Les conditions d'un retour en France des femmes et enfants de jihadistes français capturés en Irak et Syrie, seront examinées "au cas par cas", a déclaré Emmanuel Macron dans un entretien à France 2. Amine Elbahi, dont la soeur est partie en Syrie, estime que la réponse n'est pas suffisante.
"Cela dépend à chaque fois des pays et des situations", a déclaré le chef de l'Etat, interrogé mercredi par France 2, en marge de l'inauguration du Louvre Abu Dhabi, sur l'épineuse question des "revenants". "Nous avons des échanges permanents avec la justice irakienne, que nous reconnaissons. Et quand des crimes sont identifiés pour des ressortissants français (...), ils doivent être jugés, et nous reconnaissons la justice, il y a un travail qui est fait avec", a-t-il précisé dans cet entretien mis en ligne sur le site de franceinfo.
"Cette réponse elle est totalement irresponsable et indigne de la part d'un Président de la République. Indigne d'abord parce que nous avons sollicité le Président de la République en France et c'est finalement au cours d'un déplacement à l'international qu'il répond en 30 secondes à des questions précises", a réagi Amine Elbahi, un militant associatif de Roubaix dont la soeur est partie rejoindre la Syrie. Avec d'autres familles de jihadistes, il avait envoyé un long courrier à Emmanuel Macron pour réclamer le rapatriement des Français partis en Syrie ou en Irak.
Au cas par cas
"Pour les femmes et les enfants, ce sera du cas par cas, en fonction des situations", a affirmé le président. "Lorsqu'ils reviennent en France, les adultes sont soumis à la justice française, sont incarcérés, seront jugés", a-t-il dit. "Et tout ce qui a été commis fera l'objet d'un jugement, parce que c'est aussi la juste protection que nous devons à nos concitoyens".
"Et pour ce qui est des enfants, ils font l'objet d'ores et déjà pour ceux qui sont revenus et ceux qui reviendront, d'une procédure toute particulière et d'un suivi très particulier, en particulier sur le plan médical et psychiatrique", a-t-il précisé. Relancé sur la question du rapatriement des femmes et des enfants, M. Macron a répété que "c'est au cas par cas".
"Je ne connais pas un droit international qui s'applique au cas par cas", s'indigne Amine Elbahi. "Je connais un droit international qui s'applique à toutes et à tous.Ces enfants mineurs n'ont rien demandé. Ces enfants mineurs sont innocents", répète le jeune homme.
Combien de Français encore sur place ?
"Il y en a qui peuvent revenir sans qu'ils soient rapatriés, il y en a qui peuvent être rapatriés, et il y en a qui seront jugés avec leurs familles, dans certaines circonstances, dans les pays où ils sont, en particulier l'Irak". "Est-ce qu'aujourd'hui c'est à la France de laisser ces enfants mineurs en Irak et en Syrie, sous les bombes, sous les massacres ? On nous explique qu'on va régler la question des enfants au cas par cas, comme si ces enfants n'étaient pas assez terrorisés", répond Amine Elbahi.
Selon le gouvernement français, environ 1.700 Français sont partis rejoindre les zones jihadistes irako-syriennes depuis 2014. Sur ce total, selon des chiffres de fin octobre, 278 sont morts - chiffre que le gouvernement admet sous-évalué - et 302 sont revenus en France : 178 hommes (dont 120 écroués), 66 femmes (dont 14 ont été écrouées) et 58 mineurs, la plupart de moins de 12 ans. Les autres ont été capturés en Syrie ou Irak, tués dans les combats ou ont fui vers les derniers territoires tenus par l'EI ou d'autres foyers jihadistes (en Libye notamment).
"Il faut aujourd'hui faire une distinction entre ceux qui ont combattu, ceux qui n'avaient qu'une seule volonté de tuer, et ceux qui y sont allés parce qu'ils ont simplement été embrigadés. Une grande majorité des femmes se sont fait radicaliser non pas là-bas, mais ici. Le problème il est ici, il est chez nous", précise le Roubaisien.
Le sort des Français arrêtés dans les zones de conflits dépend du pays, avait précisé fin octobre la ministre des Armées Florence Parly. S'ils se trouvent en Irak, les adultes peuvent être jugés sur place, et le sort des enfants "est étudié au cas par cas", en tenant compte de la volonté des parents, avait-elle indiqué.
"La nouvelle annonce c'est que parmi ces enfants qu'on souhaite rappatrier, on va les détacher de leurs parents et donc on va à nouveau décomposer la cellule familiale, or la décomposition de la cellule familiale c'est ce qui a entraîné ici en France le terreau de la radicalisation. Nous sommes en train de reproduire notre histoire", conclut Amine Elbahi.