TEMOIGNAGE. "Je dessine pour celles et ceux qui n'ont pas peur de plonger avec moi", Thomas Carpentier artiste et schizophrène présente son premier manga

Thomas Carpentier, un dessinateur de Tourcoing, s'est lancé à l'assaut des maisons d'édition. Son premier manga, "U mad people", est le récit brut et prenant d'une période sombre de sa vie où il était aux prises avec sa maladie, la schizophrénie. Aujourd'hui, il estime qu'il "en garde le meilleur".

"Je dessine cette bd avant tout pour celles et ceux qui n’ont pas peur de plonger avec moi. Qui n’ont pas peur du voyage comme de la destination. Pour ceux qui sont aptes à comprendre que tout n’est pas forcément compréhensible", avertit l'auteur.

Thomas Carpentier a 22 ans. Etudiant sortant de l'école d'art Saint-Luc, en Belgique, il vient de terminer sa première oeuvre sous la forme d'un manga intitulé "U mad people". Un récit brut, composé de souvenirs d'une période difficile, avant que sa schizophrénie ne soit diagnostiquée. 

"J'arrive à en garder le meilleur"

"Ça a commencé par un épisode dépressif, on m'a dit d'ailleurs que ça se déclenchait souvent comme ça. Des hallucinations sont venues, petit à petit. Si progressivement que je ne me rendais pas compte que j'étais en train de sortir de la réalité, raconte-t-il. Le moment qui a été décisif, c'est lors d'une crise de colère assez intense, où ma mère m'a demandé si j'entendais des voix. Sur le moment, je n'ai pas répondu, c'est elle qui a décidé de chercher de l'aide."

Cette période intense en proie avec la maladie dure trois ans jusqu'à ce que Thomas Carpentier soit diagnostiqué, en février 2020. "En ce moment, ma maladie n'affecte plus tellement mon quotidien. Il reste deux ou trois hallucinations, parfois, quand je suis seul. Grâce au traitement, j'arrive à en garder le meilleur. Ce que je me dis souvent, c'est que c'est comme une extension de mon cerveau, une succursale qui s'est ouverte" confie le jeune artiste.

"Ça me permet d'être beaucoup plus créatif, en tout cas je pense. Ça m'a ouvert l'esprit. A coups de surins dans le crâne, mais ça m'a ouvert l'esprit."

Thomas Carpentier

Un voyage dans la tête de "Théo"

Son ouvrage, "à 90% autobiographique" est raconté du point de vue du cerveau de Théo, un jeune homme de 17 ans "naviguant entre la paranoïa et la folie pure." Sur sa route pour trouver sa place dans le monde réel et dans son propre cerveau, Théo interagit avec des personnages mystérieux, malveillants ou poétiques, fruits de ses hallucinations. 

"Pour moi, c'est une sorte de thérapie. Tout ce que j'ai dans la tête, j'ai eu besoin de le recracher sur une feuille de papier. J'aime structurer ce qui m'est arrivé, surtout à cette époque un peu folle où j'étais malade. Je voyais toutes ces images, je rencontrais toutes ces personnes qui n'existaient même pas. Déjà à ce moment-là, j'essayais de structurer un récit dans ma tête" analyse Thomas Carpentier.

Il a consacré toute une année à la création de cette première oeuvre complète. "Tous les jours, il y a eu au moins une heure où on s'énerve sur sa feuille, on trouve tout nul. Et puis soudain, l'inspiration arrive quand on part fumer une clope. Je n'ai pratiquement pas écrit, j'ai dessiné. Le fait d'être arrivé jusqu'à l'étape de l'envoyer à des éditeurs, c'est une bonne chose pour moi."

"Une émotion, c'est ce qu'on recherche en tant qu'artiste"

Thomas Carpentier n'a pas encore été publié mais il espère que son récit pourra un jour se faire une place dans les rayons des librairies. "Du public, j'espérerais juste une réaction. Pas forcément positive. S'ils sont dégoûtés par l'oeuvre, c'est déjà une émotion, c'est ce qu'on recherche en tant qu'artiste, entame-t-il. Ensuite, oui, ça me ferait plaisir que les gens comprennent un peu mieux ce que je vis."

"Même si ce n'est pas ce que j'aborde dans ma BD, il y a beaucoup de stigmates autour de la schizophrénie. Ce n'est pas son but premier mais si elle peut ouvrir les yeux de certaines personnes, c'est très bien."

Thomas Carpentier

"Il y a un cliché récurrent, c'est le fait que les schizophrènes sont violents, illustre le dessinateur. Moi, j'avais des crises de colère, mais je n'ai jamais fait de mal à personne à part à moi-même. Certaines personnes ont peur, tout simplement. On confond aussi beaucoup la schizophrénie et le trouble dissociatif de l'identité. Dans ma schizophrénie à moi, il y a des points communs mais ce sont deux choses bien distinctes. Il y a autant de schizophrénies que de schizophrènes !"

D'ailleurs, le terme schizophrénie n'apparaît pas dans l'oeuvre "U mad people" qui, dans la subtilité du noir et blanc, raconte un parcours unique et personnel.

En attendant qu'elle soit publiée, Thomas Carpentier s'est déjà mis au travail et jette parfois un regard nostalgique à ses anciens compagnons de route. "Il y a une de mes hallucinations, une petite fille qui s'appelle Mo et je voudrais lui faire un coucou. Elle a été l'une de mes seules sources de lumière à l'époque. Si elle passe par là, j'espère qu'elle va bien", conclut-il tranquillement. 

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