque de peser. "Nos bateaux sont trop petits, on ne peut pas se permettre de partir 10-15 jours, déjà à cause de notre capacité de gasoil, ou du mauvais temps", explique Olivier Leprêtre. "On va être obligés de partir loin alors qu’on a du poisson au pied de la côte. Quand on va partir pêcher, on va passer au-dessus du poisson sans pouvoir rien faire."
"L’image du pêcheur mauvais garçon qui tue les dauphins"
Du côté du chalutier Nicolas-Jérémy, les frères Margolle préparent des filets neufs, histoire de prendre un peu d’avance. Avec l’aide de rouleaux de caoutchouc, ces filets permettent de racler les fonds marins. Une pratique considérée comme dommageable selon l’Union européenne. "C’est toujours l’image du pêcheur mauvais garçon qui tue les petits dauphins", déplore Bruno Margolle, président de la CME (Coopérative Maritime Étaploise). "On ne veut pas scier la branche sur laquelle on est assis. Nous, on veut juste travailler. C’est à se demander si en France on veut encore d’une pêche ou si on nous dit qu’un marin et un hameçon suffisent. Sauf que ce n’est pas comme ça qu’on va nourrir la population."
"Depuis 10-15 ans, il y a eu des efforts considérables dans tous les domaines, que ce soit sur les chaluts, les économies d’énergie, le matériel employé…. Nous pêcheurs, on n’est pas du tout hostiles à montrer notre bonne foi. Toutes les 2 heures, on donne notre position, on est obligés d’envoyer notre déclaration de pêche… on joue le jeu !"
Bruno Margolle, président de la CME (Coopérative Maritime Étaploise)
"On restera le temps qu’il faut"
Sur l’eau, la colère gronde, mais à quai il serait temps pour les patrons de pêche de reprendre la mer. "On restera le temps qu’il faut mais on ne peut pas rester indéfiniment", précise Olivier Leprêtre, président du comité régional des pêches des Hauts-de-France. "On a des entreprises à faire tourner, des équipages à nourrir, donc il faut qu’on retourne en mer, même si nous ne sommes pas à une semaine près."
Le comité national de pêche doit encore statuer sur la poursuite ou non du mouvement. D’après le directeur du port de Boulogne, Alain Caillier, les pêcheurs pourraient bien reprendre la mer dès ce dimanche soir.