Radios Associatives : menaces de réduction de subventions et inquiétude sur la bande FM

Le projet de loi de finances pour 2025 envisage une réduction de - 35% du FSER, Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique. Une mise en péril de 750 radios associatives en France, 21 dans les Hauts-de-France. Entretien avec Hervé Dujardin, président de la Fédération des Radios Associatives du Nord de la France, (Franf), journaliste à la Radio Scarpe-Sensée, à Douai.

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Rappelez-nous ce qui distingue les radios associatives et commerciales ?

Nos radios ont en moyenne 40 ans d'existence. On se souvient de la fin du monopole d'État du passage au statut de radio pirate à radio autorisée [en 1981]. La différence survient ensuite. Elles se structurent en association. Elles n'ont pas le droit de faire de la publicité. Certains en font. Donc mis devant le fait accompli, l'État va réglementer tout cela et dire aux radios : "choisissez votre camp" : radio commerciale ou associative sans publicité. Pour ces radios, qui ne font pas de pub, a été créé le FSER, fonds de soutien à l'expression radiophonique. Initialement, ce fonds était une taxe sur les recettes publicitaires des radios et télévisions. Cela fournissait une enveloppe pour les radios qui renonçaient à la publicité avec uniquement la possibilité d'en faire de manière inférieure à leur recette totale.

Ensuite l'Europe a interdit le financement du FSER sous forme de taxe...

Oui, en raison des lois de finances européennes qui interdisent qu'une taxe ou un impôt soit attribué à tel ou tel fonds ou subvention. Donc ce n'est plus une taxe qui finance ce fonds, mais une décision au moment du vote du budget sur l'enveloppe du ministère de la Culture qui alimente ce fonds. Autrement dit, la décision n'est plus liée au rendement d'une taxe, mais à la volonté politique de nous accompagner pour garantir l'expression de tous les citoyens sur les radios associatives. La particularité de la radio associative étant d'être ouverte à tous.

De combien de millions d'euros risquez-vous de ne plus disposer ?

De 10 millions d'euros. L'enveloppe était de 32 millions à diviser par 750 radios. Il y a deux subventions : une subvention d'exploitation et, une dite sélective. La première, d'exploitation : plus on obtient de subventions et plus, on a des financements dans la limite de 40 000 euros par an. La deuxième est jugée sur un rapport d'activité que nous fournissons avec preuves à l'appui pour la lutte contre les discriminations, le développement local, l'éducation, l'emploi et la culture.

Comment cela risque-t-il de se répercuter sur les 21 radios associatives des Hauts-de-France ?

Le budget moyen des radios en Hauts-de-France est de 130 000 à 140 000 euros par an. Généralement, on a à peu près 60 000 euros de budget qui provient du FSER. Vous supprimez un tiers de ces 60 000 euros pour des associations qui emploient en moyenne deux équivalents temps pleins, qui paient la Sacem, l'électricité etc. Ça devient terriblement compliqué. Comment voulez-vous faire tourner une association H 24 avec des bénévoles dont les missions de communication sociale de proximité sont fixées par la loi d'août 1986 ? C’est de la radio libre, mais pas pour faire n'importe quoi, ça du sens. On ne peut pas concevoir un programme bâti sur ça, sans un minimum d'encadrement et de professionnels de la radio. L'idée, c'est un outil que je rends accessible au plus grand nombre et que je rends accessible aux bénévoles.

Je travaille avec des centres sociaux, des MJC, avec l'aide sociale à l'enfance... C'est comme si on méprisait mon travail, mais aussi comme si on insultait mes partenaires.

Hervé Dujardin

Dans quel état d'esprit êtes-vous ?

Avant le projet de loi de finances, Madame la ministre de la Culture avait annoncé que le FSER allait être abondé de 2 millions d'euros, principalement vers les radios d'Outre-Mer et les radios très rurales en France métropolitaine. Or d'un seul coup, on apprend que le budget est amputé de 10 millions. Quand vous regardez le détail du programme "livres, médias, industries culturelles" du ministère de la Culture on est le seul programme à être amputé. Le budget du ministère de la Culture est à l'équilibre. On est les seuls, les plus petits, à payer, ça me met un peu en colère. En tout cas ça me remonte !... Je travaille avec des centres sociaux, des MJC, avec l'aide sociale à l'enfance, C'est comme si on méprisait mon travail, mais aussi, comme si on insultait mes partenaires. Est-ce que l'auditeur d'une radio associative a moins d'importance qu'une radio commerciale, nationale ? Et on nous dit : on doit veiller au pluralisme des médias. Avec le service public, on est peut-être le dernier rempart au phénomène de concentration des médias. Sur le fond, on peut se questionner : c'est presque un ballon d'essai avant que le service public y passe.

Ce n'est pas de l'argent qu'on brade ! C'est juste d'avoir les moyens qu'en France des espaces de liberté d'expression participant à la vie démocratique de ce pays puissent encore exister

Hervé Dujardin, président de la Franf

Comment vous défendez-vous ?

On a rencontré le ministère de la Culture. Il faut maintenant que les parlementaires obtiennent des amendements dans le cadre du débat budgétaire qui modifie la situation. Les amendements commencent à être déposés. Pour l'instant, le projet de loi de finances est étudié sur le côté "recettes". On a jusqu'à la mi-novembre, avant que le côté "dépense" soit analysé. On alerte à tous niveaux, députés et sénateurs. Le danger : si demain, on ferme une usine de 1 200 personnes, ça se voit, mais si vous licenciez 1 200 personnes un petit peu ici et là en France, ça risque de passer inaperçu. On n'a jamais été agressés d'une façon aussi violente. Ce n'est pas un coup de rabot, c'est une guillotine. Si on avait voulu nous faire mourir doucement, on ne s'y prendrait pas mieux... Ce n'est pas de l'argent qu'on brade ! C'est juste d'avoir les moyens qu'en France des espaces de liberté d'expression participant à la vie démocratique de ce pays puissent encore exister. Enfin, tout cela tombe au moment où l'Arcom, [Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique], publie un livre blanc qui rappelle l'importance de la radio associative. Il y a deux langages : on vous aime bien, mais on va vous abattre.

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