Un homme de 37 ans est mort de froid à Valenciennes dans la nuit de mercredi 8 à jeudi 9 janvier. Chaque année, les épisodes de froid intense rendent la prise en charge des sans-abri compliquée
Un homme de 37 ans est mort de froid à Valenciennes dans la nuit de mercredi 8 à jeudi 9 janvier. “Tout seul, sur son carton, dans un squat” déplore Karine, cofondatrice du collectif Face à la Rue qui vient en aide aux personnes sans-abri à Valenciennes. Le premier décès lié au froid dans la région cette année. “Vous vous rendez compte ? Mourir comme ça en 2025 ? Comment l'évènement n’interpelle pas plus ? Ça me met en rage” s’indigne Karine. "Il est passé sous nos radars et s'est réfugié dans un squat invisible depuis la rue, sûrement pour tenter de se mettre à l'abri."
Dans son dernier rapport, le Collectif des Morts de la Rue qui recense le nombre de personnes décédées dans la rue, note que 70 personnes sont décédées dans ces circonstances dans la région en 2023. Les Hauts-de-France sont ainsi la deuxième région la plus touchée par des cas de décès de personnes sans-abri, derrière l'Ile-de-France. Les causes de ces décès ne sont toutefois pas précisées.
"Les maladies ou l’addiction sont les causes principales, le froid vient ensuite" souligne Vincent Morival, directeur de l'accueil de jour de l'association Abej de Lille. Difficile donc de connaître précisément le nombre de victimes du froid chaque année. Au moins deux personnes en février 2024, une femme en octobre 2023... Chaque fois pendant des épisodes de chutes brutales des températures. "Ce qui est sûr c’est que le froid est très traumatisant, redoutable. Avec les températures de ces derniers jours, lorsque notre accueil de jour ferme ses portes, les gens sans solution ont peur. Il y a une vraie détresse psychique. En dernier recours, les gens tentent de se réfugier dans les gares, les seuls lieux fermés accessibles de nuit."
Avec les températures de ces derniers jours, lorsque notre accueil de jour ferme ses portes, les gens sans solution ont peur.
Vincent Morival, directeur de l'accueil de jour de l'association Abej de Lille
À Lille, l’accueil de jour de l'Abej a donc rallongé ses horaires, repoussant ainsi sa fermeture de 18 heures à 20 heures, comme le veut la procédure en cas de forte chute des températures. D'autres solutions sont mises en place par la préfecture du Nord "sur la base d’une appréciation combinée des besoins des personnes sans domicile identifiées et des températures ressenties, fournies par Météo-France." Depuis le 3 janvier, plusieurs dizaines de places d’hébergements d’urgence ont été ouvertes dans la région. Deux gymnases accueillent du public à Lille, d’autres lieux sont ouverts à Mons-en-Baroeul ou à Lambersart. "C’est positif, bien sûr, mais ça reste insuffisant par rapport aux besoins. Il y a encore des gens qui dorment dans des tentes en ce moment. Il n'y a pas assez de places ouvertes" selon Vincent Morival.
En raison du #froid et de la forte baisse des températures, 320 places d'hégerment d'urgence sont mises en place dès ce soir dans l'ensemble du département du #Nord afin de mettre à l'abri les personnes vulnérables. Celles-ci s'ajoutent aux 7200 places d'hébergement ouvertes… pic.twitter.com/68VLY0cqg2
— Préfecture de la région Hauts-de-France et du Nord (@prefet59) January 3, 2025
Ailleurs dans la région, d'autres lieux similaires ont été ouverts à Dunkerque, à Douai, à Cambrai et à Maubeuge. Mais pas à Valenciennes. Ce qui indigne Karine, du collectif Face à la Rue. "On sait qu'il y a des personnes isolées à Valenciennes, ou des familles à la rue. Et on savait que les températures allaient chuter. Pourtant, la préfecture n’a pas été foutue d’ouvrir une salle en urgence. Rien n’est mis en place."
Les associations décrivent aussi une prise en charge rendue compliquée par la baisse brutale des températures. "On fait des maraudes où on distribue des doudounes, des polaires, des boissons chaudes, de quoi se réchauffer… Mais lorsqu’on sait que quelqu’un va dormir dehors avec ce froid, ça semble bien dérisoire, c’est une action momentanée, c’est insuffisant." Selon plusieurs témoignages, le manque de places d’hébergement pousserait certains associatifs à devoir payer des nuits d’hôtels aux plus démunis. "Évidemment, ça nous arrive tous de sortir notre carte bleue pour payer une ou deux nuits d’hôtels. On se substitue à ce que doit faire l’Etat." , affirme Karine. Elle réclame une "vraie politique de prise en charge des sans-abri", bien après l'hiver.